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La Cour d’appel de l’Alberta rajuste le critère de l’arrêt Powley en fonction des peuples métis nomades

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Bulletin Affaires autochtones

Le 4 juillet 2013, la Cour d’appel de l’Alberta a rendu une décision fort attendue dans l’affaire R. v. Hirsekorn, 2013 ABCA 242 (disponible en anglais seulement). Garry Hirsekorn avait été accusé d’avoir chassé le chevreuil sans permis en dehors de la saison de chasse, en contravention de la loi albertaine sur la faune intitulée Wildlife Act (la « Wildlife Act »). M. Hirsekorn avait fait valoir qu’en raison de son ascendance métisse, il avait le droit constitutionnel de chasser pour se nourrir dans les plaines du sud et du centre de l’Alberta. La Cour d’appel a toutefois écarté cet argument et rejeté l’appel.

Dans son appel, M. Hirsekorn avait demandé à la Cour d’examiner l’application du critère établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Powley, 2003 CSC 43 aux Métis des plaines, dont le mode de vie est hautement nomade : les Métis des plaines suivent les troupeaux de bisons d’Amérique dans leurs déplacements dans le nord-ouest. Dans l’arrêt Powley, la Cour avait conclu que les droits des Métis devaient « se rattacher à un lieu précis », appartenir à une communauté métisse actuelle descendant d’une communauté historique, et avoir existé avant la mainmise des Européens sur une région. Dans l’arrêt Powley, la communauté identifiée et les droits en question relevaient tous deux de la région de Sault Ste. Marie, en Ontario. M. Hirsekorn a fait valoir que pour les Métis des plaines, il n’était pas nécessaire que la région visée par le critère du droit « rattaché à un lieu précis », pour les besoins de ses droits de chasse, coïncide avec la région géographique où les établissements métis étaient situés. De plus, M. Hirsekorn a soutenu que sa communauté métisse devait être définie comme étant des « Métis du nord-ouest », une appellation qui reflète davantage leur mode de vie nomade traditionnel.

Décision de la cour provinciale

R. v. Hirsekorn, 2010 ABPC 385 (disponible en anglais seulement)

En première instance, M. Hirsekorn a admis qu’il avait délibérément chassé pour contester la Wildlife Act qui, selon lui, portait atteinte à ses droits ancestraux reconnus en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Le juge a donc conclu que M. Hirsekorn n’avait pas chassé pour se nourrir et que sa contestation constitutionnelle devait ainsi échouer. Cependant, le juge a tout de même procédé à l’analyse du critère relatif aux droits métis établi dans l’arrêt Powley.

Dans son analyse, le juge de première instance a conclu qu’une communauté métisse moderne existait bel et bien dans la ville de Medicine Hat, mais qu’il n’y avait aucune preuve de l’existence d’une communauté métisse historique. Il a également déterminé que les Métis dans cette région n’avaient pas établi un degré suffisant d’utilisation, d’occupation, de stabilité ou de continuité avant l’arrivée du corps de police à cheval du Nord-Ouest pour étayer l’existence d’un droit de récolte rattaché à un lieu précis.

Décision de la Cour du Banc de la Reine

R. v. Hirsekorn, 2011 ABQB 682 (disponible en anglais seulement)

M. Hirsekorn a interjeté appel de la décision de la Cour provinciale en alléguant que le juge de première instance avait commis une erreur en adoptant une interprétation stricte des [traduction] « droits de récolte rattachés à un lieu précis » et de la « communauté métisse ».

M. Hirsekorn a soutenu que l’exigence voulant qu’un droit soit rattaché à un lieu précis s’applique au lieu où les activités de chasse ont été exercées, et qu’il s’agit d’une exigence différente de la qualification de communauté métisse. Bien que la Cour ait reconnu que l’existence d’un établissement métis dans une région donnée ne constitue pas un prérequis à l’exercice de droits dans la région, et ait souligné que l’article 35 ne devait pas être interprété d’une façon qui exclut les populations autochtones ayant un mode de vie nomade, la Cour a tout de même conclu que la définition de [Traduction] « la région centrale et du sud de l’Alberta ou les plaines » ne remplissait pas l’exigence voulant qu’un droit soit rattaché à un lieu précis pour les droits métis. La Cour a plutôt qualifié ce droit comme étant le droit de chasser pour se nourrir dans les environs de Cypress Hills.

