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La Cour supérieure du Québec refuse d’autoriser un recours collectif de consommateurs contre UPS

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Bulletin Litiges et résolution de conflits

Le 1er octobre 2012, la Cour supérieure du Québec a rendu sa décision sur deux requêtes pour autorisation de l'exercice d'un recours collectif contre United Parcel Service du Canada Ltée (« UPS ») et FedEx Trade Networks Transport et Courtage (Canada) Inc. (« FedEx »)[1]. Le juge William Fraiberg a conclu que les deux requêtes pour autorisation ne répondaient pas aux critères d'autorisation de l'exercice du recours collectif de l'article 1003 du Code de procédure civile (Québec). Plus particulièrement, dans le cas de la requête d'autorisation de M. Leblanc contre UPS (la « requête pour autorisation »), la Cour a jugé que : 1) la requête pour autorisation ne soulevait pas des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes (art. 1003 a)); 2) les faits allégués ne paraissaient pas justifier les conclusions recherchées (art. 1003 b)); et 3) M. Leblanc n'était pas en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres (art. 1003 d)).

Cette décision est importante pour les deux entreprises de messagerie, qui offrent des services de dédouanement au nom des vendeurs, ainsi que pour tous les vendeurs situés à l'extérieur du Canada qui traitent avec des clients du Québec.

Contexte

La requête pour autorisation présentée par M. Leblanc contre UPS est l'un des trois recours collectifs intentés au Canada au sujet des frais de courtage facturés aux consommateurs du Canada par UPS pour le dédouanement de certains biens en provenance des États‑Unis. En Colombie‑Britannique, le recours collectif a été rejeté sur une requête en jugement sommaire et maintenu en appel. En Ontario, le recours collectif a été autorisé, mais les appels et les autorisations d'appel sont toujours pendants devant la Cour. Jusqu'à maintenant, UPS a réussi à faire accueillir une demande d'autorisation d'appel en Ontario. L'autorisation du recours collectif au Québec a maintenant été rejetée.

Au Québec, le requérant, M. Leblanc, demandait l'autorisation d'instituer un recours collectif au nom d'un groupe composé de personnes à qui on a facturé des frais de courtage au moment de la livraison internationale de biens au Canada pour des services de courtage présumément non sollicités rendus par UPS.

Les faits sont les suivants :

M. Leblanc, résident du Québec, a acheté sur eBay le 1er mai 2004 un chandail de Vicki Batwin, exerçant ses activités sous le nom de « Vicki's Corner » à Oceanside (New York); il a payé 11,99 $ US, plus des frais d'envoi et de manutention de 10 $. Mme Batwin a retenu les services de UPS pour livrer le chandail à M. Leblanc.

Mme Batwin a indiqué par erreur dans les documents de livraison d'UPS que la valeur du chandail vendu à M. Leblanc était de 25 $ US au lieu du prix d'achat de 11,99 $ US. Par conséquent, sa valeur a été évaluée aux douanes à 34,27 $ CA. M. Leblanc a dû payer des frais de courtage de 16,80 $ et des taxes de 7,68 $ (ce qui comprend les taxes sur les frais de courtage), pour un total de 24,48 $. Le livreur d'UPS a présenté la facture à l'épouse de M. Leblanc lorsqu'il a livré le chandail et elle l'a payée en son nom au comptant. Si M. Leblanc avait refusé de payer ces frais, celui-ci ou son épouse aurait pu demander que les biens soient renvoyés à l'expéditrice, Mme Batwin, ou qu'ils soient conservés aux installations d'UPS Canada à Montréal en attendant le dédouanement par un autre courtier ou par M. Leblanc lui-même.

En invoquant le Code civil du Québec (le « CCQ ») et la Loi sur la protection du consommateur (Québec) (la « LPC »), M. Leblanc demandait l'autorisation d'exercer un recours collectif contre UPS pour recouvrer les frais liés aux services de courtages qui ont été facturés, à lui et à d'autres résidents du Québec, ainsi que des dommages-intérêts punitifs de 20 $ en vertu de l'article 230 de la LPC parce qu'ils n'avaient pas demandé les services.

