Le gouvernement a lancé des consultations publiques au sujet d'une proposition de régime de recapitalisation interne qui s'appliquerait aux banques d'importance systémique nationale (BISN) du Canada. Le régime de protection des contribuables et de recapitalisation des banques (le « régime proposé ») vise à prévenir le renflouement par les contribuables d'une BISN en permettant aux autorités de convertir une partie du passif de la banque en faillite en fonds propres réglementaires. En particulier, les « créances de premier rang à long terme », c'est-à-dire les créances de premier rang non garanties qui sont négociables et transférables et dont le terme à courir est au départ de plus de 400 jours, pourraient être converties en actions ordinaires. Les dépôts seraient exclus du champ d'application du régime de recapitalisation proposé. La conversion serait accompagnée d'autres mesures visant à rétablir la viabilité de la banque.
Les éléments essentiels du égime proposé sont énoncés dans le Document de consultation sur le régime de protection des contribuables et de recapitalisation des banques (le « document de consultation ») et sont résumés ci-après. Les commentaires doivent avoir été reçus d'ici le 12 septembre.
Contexte
Durant la crise financière mondiale, plusieurs institutions financières en péril, considérées comme étant « trop importantes pour faire faillite », ont été renflouées grâce à l'intervention des gouvernements. Ces événements ont suscité une inquiétude générale au sujet des coûts imposés aux contribuables et de l'aléa moral en découlant. La recapitalisation interne vise à pallier ces problèmes en faisant en sorte que les pertes soient assumées par les actionnaires et les créanciers et qu'il soit possible de recapitaliser une banque en faillite sans imposer de fardeau financier aux contribuables.
La recapitalisation interne faisait partie des principaux attributs des systèmes de résolution performants pour les institutions financières (Key Attributes of Effective Resolution Regimes for Financial Institutions) (les « principaux attributs ») du Conseil de stabilité financière (le « CSF »), qui ont été avalisés par le G20 en novembre 2011. Il avait été annoncé dans le budget de 2013 qu'un régime de recapitalisation interne serait introduit pour les BISN canadiennes. Pour de plus amples renseignements sur la recapitalisation interne, prière de se reporter à notre bulletin de décembre 2013 intitulé La recapitalisation interne bientôt au Canada.
Résumé du document de consultation
Le régime proposé et le cadre canadien de résolution bancaire
Le régime proposé serait intégré au cadre de résolution bancaire déjà en place au Canada. Le document de consultation relève deux éléments clés de ce cadre : (1) les outils et les pouvoirs de la Société d'assurance-dépôts du Canada (SADC) et (2) le régime des fonds propres d'urgence en cas de non-viabilité (FPUNV), aux termes duquel les instruments de fonds propres non ordinaires doivent comprendre des dispositions contractuelles prévoyant leur conversion en actions ordinaires advenant un événement déclencheur. On trouvera une présentation résumée du régime des FPUNV dans notre bulletin Préavis final du BSIF sur les fonds propres d'urgence en cas de non-viabilité.
Il est proposé que la recapitalisation interne fonctionne de pair avec les autres éléments du cadre canadien de résolution bancaire. En particulier, le document de consultation indique que des mesures additionnelles comme la propriété ou le contrôle public provisoire de la banque non viable devraient accompagner la recapitalisation.
Principales caractéristiques du régime proposé
1) Pouvoir de conversion conféré par la loi
La pierre angulaire du régime proposé est un pouvoir conféré par la loi qui permettrait la conversion permanente, en totalité ou en partie, de certains passifs en actions ordinaires. Ce pouvoir permettrait également (sans la rendre obligatoire) l'annulation permanente, en totalité ou en partie, des actions ordinaires en circulation avant que celle-ci atteigne le point de non-viabilité.
2) Enchaînement des événements et conditions préalables
Il est proposé que le pouvoir de conversion ne puisse être exercé qu'àla suite des événements précis suivants : (a) le surintendant des institutions financières a déterminé que la banque n'est plus viable ou qu'elle est sur le point de devenir non viable; (b)'il y a eu conversion complète des instruments de FPUNV de la banque. Ces deux conditions seraient nécessaires pour autoriser l'exercice du pouvoir de conversion. Les autorités pourraient, à leur discrétion, ne pas exercer ce pouvoir même si les conditions préalables sont remplies.
