Le Bureau de la conseillère en responsabilité sociale des entreprises (RSE) de l'industrie extractive a publié le rapport de fermeture du dossier de la demande d'examen no 2011-02-MAU (le « rapport »), daté du mois de février 2012. Ceci met fin au deuxième dossier présenté devant la conseillère en RSE. La requête concernait la mine de cuivre et d'or Guelb Moghrein de First Quantum Minerals Ltd. en Mauritanie.
Dans ce dossier, la conseillère en RSE a mis fin elle-même au processus en indiquant que « le manque d'information constituait au moins une partie du problème à l'origine de la demande » et jugeant que l'entreprise disposait d'un processus de règlement des différends dont elle n'avait pas encore profité. Le rapport concluait que « [p]our amorcer la résolution, il fallait donc recourir à un processus plus près du terrain ».
Ce deuxième dossier présenté devant la conseillère en RSE du Canada est fermé sur recommandation que le litige suive le processus de règlement des différends existant sur place.
La conseillère en RSE a complimenté l'approche de First Quantum relativement à la demande et a mentionné qu' « [a]u cours du processus lié à la demande d'examen, l'entreprise a continuellement fait preuve de bonne foi pour aborder les questions soulevées et fournir de l'information ».
Kevin O'Callaghan et Claudia Feldkamp, coprésidents du groupe de pratique international en RSE de Fasken Martineau, représentaient First Quantum Minerals dans le cadre de cette demande.
Contexte sur le Bureau du conseiller en RSE
Le Bureau de la conseillère en RSE de l'industrie extractive fait partie de la stratégie RSE du gouvernement du Canada pour le secteur des industries extractives canadiennes, annoncée en mars 2009. Le rôle du Bureau est de promouvoir des pratiques responsables auprès des entreprises canadiennes à l'étranger et de régler les différends entre les entreprises et les collectivités tout en respectant les normes de rendement reconnues partout dans le monde en matière de RSE. Dans le cadre de ce rôle, la conseillère devait créer et gérer un processus de règlement de différends dont pourraient se prévaloir les collectivités à l'étranger où des entreprises canadiennes du secteur des industries extractives exercent des activités. L'objectif était que le Bureau agisse à titre de conseiller et de facilitateur impartial pour la médiation d'un différend. La conseillère en RSE de l'industrie extractive, Marketa Evans, a été nommée en octobre 2009 et le Bureau a ouvert ses portes à Toronto en mars 2010.
Après avoir consulté la société civile, les collectivités à l'étranger et les entreprises canadiennes, le Bureau a mis en place en octobre 2010 le mécanisme d'examen, lequel constitue un processus de règlement des différends. Les dossiers présentés à la conseillère sont appelés des « demandes » et suivent un processus par étapes comprenant une évaluation préliminaire, une médiation informelle, une enquête, la facilitation de l'accès à des services de médiation professionnels et la publication d'un rapport. Les différends que la conseillère peut examiner touchent les normes de rendement reconnues partout dans le monde en matière de RSE, plus particulièrement :
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les Critères de performance de la Société financière internationale, qui s'appliquent aux projets de l'industrie extractive qui risquent d'avoir des conséquences sociales ou environnementales nuisibles;
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les Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l'homme lorsqu'un projet implique de recourir à des forces de sécurité privées ou publiques;
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l'Initiative mondiale sur les rapports de performance, pour l'établissement de rapports sur la RSE par les entreprises de l'industrie extractive, de façon à accroître la transparence et à promouvoir les incitatifs axés sur le marché qui encouragent les bons résultats en matière de RSE;
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les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales.
Dans son rôle de facilitatrice et de médiatrice, la conseillère n'est pas juge ou arbitre et ne doit pas se prononcer sur le bien-fondé des points importants qui faisant l'objet du différend entre les parties. Par conséquent, le rapport de la conseillère répète simplement les opinions et les points de vue des parties, sans évaluation. Dans la description de son approche, le Bureau indique clairement qu'il ne s'agit pas d'un mécanisme de « premier recours ». L'approche vise à favoriser l'utilisation plus systématique des mécanismes de règlement des griefs sur place, conformément aux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme récemment avalisés par les Nations Unies.
