Le ministère des Finances (Canada) a publié des propositions de modifications législatives (les « propositions ») le 14 août 2012 en vue de modifier les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») annoncées initialement dans le cadre du budget 2012. D'une grande importance, ces nouvelles dispositions, maintenant appelées les règles sur les opérations de transfert de sociétés étrangères affiliées, pourraient entraîner des incidences fiscales défavorables pour de nombreuses opérations entre des sociétés canadiennes et des filiales étrangères. Les propositions s'appliquent à une vaste gamme d'opérations nationales et internationales, et plus particulièrement aux opérations par lesquelles une société canadienne contrôlée par une société étrangère fait un « placement » dans sa filiale étrangère.
Nous encourageons les sociétés canadiennes qui font partie d'une structure multinationale établie à l'étranger et qui ont des placements étrangers à examiner leurs opérations actuelles et envisagées afin de minimiser l'effet des propositions.
Les propositions s'appliquent généralement aux opérations et aux événements qui se produisent après le 28 mars 2012 (« date du budget »). Étant donné que les propositions diffèrent de celles qui ont été publiées à la date du budget, il pourrait être possible de choisir l'application des propositions initiales lorsque l'événement ou l'opération s'est produit entre le 29 mars 2012 et le 13 août 2012. En outre, des opérations pourraient être grandpérisées si elles étaient en cours au moment de la première annonce des propositions.
Les règles sur les opérations de transfert de sociétés étrangères affiliées
Les propositions s'appliquent généralement dans les cas où une société résidant au Canada (appelée « SRC ») qui est contrôlée par une société non résidente (la société mère étrangère – « SME ») fait un « placement » dans une société étrangère affiliée (la « SEA ») à la SRC. Une SEA s'entend généralement d'une société qui ne réside pas au Canada lorsque la société canadienne, de concert avec des personnes liées, est directement ou indirectement propriétaire d'au moins 10 % des actions de toute catégorie d'actions de la SEA.
Les propositions prévoient certaines exceptions, notamment l'exception du rattachement au Canada et d'autres exceptions relatives à certaines restructurations et distributions. Dans le cas de prêts consentis par la SRC à une SEA, les propositions ne s'appliquent généralement pas à certains prêts consentis dans le cours normal des affaires ou lorsque le taux d'intérêt est au moins égal au taux trimestriel établi par règlement (actuellement de 5 %).
Incidences fiscales
Lorsque les propositions s'appliquent, le résultat sera que (1) un dividende sera réputé avoir été versé par la SRC à la SME au moment du placement et que (2) lorsqu'un capital versé (« CV ») est créé au niveau des actions de la SRC et qu'une telle augmentation du CV peut raisonnablement être considérée avoir trait au placement dans la SEA par la SRC (comme lorsque la SME transfère sa filiale étrangère à la SRC par exemple), le CV des actions de la SRC sera réduit.
Le montant du dividende réputé correspond généralement à la juste valeur marchande du placement fait par la SRC dans la SEA. Un dividende réputé déclenchera l'application de la retenue d'impôt canadien à la source de 25 % (sous réserve d'une réduction en vertu d'un traité fiscal applicable à 5 % ou 15 %, généralement).
Une réduction du CV diminue la possibilité future que la société canadienne effectue des remboursements de capital pouvant généralement être distribués à ses actionnaires non résidents sans retenue d'impôt canadien à la source. Certaines dispositions des propositions permettent le choix de réduire le CV de la SRC; ce qui permet ainsi d'éviter le traitement de dividende réputé et d'offrir un rétablissement du CV lorsque la SEA a fait certaines distributions à la SRC ou lorsque la SEA est disposée.
Exceptions
Il y a deux principales exceptions à l'application d'un dividende réputé ou d'une réduction du CV. La première fait intervenir un critère du rattachement plus étroit qui vise à permettre à la filiale canadienne d'une multinationale étrangère (la SRC) d'investir dans des sociétés étrangères affiliées dans les cas où le placement aurait été effectué même si la SRC n'était pas contrôlée par une société étrangère.
Pour que l'exception s'applique, la SRC doit démontrer qu'elle investit dans une entreprise qui est plus étroitement rattachée à l'entreprise de la SRC qu'à celle de tout autre membre non résident de la multinationale. En outre, les dirigeants résidant au Canada de la SRC doivent exercer le principal pouvoir décisionnel et les évaluations du rendement et la rémunération des dirigeants canadiens de la SRC doivent être fondées sur les résultats d'exploitation de la SEA dans une plus grande mesure que dans les évaluations du rendement et la rémunération de tout dirigeant d'une société non résidente avec laquelle la SRC a un lien de dépendance (autre que la SEA).