3) Champ d'application
Il est proposé que les « créances de premier rang à long terme », c'est-à-dire les créances de premier rang non garanties qui sont négociables et transférables et dont le terme à courir est au départ de plus de 400 jours, soient soumises à la recapitalisation interne. Les dépôts seraient exclus de ce régime. Les actions privilégiées et les titres de créance subordonnés non assimilables à des FPUNV et qui sont émis ou renégociés après la date d'entrée en vigueur du régime de recapitalisation interne seraient également assujettis à ce régime (et seraient entièrement convertis préalablement à la conversion des créances de premier rang à long terme non garanties).
Les principaux attributs énoncés par le Conseil de stabilité financière prévoient la recapitalisation interne des créances non garanties et non assurées; le CSB affirme à ce sujet :[TRADUCTION] « Les pouvoirs de résolution devraient être exercés d'une manière qui respecte la hiérarchie des créances tout en offrant la latitude voulue pour permettre de déroger au principe général d'égalité de traitement des créanciers de même catégorie (pari passu), en faisant preuve de transparence quant aux motifs de cette dérogation, si une telle mesure est nécessaire pour contenir les répercussions systémiques possibles de la faillite d'une institution financière ou pour maximiser la valeur dans l'intérêt de l'ensemble des créanciers. »
Le régime proposé cible un sous-ensemble particulier des créances non garanties et non assurées et exclut d'autres créances de rang similaire (p. ex. les dépôts non assurés) du champ d'application de la recapitalisation interne. Le document de consultation explique que le champ d'application proposé vise à : (a) limiter les éléments susceptibles de nuire à l'exécution d'une conversion en temps opportun; (b) réduire au minimum les répercussions négatives éventuelles sur l'accès à des liquidités pour les banques en situation de crise; (c) soutenir la stabilité financière.
4) Ampleur de la conversion
Le gouvernement propose que les autorités disposent de la marge de manœuvre requise pour déterminer, au moment de la résolution, la portion des passifs admissibles qui seront convertis en actions ordinaires. Lors de la détermination du montant total des passifs admissibles devant être convertis, les autorités se fonderaient sur la nécessité de faire en sorte que la BISN soit bien recapitalisée à l'issue de la conversion. Tous les détenteurs de créances de premier rang à long terme seraient convertis au prorata – c'est-à-dire que chacun des créanciers concernés recevrait la même portion de la valeur nominale de ses réclamations converties en actions ordinaires.
5) Modalités de conversion
Les modalités de conversion qui s'appliqueraient aux passifs admissibles à la recapitalisation interne seraient corrélées à celles des instruments de FPUNPV en circulation. Les instruments de FPUNPV doivent s'accompagner de modalités contractuelles précisant une formule pour déterminer le nombre d'actions ordinaires que recevrait l'investisseur de FPUNV après conversion de l'instrument. Il est proposé que les détenteurs de créances de premier rang à long terme reçoivent, pour chaque dollar de la valeur nominale convertie, un nombre d'actions ordinaires déterminé selon un multiplicateur fixe appliqué à la formule de conversion la plus favorable parmi les FPUNV sous forme de titres de créance subordonnés de la banque (ou, s'il n'y en a pas, les FPUNV sous forme d'actions privilégiées de la banque). Le multiplicateur fixe serait établi au préalable par les autorités. Le document de consultation indique à titre d'exemple qu'un éventuel multiplicateur de conversion pourrait se situer dans une fourchette allant de 1,1 à 2,0.
Du fait de l'utilisation du multiplicateur de conversion, les détenteurs de créances bénéficiant de la recapitalisation interne recevraient un nombre relativement plus élevé d'actions ordinaires que les détenteurs d'anciens titres de créance subordonnés des FPUNV (dont les instruments de FPUNV auraient été convertis en actions ordinaires à titre de condition de la recapitalisation des créances à long terme). Il s'agit de la conséquence de l'approche privilégiant la « priorité relative », puisque les détenteurs de créances de premier rang recevraient un nombre relativement plus élevé que les détenteurs de titres de créance subordonnés et d'actions privilégiées, mais que l'avoir de ces derniers ne pourrait pas être intégralement perdu.
