Passer au contenu principal
Bulletin

Quelle est la quantité de renseignements nécessaire pour démontrer l’utilité d’un médicament breveté au Canada ?

Fasken
Temps de lecture 6 minutes
S'inscrire
Partager

Aperçu

Bulletin Sciences de la vie

Dans une décision pour le moins volumineuse de 271 pages, la Cour fédérale du Canada a jugé que le brevet no 1,336,777 (le « brevet '777 ») de Sanofi-Aventis visant le bisulfate de clopidogrel (Plavix®) avait été contrefait par Apotex, mais était invalide pour cause d'absence d'utilité[1]. Fait particulier, ce même brevet avait déjà fait l'objet d'un litige complexe en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) et à l'issue du procès, la Cour suprême du Canada avait conclu, dans une décision phare, à la contrefaçon et à la validité du brevet[2]. Après s'être fait débouter en Cour suprême, Apotex a intenté une action en invalidation et Sanofi-Aventis, une poursuite en contrefaçon. La décision rendue par la Cour fédérale le 6 décembre 2011 porte sur les deux poursuites. La question cruciale pour établir l'invalidité du brevet '777 reposait en l'espèce sur l'absence alléguée d'utilité démontrée ou valablement prédite, une question qui n'avait pas été examinée dans les procédures en vertu du Règlement susmentionné.

Rappelons les faits : le brevet '777 divulgue et revendique le clopidogrel, son sel de bisulfate et ses processus de fabrication. Ce composé est le seul énantiomère d'un racémate divulgué antérieurement utilisé comme anticoagulant chez les humains. Le brevet décrit différents essais sur le clopidogrel prouvant que le composé affiche un meilleur coefficient thérapeutique et une plus grande tolérabilité que le mélange racémique, y compris des résultats de mesures ex vivo de l'inhibition de l'agrégation plaquettaire et des résultats de mesures in vivo de toxicité et de tolérabilité chez les rats. Bien qu'il n'en ait pas été fait mention dans le brevet, des essais cliniques sur les humains étaient en cours au moment où la demande de brevet avait été soumise.

Dans son analyse, la Cour a défini la promesse du brevet et a conclu que le brevet '777 promet explicitement la possibilité d'administrer le composé aux humains. Comme la Cour n'a pas été convaincue que l'utilité du composé chez les humains avait été démontrée, elle a analysé la question de savoir si la promesse de l'utilisation chez les humains avait fait l'objet d'une prédiction valable.

Après l'examen de l'état de la science et de l'historique contextuel de la mise au point et de la mise à l'essai du composé breveté, la Cour a reconnu que Sanofi avait bel et bien un fondement factuel et un raisonnement valable pour prédire que le bisulfate de clopidogrel pouvait être utilisé chez les humains. Cependant, la Cour a conclu que le fondement factuel sous-jacent et le raisonnement qui sous-tendaient la prédiction alléguée de l'inventeur n'avaient pas été divulgués et que, par conséquent, le brevet ne remplissait pas le troisième aspect du critère de la prédiction valable.

Cette décision vient s'ajouter à une série d'au moins trois autres décisions relativement récentes aux termes desquelles des brevets visant des médicaments ont été jugés invalides en raison de l'absence d'utilité[3] [4] [5]. Cela soulève des doutes sur la validité de nombreux brevets du secteur pharmaceutique qui pourrait être remise en question en raison des seuils plus élevés au Canada que dans d'autres juridictions pour le critère d'utilité. En effet, ces décisions récentes de la Cour fédérale et de la Cour d'appel suggèrent que des données d'essais cliniques puissent être exigées pour les nouveaux médicaments conçus pour les humains. La Cour suprême du Canada pourrait se pencher sur cette question dans l'affaire Teva c. Pfizer, qui sera entendue au printemps 2012.

Ces récentes décisions soulignent l'importance pour les demandeurs de brevets d'inclure dans leur demande toute donnée justificative à leur disposition afin de respecter les exigences en matière d'utilité. Le libellé de la demande devrait également être soigneusement examiné pour éviter que le brevet ne promette une utilité supérieure à ce que l'invention peut réellement offrir.


[1] Sanofi-Synthelabo Canada Inc. c. Apotex Inc. 2011 FC 1486, appel interjeté.

[2] Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61.

[3] Eli Lilly Canada et al. c. Novapharm Ltd, 2011 CF 1288, au sujet du médicament appelé olanzapine (Ziprexa®)

[4] Sanofi-Aventis Canada Inc. c. Apotex Inc., 2011 CAF 300, au sujet du composé ramipril (Altace®)

[5] Apotex Inc. c. Pfizer Canada Inc., 2011 CAF 236, au sujet du composé latanoprost (Xalatan®)

Contactez l'auteur

Pour plus d'informations ou pour discuter d'un sujet, veuillez nous contacter.

Contactez l'auteur

Auteur

  • Serge Lapointe, PhD, Agent de brevets | Associé | Brevets et dessins industriels, Montréal, QC, +1 514 397 5219, slapointe@fasken.com

    Abonnement

    Recevez des mises à jour de notre équipe

    S'inscrire