Le 6 mai dernier, le ministère des Finances du Québec a déposé le bulletin d’information 2013-4 (le « Bulletin ») dans lequel il expose les modifications qui seront introduites au régime d’impôt minier du Québec. À l’occasion du dépôt du budget 2013-2014, le gouvernement du Québec avait annoncé son intention d’apporter des modifications au régime d’impôt minier.
Les principaux aspects des modifications au régime d’impôt minier sont les suivants :
- Instauration d’un impôt minier minimum pour tout exploitant et d’un crédit d’impôt non-remboursable au titre de l’impôt minier minimum;
- Le remplacement du taux d’imposition unique par des taux progressifs d’imposition pour l’impôt minier sur profit annuel;
- Obligation pour tout exploitant de verser un impôt minier correspondant au plus élevé de son impôt minier minimum et de son impôt minier sur son profit annuel;
- Bonification de l’allocation pour traitement afin de favoriser le traitement et la transformation au Québec; et
- Instauration de règles d’intégrité pour les exploitants.
Il est important de garder à l’esprit que l’entrée en vigueur des mesures requiert l’introduction et l’adoption par l’Assemblée Nationale d’un projet de loi, et compte tenu de la situation minoritaire du gouvernement, l’appui d’un des deux principaux partis d’opposition sera nécessaire. À la date des présentes, les principaux partis d’opposition n’ont pas communiqué leur position.
Cela étant, le Bulletin indique que ces mesures s’appliqueraient généralement à tout exercice financier d’un exploitant débutant après le 31 décembre 2013 (certaines mesures présentées ci-après ont comme date d’entrée en vigueur le 6 mai 2013).
1. Impôt minier minimum (l’ « Impôt minimum »)
L’Impôt minimum d’un exploitant sera calculé, pour chaque exercice financier, au taux de 1% sur les premiers 80 millions de dollars de valeur de la production à la tête du puits (« VPTP ») de l’exploitant à l’égard de l’ensemble des mines qu’il exploite. L’Impôt minimum inclut également un montant calculé au taux de 4% sur l’excédent de la VPTP de l’ensemble des mines exploitées par lui sur un montant de 80 millions de dollars.
La VPTP d’une mine correspond à la valeur brute de la production annuelle provenant de la mine de laquelle valeur sont soustraites les dépenses engagées à partir du premier site d’accumulation du minerai après sa sortie de la mine (concassage, broyage, tamisage, traitement, manutention, transport, entreposage, commercialisation, administration), l’allocation pour amortissement pour les biens utilisés dans les activités d’exploration minière à partir du premier site d’accumulation du minerai après sa sortie de la mine et l’allocation pour traitement égale à celle utilisée pour le calcul du bénéfice annuel d’un exploitant provenant d’une mine.
Pour les fins de l’allocation pour amortissement, les biens utilisés dans les activités d’exploration faisant déjà partie des catégories d’amortissement 1 à 4 seront, au début de l’exercice financier débutant après le 31 décembre 2013, transférés aux nouvelles catégories d’amortissement 1A à 4A. Ces nouvelles catégories auront des taux d’amortissement de 15 % pour la catégorie 1A, 30 % pour les catégories 2A et 4A, et 100 % pour la catégories 3A.
L’allocation pour traitement ne pourra excéder le moindre du:
- Total des coûts en capital des biens utilisés dans le traitement du minerai multipliés selon un taux de soit 10%, 13% ou 20% dépendamment des activités de traitement et/ou de transformation effectué par l’exploitant; ou
- Du plus élevé entre:
- 75% du bénéfice annuel provenant de la mine avant déduction de certaines allocations; et
- 30% de la VPTP à l’égard de la mine avant déduction de l’allocation de traitement.
La VPTP à l’égard d’une mine ne pourra en aucun cas être inférieure à 10% de la valeur brute de la production annuelle de l’exploitant provenant de la mine pour cet exercice financier.
Ce calcul correspond au tableau ci-dessous :
Illustration du calcul de l’impôt minier minimum |
Valeur brute de production annuelle (VBPA) de la mine |
Moins
|
= VPTP X taux applicable (1% jusqu’à concurrence de 80M$ et 4% de l’excédent) |
= Impôt minier minimum |
2. Impôt minier sur le profit annuel
Les règles actuelles vont continuer à s’appliquer sous réserve des modifications apportées par le Bulletin au calcul du bénéfice annuel d’un exploitant provenant d’une mine et aux taux d’imposition applicables pour le calcul de l’impôt sur le profit annuel, ainsi que de l’ajout de règles d’intégrité.
L’allocation pour traitement qu’un exploitant peut déduire dans le calcul de son bénéfice annuel provenant d’une mine telle que décrite ci-dessus est bonifiée pour favoriser le traitement et la transformation au Québec.
Pour les fins du calcul du bénéfice annuel provenant d’une mine, un exploitant pourra soustraire un montant au titre de l’allocation pour amortissement pour les biens des catégories 1A à 4A attribuable à l’exploitation de la mine égal au montant déduit à ce titre pour le calcul de la VPTP à l’égard de la mine. Sans cette déduction équivalente, aucun montant ne pourra être déduit à titre d’allocation pour amortissement pour les fins du calcul du bénéfice annuel provenant d’une mine.
Le taux d’imposition de 16% applicable pour la détermination de l’impôt minier sur le profit annuel sera remplacé, pour un exercice financier débutant après le 31 décembre 2013, par des taux progressifs allant de 16% à 23%. Les taux seront déterminés en fonction de la marge bénéficiaire de l’exploitant pour l’exercice financier. La marge bénéficiaire correspond à la proportion entre la valeur brute de la production annuelle à l’égard de chaque mine (établie selon les modalités actuelles du régime) sur la valeur brute de la production annuelle.