6) Droit à l'indemnisation
Le gouvernement propose qu'on accorde aux actionnaires et aux créanciers sujets à une conversion le droit de ne pas être placés dans une situation pire que celle dans laquelle ils se seraient trouvés si la banque avait fait l'objet d'une résolution par le biais d'une liquidation. Il propose que les actionnaires et les créanciers sujets à une conversion qui ont été placés dans une situation pire que s'il y avait eu liquidation soient admissibles à une indemnisation. Le mécanisme d'indemnisation s'appuierait sur le régime d'indemnisation existant prévu par la Loi sur la Société d'assurance-dépôts du Canada. Cette modalité est conforme aux principaux attributs du CSF, qui prévoient ce qui suit : [TRADUCTION] « Les créanciers devraient avoir droit à une indemnisation dans les cas où ils n'ont pas reçu au moins ce qu'ils auraient reçu dans le cadre d'une liquidation de l'institution financière aux termes du régime d'insolvabilité applicable […] ».
7) Obligations d'information
Le gouvernement propose que toutes les BISN soient tenues : (a) d'inclure des informations particulières relatives au pouvoir de conversion dans toute entente régissant un passif admissible ainsi que dans tout avis d'offre connexe; (b) d'inclure dans les dispositions contractuelles régissant les passifs admissibles une clause de soumission expresse des investisseurs au régime de recapitalisation interne, nonobstant toute indication contraire pouvant figurer dans une disposition d'une loi étrangère.
8) Exigences en matière de capacité supérieure d'absorption des pertes pour les BISN
Il est proposé d'assujettir les BISN à une exigence en matière de capacité supérieure d'absorption (CSA) devant être respectée par l'intermédiaire des fonds propres réglementaires (c.-à-d. les actions ordinaires et les instruments de FPUNV) et des créances de premier rang à long terme.
Il est proposé qu'une exigence minimale uniforme et publique s'applique à toutes les BISN en matière de CSA et que le gouvernement puisse, à sa discrétion, exiger des niveaux cibles d'absorption des pertes supérieurs à cette exigence pour certaines banques, s'il le juge nécessaire pour des raisons de stabilité financière. Le gouvernement propose que l'exigence en matière de CSA soit assortie d'une valeur précise comprise entre 17 % et 23 % des actifs pondérés en fonction des risques.
Pour éviter toute contagion en cas de conversion, les investissements dans les créances de premier rang à long terme d'autres banques ou dans les créances de premier rang à long terme d'une banque seraient déduits du montant de la dette en circulation de cette banque aux fins du respect de l'exigence en matière de CSA.
9) Transition
Le gouvernement propose que les pouvoirs de conversion ne s'appliquent qu'aux éléments de passif qui sont émis, créés ou renégociés après la date de mise en œuvre qu'il aura lui-même fixée. Ils ne s'appliqueraient pas de manière rétroactive aux éléments de passif en circulation à la date de mise en œuvre.
Il est également proposé d'instituer une période de transition après la date de mise en œuvre initiale précédant l'entrée en vigueur des pouvoirs de conversion et de l'obligation pour les BISN de se conformer à l'exigence en matière de CSA.
10) Dépôts des consommateurs
Les dépôts sont exclus du régime de recapitalisation interne proposé.
Le document de consultation mentionne que le gouvernement entend procéder à un examen exhaustif du cadre canadien de l'assurance-dépôts.
Examen du cadre canadien de résolution bancaire
Le gouvernement examine les outils et les pouvoirs existants de la SADC dans le but de déterminer la meilleure façon d'intégrer le pouvoir de conversion à la trousse d'outils de celle-ci, et de s'assurer que la conversion peut faire partie d'unesolide stratégie globale de résolution correspondant aux objectifs gouvernementaux.
Le document de consultation indique que l'intégration des pouvoirs de conversion à la trousse d'outils du Canada en matière de résolution tiendra compte de l'évolution de la situation dans ce domaine au sein d'autres administrations. À cet égard, il décrit les approches adoptées aux États-Unis et au Royaume-Uni pour faire face à la défaillance éventuelle des institutions financières d'importance systémique, qui reposent dans les deux cas sur une structure de société de portefeuille. Au Canada, les BISN sont structurées de manière à ce que l'échelon le plus élevé de leur structure organisationnelle soit occupé par une banque en activité, et non pas par une société de portefeuille. Le document de consultation affirme que le gouvernement entend examiner les avantages que pourrait présenter l'adoption d'une structure de société de portefeuille pour les banques canadiennes à titre de moyen de renforcer la capacité des autorités de mener à bien la résolution de ces banques.