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Nouvelle proposition de loi contre la discrimination génétique au Canada

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Bulletin de Santé et Sciences de la vie

Le 9 décembre 2015, le projet de loi S-201, soit la Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique, d'initiative parlementaire, a été introduit au Sénat par le sénateur James Cowan lors de la 2e session de la 41e législature. Adopté par le Sénat le 14 avril 2016, le projet de loi attend actuellement sa deuxième lecture à la Chambre des communes (le projet de loi ayant été adopté en première lecture le 3 mai 2016).

Ce qui suit constitue un aperçu du projet de loi, ainsi que de ses répercussions éventuelles.

À propos du projet de loi S-201

Si le projet de loi S-201 est adopté, il interdira à quiconque d'obliger une personne à subir un test génétique ou à en communiquer les résultats comme condition à:

  • la fourniture de biens et services;
  • la conclusion ou au maintien d'un contrat ou d'une entente; ou
  • l'offre de modalités particulières dans un contrat.

La loi proposée comprend des sanctions pénales, notamment des peines d'emprisonnement et des amendes maximales de 300 000 $ et de 1 M$, selon la gravité de l'infraction.

Le projet de loi établit des exceptions particulières pour le personnel médical, à l'instar des médecins en ce qui concerne les personnes sous leurs soins, et une exception particulière pour les personnes qui participent à des recherches médicales ou scientifiques.

Le projet de loi entend aussi modifier le Code canadien du travail afin de protéger les employés contre l'obligation de subir un test génétique ou d'en communiquer les résultats. Il fournit en outre aux employés d'autres moyens de protection relatifs aux tests génétiques et aux résultats de ces tests.

Il modifie également la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'interdire la discrimination fondée sur des caractéristiques génétiques.

Raisons d'appuyer le projet de loi

Les progrès de la génétique soulèvent des questions juridiques, éthiques et sociales diverses. Ainsi, des universitaires craignent que la communication de renseignements génétiques puisse mener à d'autres formes de discrimination génétique (c.-à-d. le sentiment d'être injustement traité eu égard à sa constitution génétique).[1]

Plus particulièrement, certains craignent que les renseignements découlant de communications génétiques soient utilisés dans un contexte de prise de décisions en milieu de travail et d'assurance. D'autres s'inquiètent du fait que les personnes refusent de participer à des études sur la génétique en raison de l'absence de protection suffisante contre la discrimination fondée sur les caractéristiques génétiques.

Ces inquiétudes ont poussé plusieurs États autour du monde à adopter des lois prohibant l'utilisation des renseignements génétiques pour tout autre motif que des motifs médicaux et de recherche. À cet égard, certains soulignent que le Canada est le seul pays du G7 qui ne possède aucune loi particulière traitant de la discrimination génétique et que les protections actuellement en vigueur contre la discrimination génétique sont insuffisantes.

La discrimination au Canada est principalement régie par les lois sur les droits de la personne fédérales et provinciales, ainsi que par la Charte canadienne des droits et libertés. Les principes et les mécanismes de mise en œuvre sont très semblables dans chaque territoire de compétence.

Chaque loi interdit la discrimination fondée sur des motifs précis comme la race, le sexe, l'âge, la religion et le handicap.

À l'heure actuelle, on ignore encore si la définition du handicap comprend le risque de maladie. En génétique, il est toujours question de probabilités, ce qui signifie que même si une personne présente des prédispositions pour une maladie, elle ne la développera pas nécessairement. Le projet de loi S-201 vient ainsi interdire clairement la discrimination fondée sur les caractéristiques génétiques.

Raisons de s'opposer au projet de loi

Si le projet de loi S-201 est adopté, il interdira aux assureurs de demander à ce que les résultats de tests génétiques antérieurs leur soient communiqués afin de classer les facteurs de risques. Cette inclusion au projet de loi a suscité une opposition de la part de l'industrie de l'assurance vie et de l'assurance maladie.

Par exemple, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes s'oppose au projet de loi et conseille [traduction] « d'évaluer avec attention des changements qui en définitive augmenteraient le prix de l'assurance pour la majorité des Canadiens et auraient un effet négatif sur leur capacité d'acheter une protection pour ce qui pourrait leur arriver dans la vie »[2].

Un des arguments avancés par les assureurs est que les titulaires de polices d'assurance devraient déclarer les renseignements importants pertinents à l'évaluation du risque parce qu'ils pourraient autrement donner lieu à une couverture inéquitable. Plus particulièrement, l'industrie fait valoir que les renseignements génétiques ne diffèrent pas de ceux qui portent sur l'historique familial et les troubles de santé (comme le cholestérol, l'hypertension, les maladies cardiaques, le cancer, le diabète et autres), qui présentent tous une composante génétique. Le fait de ne pas fournir ces renseignements génétiques minerait le fondement de l'assurance, puisque les deux parties doivent avoir accès aux mêmes renseignements au moment d'acheter la police d'assurance.[3]

Si le projet de loi est adopté, il est possible que l'industrie de l'assurance cherche à en contester la validité constitutionnelle, étant donné que l'assurance relève du champ de compétence des provinces (et que le projet de loi est fédéral). Dans les faits, la législation provinciale sur les droits de la personne permet aux fournisseurs d'assurances automobile, vie, accident, maladie et invalidité de faire des distinctions en se fondant sur l'âge, le sexe, l'état civil, le statut familial ou la déficience physique ou intellectuelle d'un souscripteur.[4]

Il est intéressant de noter qu'une version antérieure du projet de loi S-201, présentée en première lecture, le 17 octobre 2017, comportait une telle exception provinciale pour les contrats d'assurance à valeur élevée.



[1] Stuart G Nicholls, « Genetic discrimination legislation in Canada: Moving from rhetoric to real debate », CMAJ, février 2016.

[2] Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc., « Yes, insurers need access to your genetic test results » (en anglais seulement)

[3] Nicole Ireland, [traduction] « Une loi sur la discrimination génétique est nécessaire de façon urgente, déclarent les experts médicaux. Le chef de la génétique de l'hôpital pour enfants malades déclare que l'absence de loi en matière de confidentialité est paralysante », CBC News, 30 janvier 2016.

[4] Consulter par exemple, le Code des droits de la personne, LRO 1990, c H.19, art. 22 et art. 25.

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