Aperçu des mines de cuivre de la Mauritanie
Les entreprises canadiennes comme First Quantum investissent des sommes importantes dans le secteur minier en Mauritanie. First Quantum détient la propriété exclusive de la mine de cuivre et d'or Guelb Moghrein par l'entremise de sa filiale, Mauritania Copper Mines (MCM).
La mine Guelb Moghrein est située à 250 kilomètres au nord-est de Nouakchott, la capitale du pays, près d'Akjoujt, une ville de quelque 11 000 habitants. Guelb Moghrein est un gisement exploitable de cuivre et d'or à ciel ouvert qui se trouve à 141 mètres au-dessus du niveau de la mer. La mine a atteint sa capacité de production commerciale en octobre 2006.
La demande
Le Bureau a reçu une demande de Me Ahmed Mohamed Lemine. Cette demande présentait suffisamment de justifications pour que le Bureau accepte que Me Lemine soit autorisé à la présenter au nom des membres d'une collectivité touchée par un projet près de la mine Guelb Moghrein.
La demande originale comprenait des questions qui sont décrites dans le rapport comme ne relevant peut-être pas du mandat du Bureau. Toutefois, après de vastes consultations, « le Bureau a clarifié les principales questions abordées dans la demande, qui se rapportaient aux normes volontaires qu'englobe le mandat de la conseillère ». Par conséquent, la demande est passée de l'étape de l'évaluation préliminaire et à l'étape suivante, la médiation informelle.
Les principaux problèmes dont il était question dans la demande étaient des enjeux environnementaux, des questions liées à la main-d'œuvre et des préoccupations relativement à la participation des intervenants. La conseillère a reconnu que ces questions étaient complexes et comportaient de multiples facettes, mais elle souligne qu' « [a]u cours des discussions avec les parties, il est devenu évident que ces dernières n'avaient pas toutes accès au même niveau et à la même quantité de renseignements ». La conseillère a conclu que le manque de renseignement du demandeur à propos des aspects liés aux activités de la mine (plus particulièrement les enjeux environnementaux et un processus de règlement de différends local) pourrait avoir mené à la demande, affirmant qu'« il est devenu évident que, du moins dans une certaine mesure, les préoccupations des demandeurs découlaient peut-être d'un manque d'information ». Ainsi, le Bureau a pu partager ces renseignements avec les demandeurs « pour ainsi répondre à certaines de leurs préoccupations et leur fournir une piste de solution constructive et facilement accessible ».
La conseillère a complimenté la collaboration de First Quantum : « Tout au long du processus et à plusieurs reprises, l'entreprise a démontré sa bonne foi et sa volonté d'aborder les questions soulevées. »
Le rapport résume les renseignements reçus de l'entreprise relativement aux questions soulevées dans la demande :
« Mécanisme de règlement des griefs : L'entreprise a informé le Bureau qu'un mécanisme de règlement des griefs était offert au bureau de liaison de MCM à Akjoujt, lequel se trouve à 3,9 kilomètres du site minier. Elle a ajouté que ce mécanisme de règlement des griefs était conforme aux lignes directrices sur les pratiques exemplaires de la Société financière internationale et qu'il avait déjà été utilisé pour régler d'autres plaintes. L'entreprise a également mentionné que ce mécanisme de règlement des griefs avait fait l'objet d'un examen externe. Elle a indiqué qu'il pouvait servir à recevoir toutes les plaintes et les préoccupations de la population locale.