Décision de la Cour supérieure

La Cour supérieure du Québec a rejeté la requête pour autorisation jugeant que la loi applicable n'était pas celle du Québec, mais plutôt celle de chaque État américain dans lequel les contrats de transport de biens ont été conclus entre les vendeurs et UPS, ce qui fait en sorte que le recours collectif s'avère inapproprié. La Cour a en effet jugé qu'en plus du fait que la loi applicable différait dans chaque cas, les contrats de ce genre ne comportent pas tous un consommateur ou ne sont pas tous des contrats d'adhésion (par exemple, un contrat conclu entre une entreprise de messagerie et Amazon n'est pas un contrat de consommation ni un contrat d'adhésion).

Par ailleurs, la Cour a jugé que M. Leblanc ne pouvait demander des dommages-intérêts punitifs en vertu de la LPC puisque la loi québécoise ne s'applique pas et qu'il  n'y avait pas de contrat de consommation.

De plus, la Cour a jugé que, bien qu'il n'y ait pas de preuve que M. Leblanc avait été informé de l'existence des frais de courtage, le connaissement contenait une autorisation implicite de rendre les services de courtage pour un prix devant être établi en fonction de la valeur des services. En effet, la Cour a soutenu que les services de courtage rendus par UPS ne pouvaient être évités et étaient un accessoire nécessaire au contrat de transport en raison de sa nature et conformément à la loi. Plus particulièrement, la Cour a jugé que la connaissance des exigences de dédouanement et du fait que seules les entreprises de messagerie pouvaient rendre ce service de livraison à domicile devait être attribuée à la fois à l'expéditrice, Mme Batwin, et au requérant, M. Leblanc. Ce sont des questions de droit et donc il existait une « connaissance présumée ».

Quant aux allégations selon lesquelles les services de courtage rendus étaient non sollicités, la Cour a jugé que l'obligation d'informer les consommateurs de l'existence des frais de courtage relève ultimement des expéditeurs (vendeurs), comme Mme Batwin, et non des entreprises de messagerie, comme UPS, puisque l'expéditeur est celui qui a la relation principale avec le consommateur et qu'il est donc en meilleure position pour obtenir et fournir tous les renseignements importants.

Pour ce qui est du montant des frais de courtage facturés par UPS à M. Leblanc, la Cour a conclu que M. Leblanc n'a pas prouvé qu'ils étaient excessifs ou « abusifs ». La comparaison avec Postes Canada a été jugée inappropriée puisque Postes Canada est un service gouvernemental sans but lucratif qui n'est pas en concurrence avec le service continu et rapide de livraison à domicile fourni par UPS.

Enfin, la Cour a conclu que M. Leblanc n'avait pas un intérêt suffisant pour poursuivre UPS parce que les frais de courtage qu'il a payés avaient été occasionnés par l'erreur de la vendeuse, laquelle avait surévalué, aux fins des douanes, la valeur du chandail qu'il importait. Sans cette erreur, il n'aurait pas eu à payer de frais de courtage pour ce chandail.

Conclusion

Il s'agit d'une décision importante pour les entreprises de messagerie qui rendent des services de dédouanement au nom des vendeurs, ainsi que pour tous les vendeurs étrangers qui traitent avec des consommateurs du Québec. Elle confirme que l'obligation d'informer les consommateurs de l'existence des frais de courtage pour les services de dédouanement relève ultimement du vendeur et non des entreprises de messagerie. De plus, la décision confirme que le recours collectif ne peut être utilisé lorsque les faits pertinents et la loi applicable pour chaque membre du recours collectif ne sont pas les mêmes.

* UPS était représentée par les co-conseillers juridiques principaux John Campion (Toronto) et Eleni Yiannakis (Montréal) et les co-conseillers juridiques adjoints Noah Boudreau (Montréal), Antonio Di Domenico (Toronto) et Robin P. Roddey (Toronto).


[1]   Dominic Leblanc c. United Parcel Service du Canada Ltée and Serge Maurice c. FedEx Trade Networks Transport et Courtage (Canada) Inc. 2012 QCCS 4619.

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