Les propositions excluent aussi l'acquisition d'actions de la SEA au moyen de certaines opérations de restructuration et de distribution comme l'acquisition d'actions d'une SEA par une SRC auprès d'une société canadienne liée et certains types prescrits d'opérations comme les échanges d'actions, les fusions étrangères, les liquidations et certaines distributions.
En quoi consiste un placement?
La définition de placement pour l'application de ces règles est extrêmement large et englobe de nombreuses opérations nationales et internationales courantes. Constituent des placements :
- l'acquisition d'actions de la SEA par la SRC;
- un apport de capital à la SEA par la SRC même si aucune action n'est reprise, ce qui comprend tout avantage conféré à la SEA par la SRC;
- tout prêt ou dette consenti par la SRC en faveur de la SEA ou l'acquisition d'un titre de créance de la SEA par la SRC, à l'exception de certains prêts et dettes consentis dans le cours normal des affaires ou lorsque le taux d'intérêt sur ce prêt ou dette est au moins égal au taux établi par règlement;
- la prorogation de la date d'échéance d'un titre de créance à payer par la SEA à la SRC;
- l'acquisition d'une option ou d'une participation dans le capital–action ou de titres de créance de la SEA par la SRC;
- un « placement indirect » dans une autre SRC, tel qu'il est mentionné ci–après.
Les exemples suivants de « placement » démontrent la portée de l'application des propositions :
- La SME exploite une entreprise par l'intermédiaire d'une filiale canadienne (la SRC) qu'elle contrôle et par l'intermédiaire de filiales étrangères dans d'autres pays. La SME transfère les actions des filiales étrangères à sa SRC en contrepartie d'actions de la SRC. Les propositions mèneront généralement au refus de l'augmentation du CV des actions de la SRC qui aurait normalement découlée de l'apport des actions de sociétés étrangères à une filiale canadienne. La réduction du CV diminue le montant que la SRC peut distribuer à la SME sans retenue d'impôt à la source. Si la SME prend aussi en charge des dettes en contrepartie des actions des filiales étrangères, cela entraînera généralement un dividende réputé versé par la SRC à la SME correspondant au montant de ces dettes. Le dividende réputé serait assujetti à la retenue d'impôt canadien à la source.
- Un « placement indirect » peut aussi être assujetti aux propositions. Par exemple, lorsqu'une SRC acquière des actions d'une société cible résidant au Canada (la « cible ») qui est propriétaire d'actions d'une SEA (la « SEA cible »), si la juste valeur marchande de la SEA cible est supérieure à 50 % de la juste valeur marchande de la cible dans son ensemble, le montant du prix d'acquisition sera un dividende réputé pour la SME, sujet à la retenue d'impôt à la source.
Un exemple de « placement indirect » est celui où une société inscrite au TSX (« Pubco ») investit dans le secteur des ressources à l'extérieur du Canada et la majeure partie de sa valeur provient de sa participation dans ses filiales étrangères. Supposons que plus de 50 % de la juste valeur marchande de Pubco est attribuable à ces filiales étrangères. Dans le cadre d'un placement d'actions, d'un premier appel public à l'épargne ou d'un placement privé, une société canadienne contrôlée par une société étrangère (l'« acquéreur », qui est la SRC dans le présent exemple) souscrit à des actions de Pubco. Si l'acquéreur acquiert ou détient plus de 10 % des actions de toute catégorie d'actions de Pubco, les propositions pourraient s'appliquer de manière à ce qu'un dividende soit réputé être versé par l'acquéreur à sa société mère étrangère ou de manière à réduire le CV des actions de l'acquéreur. - Un avantage conféré à la SEA par une SRC est réputé constituer un apport de capital et, de ce fait, un « placement » pour l'application des propositions. En constitue un exemple le cas où la SRC contrôlée par une société étrangère garantit un prêt que doit la SEA à une tierce institution financière. Si la SEA verse à la SRC une contrepartie insuffisante pour la garantie, la garantie pourrait être considérée comme un avantage que confère la SRC à la SEA. Dans cet exemple, un dividende correspondant à la juste valeur marchande de la garantie (après déduction des frais de garantie) pourrait être réputé versé par la SRC à la SEA et être assujetti à la retenue d'impôt canadien à la source.
État des propositions
Le ministère des Finances a demandé aux intervenants du milieu de lui présenter des observations concernant ces propositions. Nous comprenons que plusieurs groupes intéressés ont présenté des observations. Par conséquent, les propositions pourraient être modifiées à nouveau avant leur entrée en vigueur.
Pour obtenir de plus amples renseignements concernant les mesures à prendre pour atténuer ou éviter l'application de ces propositions, veuillez communiquer avec un membre de notre groupe de droit fiscal.