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Corruption à l’étranger et Cadre d’intégrité : un dilemme difficile pour le conseil d’administration

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Bulletin Droit de la responsabilité sociale d'entreprise

Travaux publics et Services gouvernementaux du Canada (« Travaux publics ») a mis en place de nouvelles mesures en vertu de son Cadre d’intégrité (le « Cadre »). Ces mesures donnent lieu à des choix réglementaires difficiles pour le conseil d’administration et la haute direction en ce qui concerne la divulgation d’une activité de corruption à l’étranger menée antérieurement par une société acquise, mais découverte après la clôture de l’acquisition. Le présent article analyse les causes d’une telle situation. En raison de ces choix, il est indispensable de faire preuve d’une grande diligence à l’égard des activités de corruption à l’étranger antérieures à une clôture.

Le Cadre et sa grande portée

Toute entreprise à la recherche de contrats gouvernementaux doit comprendre le Cadre : un ensemble de règles régissant toute activité d’approvisionnement auprès de Travaux publics, notamment les contrats de construction, les contrats de biens et services, et les transactions immobilières. Le Cadre, dont l’objectif est de protéger l’intégrité du processus d’attribution de contrats gouvernementaux, stipule que tout fournisseur reconnu coupable de l’une des infractions qui y sont énoncées (plus d’une douzaine) est radié de toute participation aux soumissions d’approvisionnement fédérales pour une période de dix ans, sauf si l’intérêt public est en jeu, notamment dans les situations d’urgence ou lorsque la sécurité nationale est menacée. Récemment, le gouvernement canadien a ajouté la corruption d’un agent public étranger à la liste des infractions. La radiation prévue dans le Cadre peut également s’appliquer en raison d’une condamnation pour des infractions « similaires » commises dans d’autres territoires. Par conséquent, le Cadre ne couvre pas uniquement les infractions à la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers (« LCAPE »), mais également les infractions à des lois comme la loi intitulée Bribery Act du Royaume-Uni ou la loi intitulée Foreign Corrupt Practices Act des États-Unis.

Les « condamnations », telles qu’elles sont définies dans le Cadre, comprennent les condamnations (i) du fournisseur; (ii) de tout affilié du fournisseur; (iii) de tout individu ou de toute entreprise qui contrôle un fournisseur, peu importe si ce contrôle s’exerce en fait ou en droit, ou s’il est direct ou indirect; et (iv) des membres du conseil d’administration. Un fournisseur doit attester que ni lui, ni un de ses affiliés, actionnaires majoritaires, membres du conseil d’administration ou sociétés mères n’a été condamné pour une des infractions énoncées. Ainsi, un fournisseur canadien peut être radié pour dix ans en raison, par exemple, d’une infraction à la LCAPE commise par un de ses affiliés, de la condamnation de l’un de ses affiliés américains pour une infraction similaire à la Foreign Corrupt Practices Act ou d’une infraction à la LCAPE par une société acquise.

Un traitement de clémence était prévu dans une version précédente du Cadre. Ainsi, un fournisseur potentiel pouvait divulguer volontairement une infraction, collaborer avec les représentants du gouvernement et plaider coupable, en échange d’un traitement de clémence à l’égard de la radiation du processus d’approvisionnement. Ce traitement de clémence n’existe plus.

Découverte après la clôture : Un dilemme difficile pour le conseil d’administration

La grande portée du Cadre, la sévérité de la période de radiation et l’absence d’un programme de clémence entraînent de douloureux dilemmes de conformité réglementaire pour les sociétés qui souhaitent déposer des offres pour des contrats gouvernementaux lorsque, suite à une acquisition, des infractions à la LCAPE ont été découvertes, et ce, malgré une vérification diligente de la société visée avant la clôture.

Pour un acte de corruption d’agent public étranger, la LCAPE prévoit des peines criminelles allant jusqu’à 14 ans d’emprisonnement et/ou des amendes d’un montant laissé à la discrétion des tribunaux. La LCAPE ne contient aucune obligation ou exigence de divulgation volontaire ou de notification, mais la divulgation volontaire et l’aveu de responsabilité criminelle par les sociétés, leur entière collaboration avec les autorités responsables des enquêtes et la mise en œuvre d’un programme anticorruption rigoureux peuvent atténuer la gravité de la peine. Cependant, en vertu du Cadre, un tel comportement entraînera tout de même une radiation du processus d’approvisionnement gouvernemental pour une période de dix ans, non seulement pour l’entreprise, mais également pour tout affilié de celle-ci, même si l’affilié en question a toujours fait preuve d’une honnêteté absolue dans sa façon de traiter avec des agents publics étrangers.

Le cas de Griffiths Energy International Inc. (« Griffiths »), bien qu’il ne s’agisse pas d’une situation de découverte après la clôture, illustre ce dilemme. L’ancienne direction de Griffiths, qui était alors une société pétrolière et gazière fermée de Calgary, avait offert indirectement des pots-de-vin à l’ambassadeur du Tchad au Canada afin d’obtenir des contrats de gaz au Tchad. Dans le cadre de la préparation d’un PAPE, les nouveaux membres de l’équipe de direction et du conseil d’administration ont découvert le pot-de-vin et l’ont volontairement divulgué aux autorités canadiennes. Griffiths a alors été reconnue coupable d’une infraction à la LCAPE et a encouru une responsabilité criminelle totalisant 10,35 M$. L’entente relative à la peine, qui a été approuvée par le tribunal, soulignait l’importance du dépôt volontaire d’un plaidoyer par Griffith avant que des accusations formelles soient déposées et le fait qu’elle ait accepté de déposer un plaidoyer de culpabilité avant la tenue d’une audience préliminaire. La divulgation volontaire et la collaboration de Griffiths ont atténué la peine, mais, pour Griffiths et ses affiliés, cette divulgation s’est tout de même traduite par une radiation de dix ans du processus d’approvisionnement du gouvernement canadien.

Des choix difficiles attendent les sociétés qui découvrent, après la clôture, que la société acquise avait préalablement enfreint une loi, par exemple, la LCAPE. La société peut divulguer volontairement l’infraction à la LCAPE, ce qui peut lui valoir, à elle et ses affiliés, une radiation de dix ans du processus d’approvisionnement, ou choisir de ne pas la divulguer et ainsi se priver de l’effet d’atténuation que cette divulgation volontaire aurait pu avoir sur les sanctions pénales imposées en vertu de la LCAPE.

Conclusion

La grande portée du Cadre et l’absence d’un programme de clémence entraînent un dilemme difficile pour les conseils d’administration lorsqu’ils découvrent qu’une société acquise a contrevenu à la LCAPE avant la clôture. Avant la clôture d’une opération d’acquisition, les entreprises qui font affaire ou prévoient faire affaire avec le gouvernement canadien doivent absolument procéder à une vérification diligente approfondie portant sur les pratiques de corruption à l’étranger.

Je tiens à remercier spécialement la stagiaire Diriana Rodriguez Guerrero pour son aide à la rédaction du présent bulletin.

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