Le 18 octobre 2012, la Cour d’appel de l’Alberta (la « Cour ») a rejeté la demande de la Première nation de Cold Lake (la « PNCL ») d’en appeler d’une décision de l’Alberta Energy Resources Conservation Board (l’« ERCB »). L’ERCB avait statué qu’il ne lui incombait pas d’évaluer le caractère adéquat de la consultation que la Couronne avait menée avec la PNCL dans le cadre d’une demande présentée à l’ERCB. La Cour d’appel a déterminé que la question était théorique et que, dans les circonstances, rien ne motivait qu’elle exerce son pouvoir discrétionnaire pour instruire l’appel. La question de savoir si l’ERCB avait raison et, dans le cas contraire, quelles en seraient les conséquences, reste donc entière.
Contexte
Osum Oil Sands Corporation (« Osum ») avait demandé à l’ERCB d’approuver un projet de récupération de bitume qui serait mis en œuvre à proximité de Cold Lake, en Alberta. La PNCL s’était objectée à la demande d’Osum et avait déposé un avis de question de droit constitutionnel et demandé à l’ERCB de déterminer si l’Alberta s’était acquittée de son obligation de consulter et d’accommoder la PNCL relativement au projet d’Osum. La PNCL a prétendu que l’Alberta ne s’était pas acquittée de cette obligation et qu’en conséquence le projet n’était pas dans l’intérêt du public.
L’ERCB a déterminé que même s’il est habilité à trancher des questions constitutionnelles, il n’est pas habilité à trancher toutes les questions constitutionnelles qui lui sont posées. Dans ce cas précis, la demande était présentée par une société et non par la Couronne. L’ERCB a conclu que son mandat d’examiner le caractère adéquat des consultations menées par la Couronne relativement aux droits ancestraux et aux droits issus de traités ne s’applique pas aux affaires dans le cadre desquelles le promoteur n’est ni la Couronne ni un agent de la Couronne.
Le jour suivant, la PNCL a conclu une entente avec Osum et a retiré son objection au projet de cette dernière.
La Cour d’appel
Même si elle a conclu une entente avec Osum, la PNCL a demandé l’autorisation d’en appeler de la décision de l’ERCB devant la Cour d’appel de l’Alberta. La Cour a convenu que la question de savoir si la Couronne s’était acquittée de son obligation de consulter était clairement dans l’intérêt du public, mais elle a décidé de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire pour répondre à la question de la PNCL.
La Cour a fait remarquer que des consultations avaient lieu périodiquement entre la PNCL, les autres Premières nations et le gouvernement et qu’en conséquence, la même question se poserait sous peu dans le cadre d’une autre affaire. La Cour a insisté sur ce point en annexant à sa décision des avis de questions constitutionnelles comparables présentés par la Première nation d’Athabasca Chipewyan et la Première nation de Fort McMurray relativement au projet d’expansion de la mine Jackpine de Shell. La commission d’examen conjoint de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale et de l’ERCB devrait étudier ces avis le 23 octobre 2012.
La Cour a également souligné le fait qu’elle hésite généralement à trancher des questions constitutionnelles importantes dans un vide factuel, soulignant que les questions de compétence ne peuvent pas toujours être séparées du contexte factuel sous-jacent. En conséquence, et compte tenu d’autres aspects, la Cour a rejeté le pourvoi en appel.
Lire la décision de la Cour à l’adresse suivante (en anglais) : <http://www.albertacourts.ab.ca/jdb/2003-/ca/civil/2012/2012abca0304.pdf>
Conclusion
La décision de la Cour témoigne à nouveau de la réticence généralisée des tribunaux canadiens à trancher des questions, surtout des questions importantes, de droit constitutionnel ou d’interprétation des traités, en l’absence de litige actuel. La véritable question semble être quelle sera la décision de la Cour lorsqu’elle se penchera sur la responsabilité de l’ERCB d’évaluer le caractère adéquat de consultations.
Dans l’affaire Rio Tinto, la Cour suprême du Canada était parvenue sans difficulté à la conclusion qu’il incombait à la British Columbia Utilities Commission (la « BCUC ») d’évaluer le caractère adéquat de la consultation menée dans des circonstances comparables. Toutefois, comme l’a fait remarquer l’ERCB, la BCUC avait examiné une demande présentée par un agent de la Couronne et non par une partie privée.
Il sera intéressant de voir si la Cour accorde autant d’importance à cette distinction que l’ERCB. Comme la Cour l’a mentionné, il importe pour tous les Albertains d’évaluer l’obligation de consulter découlant de l’honneur de la Couronne.
Il faut noter que la question de la compétence de l’ERCB pourrait ne pas être tranchée dans le cadre de la demande présentée relativement à la mine Jackpine. Dans ce cas, la question pourrait être tranchée dans le cadre du mandat de la commission d’examen conjoint. Toutefois, compte tenu du raisonnement tenu par l’ERCB, la question de sa compétence sera presque certainement soumise à nouveau à la Cour sous peu. Si la Cour statuait que l’ERCB n’a pas compétence pour trancher une telle question, il faudrait déterminer quel organisme a une telle compétence et si cet organisme a exercé cette compétence.