La Cour a rejeté l’appel de M. Hirsekorn en concluant que la chasse dans les environs de Cypress Hills ne faisait pas partie intégrante des pratiques des Métis avant la mainmise des Européens sur la région. Cependant, la Cour a également formulé d’importants doutes sur la question de savoir si les exigences voulant qu’un droit soit rattaché à un lieu précis et que le droit existait avant la mainmise des Européens, issues toutes deux du critère Powley, étaient appropriées pour les Métis des plaines étant donné leur mode de vie nomade traditionnel.

Arrêt de la Cour d’appel

Dans sa décision, la Cour d’appel s’est concentrée sur quatre des éléments du critère de l’arrêt Powley :

Qualification du droit

La Cour d’appel a conclu que la Cour du banc de la Reine n’avait pas commis d’erreur en qualifiant le droit revendiqué comme étant [Traduction] « le droit de chasser pour se nourrir dans les environs de Cypress Hills ». Une qualification plus étendue du droit, comme étant le droit de chasser [Traduction] « dans le centre et dans le sud de l’Alberta » ou « dans les plaines », aurait présenté un problème pratique, même en tenant compte du mode de vie nomade des Métis des plaines.

Communauté historique titulaire des droits

Sur ce point, M. Hirsekorn a fait valoir auprès du tribunal qu’une communauté définie en fonction de la région, soit la nation métisse ou les Métis du Nord-Ouest, était bel et bien la communauté historique titulaire des droits pour l’application du critère Powley. Cependant, en l’absence de conclusions claires sur la nature de la communauté métisse historique pendant la période précédant la mainmise des Européens, et compte tenu des conclusions de la Cour sur les autres aspects du critère de l’arrêt Powley, la Cour d’appel a refusé de déterminer si la communauté régionale pouvait être définie de façon assez étendue pour établir l’existence d’une seule communauté métisse historique à la grandeur de la région des plaines.

Détermination de la période pertinente

M. Hirsekorn a soutenu que le juge de première instance avait incorrectement conclu que l’arrivée du corps de police à cheval du Nord-Ouest dans le sud de l’Alberta à la fin de 1874 équivalait à une [Traduction] « maîtrise effective », puisque cette arrivée n’avait pas changé le mode de vie et l’économie des Métis à tout jamais. La Cour d’appel a confirmé la conclusion du juge de première instance quant à la détermination de la période pertinente et a rejeté les arguments de M. Hirsekorn sur ce point.

La pratique faisait-elle partie intégrante de la culture des Métis des plaines?

Cette question, qui s’est révélée être le cœur de l’appel, a nécessité que la Cour détermine si la chasse dans le but de se nourrir dans les environs de Cypress Hills faisait partie intégrante de la culture distinctive des Métis des plaines.

La Cour a reconnu le danger qu’il y avait à créer un obstacle artificiel à la reconnaissance des droits des peuples nomades dont les territoires ancestraux sont vastes en les obligeant à prouver que la chasse sur une bande de terre précise est d’une importance cruciale pour leur culture. Par conséquent, le tribunal a trouvé une nouvelle question pour appliquer le critère, qui selon lui, reflète mieux la nature territoriale des pratiques et des traditions des peuples nomades : la communauté métisse historique a-t-elle inclus la région en litige dans ses terres ancestrales ou dans son territoire de chasse traditionnel? En d’autres mots, les membres de la communauté métisse historique ont-ils fréquenté la région pour exercer une pratique qui fait partie intégrante de leur mode de vie?

Malgré ce critère plus souple, la Cour a dû conclure que la preuve et les faits soumis ne suffisaient pas à établir un droit de chasse dans les environs de Cypress Hills avant la mainmise des Européens sur la région. La Cour a déterminé qu’il n’y avait eu aucune présence réelle des Métis dans la région de Cypress Hills avant 1870 et que le sud de l’Alberta ne faisait pas partie, à l’époque, du territoire traditionnel des Métis. La Cour a tout au plus qualifié les activités comme étant le début de l’affirmation, par les Métis, de leur présence dans la région, ce qui n’équivaut toutefois pas à reconnaître que la région fait partie du territoire traditionnel métis.

À la lumière de ces conclusions, l’appel de M. Hirsekorn a été rejeté. La Cour d’appel a adopté dans sa décision l’approche territoriale quant aux droits ancestraux qu’avait adoptée la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire William v. British Columbia, 2012 BCCA 285 (disponible en anglais seulement), mais a décidé de ne pas se prononcer sur l’interprétation de la notion de « communauté métisse régionale » et sur sa portée.

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Auteure

  • Bridget Gilbride, Associée | Affaires juridiques relatives aux Autochtones, Vancouver, BC, +1 604 631 4891, bgilbride@fasken.com

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