Le tableau suivant présente, à titre illustratif, un scénario de grille de taux d’imposition en fonction de la marge bénéficiaire, telle que définie. Les taux seront applicables par tranche de marge bénéficiaire, de façon analogue au régime d’imposition des particuliers.
Ainsi, suivant la grille ci-dessous, une entreprise ayant une marge bénéficiaire de 50 % verra la partie de son profit annuel attribuable à la première tranche de marge bénéficiaire être imposée au taux de 16% et l’excédent des profits imposé au taux de 22 %, pour un taux effectif d’imposition de 17.8% sur l’ensemble de ses profits.
GRILLE DE TAUX - À TITRE ILLUSTRATIF
STRUCTURE DE TAUX BASÉE SUR LA RENTABILITÉ D’UN EXPLOITANT - ILLUSTRATION | ||
Marge bénéficiaire |
Taux applicables |
Taux effectifs(1) |
Tranche de 0% à 35% |
16 % |
16 % |
Tranche de 35% à 50% |
22 % |
17.8 % |
Tranche de 50% à 100% |
28 % |
22.9 % |
(1) Taux effectif calculé à la borne supérieure de la tranche |
En résumé, les exploitants paieront le plus élevé des montants entre le montant d’Impôt minimum et le montant d’impôt minier sur le profit annuel. Lorsque l’Impôt minimum excède l’impôt minier basé sur le profit annuel, l’excédent sera accumulé dans un compte cumulatif distinct au titre de l’impôt minimum d’un exploitant. Ce solde permettra de réduire l’impôt minier payable lorsque le montant d’impôt minier sera celui basé sur le profit annuel, sans toutefois le rendre inférieur à l’Impôt minimum pour l’exercice financier concerné.
Le calcul de la perte annuelle est également ajusté pour tenir compte de la bonification de l’allocation pour traitement.
3. Crédit non remboursable au titre de l’impôt minier minimum
Un exploitant qui sera tenu de payer un impôt minier sur son profit annuel pourra déduire de son impôt minier exigible, pour l’exercice financier, un montant correspondant à son crédit non remboursable au titre de l’impôt minier minimum (le « Crédit MM »), pour cet exercice financier.
Le Crédit MM correspondra au moindre des montants suivants :
- l’excédent de l’impôt minier sur le profit annuel de l’exploitant, pour l’exercice financier, sur l’impôt minier minimum de l’exploitant, pour l’exercice financier; et
- le solde cumulatif au titre de l’impôt minier minimum de l’exploitant, à la fin de l’exercice financier.
Le solde cumulatif au titre de l’impôt minier minimum d’un exploitant, à un moment donné, correspondra à l’excédent de l’ensemble des montants dont chacun est l’excédent, le cas échéant, de l’impôt minier minimum de l’exploitant pour un exercice financier terminé avant ce moment sur l’impôt minier sur le profit annuel de l’exploitant pour cet exercice financier terminé avant ce moment sur l’ensemble des montants dont chacun est un montant de Crédit MM déduit par l’exploitant pour un exercice financier terminé avant ce moment.[1]
Dans le cas où un exploitant fait l’objet d’une fusion, tel que ce terme est défini dans la Loi sur l’impôt minier[2], avec une ou plusieurs autres sociétés, son solde cumulatif au titre de l’impôt minier minimum sera transféré à la société issue de la fusion selon les règles usuelles.
4. Règles d’intégrité pour les exploitants
La Loi de l’impôt minier sera modifiée de façon qu’une personne ou une société de personne qui cesse, pour une période indéterminée, toutes les activités qui se rapportent à son exploitation minière soit réputée aliéner, immédiatement avant ce moment, chacun de ses biens des catégories 1 à 4 et 1A à 4A pour un produit égal au moindre de la juste valeur marchande de ce bien à ce moment et de son coût en capital. Des règles sont également prévues en cas de reprise des activités de l’exploitant. Ces règles s’appliqueront à compter du 6 mai 2013.
Le même principe et les mêmes règles s’appliqueront lorsqu’un exploitant cessera d’utiliser un bien spécifique dans le cadre de l’exploitation minière. Cette règle s’appliquera également à compter du 6 mai 2013.
La Loi de l’impôt minier sera également modifiée afin qu’un exploitant et une entité associée soient présumés être une seule et même personne pour les fins de l’application de la Loi et de l’impôt minier payable lorsque l’exploitant aliène, directement ou indirectement, en faveur d’une entité à laquelle il est associé la totalité ou partie du minerai. L’exploitant et l’entité associée seront solidairement responsables du paiement de l’impôt minier exigible pour cet exercice financier.
D’ici 2020, le gouvernement du Québec prévoit, avec ces modifications, une augmentation des revenus qui devrait atteindre entre 73 et 200 millions de dollars par année, dont 50 millions de dollars pour l’année financière 2015, le tout dépendamment du niveau du prix des ressources sur le marché mondial et de la profitabilité des exploitations minières.
Pour toute question concernant l’introduction de ces modifications au régime d’impôt minier québécois, nous vous invitons à contacter un des membres du groupe de droit minier de Fasken Martineau.
[1] Si le résultat du calcul de cet excédent de l’impôt minier minimum de l’exploitant pour un exercice financier terminé avant ce moment sur l’impôt minier sur le profit annuel de l’exploitant pour cet exercice financier terminé avant ce moment est inférieur à zéro, celui-ci sera réputé égal à zéro.
[2] Voir à cet effet l’article 1 de la Loi sur l’impôt minier.