Environnement : L'entreprise a souligné que deux évaluations des répercussions environnementales et sociales avaient été réalisées jusqu'à présent : une par Scott Wilson en 2005, et une autre par BURGEAP en 2009. L'entreprise a également indiqué qu'en 2011, le gouvernement de la Mauritanie avait demandé à BRGM de procéder à une vérification de la performance environnementale de MCM. L'entreprise a précisé que des analyses de l'eau étaient effectuées régulièrement et que leurs résultats étaient envoyés chaque trimestre aux ministères concernés. Elle a dit au Bureau que telles analyses se faisaient depuis plusieurs années, la plus récente ayant eu lieu en septembre 2011.
Relations avec la collectivité : L'entreprise a informé le Bureau que des représentants de la direction et de l'entreprise étaient prêts et disposés à prendre le temps de rencontrer les membres des collectivités et de discuter avec eux, et que des représentants des relations avec les collectivités sur place poursuivaient un dialogue avec ces dernières. Il est possible de joindre ces représentants au bureau de liaison de MCM à Akjoujt. L'entreprise a fourni de l'information au sujet des consultations publiques en cours. Selon elle, les responsables du site sont résolus à mettre en œuvre un plan visant l'établissement d'un dialogue avec les intervenants. Ce plan comprendrait la diffusion de bulletins, la tenue de rencontres et d'autres activités de sensibilisation. »
La conseillère a insisté sur le fait que le Bureau n'est pas un « mécanisme de premier recours » et a conclu que le Bureau n'avait été informé d'aucune raison pour laquelle l'utilisation du mécanisme opérationnel de règlement des griefs comme premier recours ne constituerait pas une mesure appropriée. Elle a donc décidé que le dossier devait être fermé et a recommandé aux demandeurs de se servir d'abord du mécanisme de règlement des griefs de l'entreprise. La conseillère a conclu de plus que : « Dans le cas présent, il existe déjà un mécanisme opérationnel, et nous avons encouragé les demandeurs à y accéder d'abord. »
La conseillère a complimenté First Quantum à propos de deux engagements pris pendant le processus de médiation informelle :
« Bien qu'elle ait déjà déployé des efforts de sensibilisation sous diverses formes et au sein de plusieurs forums, elle envisagera également d'embaucher un intermédiaire local indépendant qui connaît des méthodes adaptées aux conditions du milieu afin de donner davantage de renseignements sur le processus de règlement des griefs sur place. Cette démarche aurait pour objectif de garantir que tout groupe difficile à joindre soit repéré, désigné comme prioritaire et pris en considération dans les efforts de sensibilisation. En outre, l'entreprise s'est déclarée résolue à appuyer la démarche entreprise par l'ensemble de l'industrie minière canadienne pour réévaluer les pratiques exemplaires s'appliquant aux processus de règlement des différends à la lumière des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme récemment établis par les Nations Unies. »
Conclusion
La règle générale de la conseillère en RSE relative à l'utilisation en premier recours des mécanismes de règlement des griefs sur place constitue un aspect important du processus de demande et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, il assure aux entreprises que les processus mis en place pour régler les différends sont respectés et utilisés pour régler les différends avant de les amener à une instance supérieure. Ceci a été souligné pendant les premières consultations du Bureau auprès des intervenants : « On a très souvent recommandé au Bureau de soutenir les nouveaux mécanismes locaux, et non de leur nuire. » De plus, les mécanismes sur place constituent une partie importante de la matrice de règlement des différends décrite dans les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme récemment établis par les Nations Unies. La conseillère a reconnu leur importance dans le rapport en affirmant que « [d]es recherches réalisées à l'échelle mondiale ont également montré que les processus près du terrain offraient de bonnes chances de régler les questions soulevées ». La conseillère a reconnu que, même si dans certains cas, les faits d'une demande indiquent que le mécanisme sur place ne serait pas utile (et pourrait même présenter des risques), elle affirme que dans la plupart des situations, la meilleure pratique est d'encourager l'utilisation des processus de règlement des différends sur place en premier recours.