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L’UE propose une réglementation sur un mécanisme d’autocertification volontaire au sujet des minerais du conflit

Fasken
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Bulletin Droit de la responsabilité sociale d'entreprise

Le 5 mars 2014, la Commission européenne a annoncé sa stratégie proposée pour favoriser la transparence dans la négociation des minerais du conflit (les minerais originaires de zones touchées par des conflits et de l’instabilité, comme la République démocratique du Congo [RDC]), tentant ainsi de régler des problèmes semblables à ceux visés par l’article 1502 de la loi américaine intitulée Dodd-Frank Act (la « Dodd-Frank Act »). Toutefois, contrairement aux exigences de déclaration obligatoire en vertu de la Dodd-Frank Act, la réglementation proposée par l’UE propose un mécanisme d’autocertification pour les importateurs de minerais du conflit de l’UE, dont l’efficacité dépendrait des pressions exercées sur la réputation des sociétés par les concurrents et la clientèle.

Le mécanisme proposé par l’UE

Le projet de règlement instaure un mécanisme d’autocertification pour les importateurs d’étain, de tantale, de tungstène, de leurs minerais et d’or, qui choisissent d’en importer dans l’UE de manière responsable. Selon ce mécanisme, les importateurs européens de ces métaux devraient respecter le Guide OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque publié par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).

Le projet de règlement se concentre sur les « zones de conflit ou à haut risque », définies comme « une zone en situation de conflit armé, une zone fragile à l’issue d’un conflit ou une zone caractérisée par une gouvernance et une sécurité déficientes, voire inexistantes, telle qu’un État défaillant, ainsi que par des violations courantes et systématiques du droit international, y compris des atteintes aux droits de l’homme ».

Les importateurs qui choisissent de suivre le mécanisme seraient tenus d’adopter une politique relative à la chaîne d’approvisionnement en minerais du conflit, d’organiser ses systèmes de gestion de manière favorable à l’observation du devoir de diligence à l’égard de la chaîne d’approvisionnement, d’intégrer les politiques relatives à la chaîne d’approvisionnement aux contrats conclus avec des fournisseurs, de mettre en place un mécanisme de traitement des plaintes à titre de système d’alerte rapide pour l’identification des risques, d’établir un système de traçabilité de la chaîne d’approvisionnement pour les minerais et les métaux, d’identifier les risques et de mettre en œuvre une stratégie pour prévenir et réduire les incidences défavorables. Les importateurs responsables seraient aussi tenus de faire réaliser des vérifications par des tiers indépendants.

Chaque année, les importateurs responsables seraient tenus de présenter une déclaration de conformité aux obligations en vertu du régime volontaire et de déclarer la proportion de minerais originaires de zones de conflit ou à haut risque par rapport à la quantité totale de minerais achetée, le nom de chacune des fonderies ou affineries de sa chaîne d’approvisionnement, les vérifications indépendantes de l’importateur responsable et de ses fonderies ou affineries de l’État membre. Le projet de règlement prévoit aussi que l’importateur responsable serait tenu de communiquer cette information aux acheteurs en aval et de publier un rapport annuel en ligne visant l’observation du devoir de diligence de sa chaîne d’approvisionnement.

L’UE publierait également un rapport sur les fonderies ou affineries faisant partie de la chaîne d’approvisionnement des importateurs responsables, dans lequel sont nommées les fonderies et les affineries qui utilisent, au moins en partie, des minerais originaires de zones de conflit ou à haut risque.

Les États membres seraient tenus de réaliser des contrôles a posteriori des importateurs responsables pour examiner la mise en œuvre et l’observation de leur devoir de diligence à l’égard de la chaîne d’approvisionnement, de leurs obligations de vérification et de faire des inspections sur place.

En plus du règlement, l’UE a publié d’autres mesures d’encouragement qu’elle envisage de mettre en œuvre pour encourager les sociétés de l’UE à observer leur devoir de diligence lorsqu’elles utilisent ces minerais, notamment des mesures d’encouragement dans les procédures de marchés publics, l’aide financière à l’intention des petites et moyennes entreprises pour l’observation de leur devoir de diligence, et le déploiement d’une diplomatie active concernant les matières premières dans les initiatives multilatérales de diligence.

Différences entre la Dodd-Frank Act et le mécanisme de l’UE proposé

Le projet de règlement de l’UE utilise une approche bien différente du mécanisme obligatoire aux États-Unis. En vertu de la Dodd-Frank Act, les sociétés ouvertes dont les titres sont négociés aux États-Unis ou qui sont des émetteurs assujettis des États-Unis doivent établir la source des minerais du conflit (étain, tantale, tungstène, or et leurs dérivés) qu’elles utilisent. Si une partie de ces minerais sont originaires de la RDC ou d’un pays voisin, ou si la société est incapable d’établir la source des minerais, elle doit le déclarer et fournir un rapport de vérification diligente de la chaîne d’approvisionnement, y compris une vérification indépendante. De son côté, le projet de mécanisme de l’UE ne vise que les importateurs de minerais du conflit plutôt que toutes les sociétés qui utilisent des minerais du conflit dans leur chaîne d’approvisionnement, et il est volontaire plutôt qu’obligatoire.

Autre différence importante entre le système de déclaration des États-Unis et le mécanisme proposé par l’UE : le mécanisme de l’UE est d’envergure mondiale. La Dodd-Frank Act limite les exigences de déclaration à la RDC et à ses pays voisins, alors que le projet de règlement de l’UE impose un devoir de diligence aux importateurs responsables à l’égard des minerais et métaux ciblés provenant d’une région plus large, soit toute zone de conflit ou à haut risque. Bien que le projet de règlement définisse cette expression, il n’énumère pas les pays exportateurs pour lesquels la déclaration est demandée. L’UE explique l’absence d’une telle liste par le fait qu’elle ne souhaite pas que les sociétés retirent leurs activités de ces régions dans le but de se conformer plus facilement au projet de règlement, puisque de telles mesures pourraient avoir une incidence socio-économique défavorable sur les citoyens de ces zones. Toutefois, cette incertitude pourrait tout de même avoir une telle incidence si les sociétés décident d’être prudentes pour se conformer au projet de règlement. Cette incertitude pourrait aussi faire en sorte que la déclaration des minerais du conflit soit moindre parce que chaque société peut évaluer différemment le niveau de risque des pays.

Conclusion

Puisque le mécanisme proposé par l’UE est optionnel, la force réelle du projet de règlement pourrait être le rapport publié par l’UE, qui permettrait de sensibiliser le public à la conformité par les fonderies et les affineries au sein de l’UE et dans le monde. Ce rapport permettrait aux entités en aval, peu importe si elles ont choisi d’être des importateurs responsables, de connaître les fonderies et les affineries responsables et de savoir lesquelles utilisent, au moins en partie, des minerais originaires de zones de conflit ou à haut risque.

Le projet de règlement a été adopté par la Commission et est maintenant devant le Conseil de l’UE et le Parlement européen, qui doivent faire part de leur opinion à son sujet. 


1. Proposition de règlement du Parlement européen et du conseil instaurant un mécanisme européen d’autocertification, dans le cadre du devoir de diligence relatif aux chaînes d’approvisionnement, pour les importateurs responsables d’étain, de tantale, de tungstène, de leurs minerais et d’or originaires de zones de conflits ou à haut risque (PDF)

2. OECD Due Diligence Guidance for Responsible Supply Chains of Minerals from Conflict-Affected and High-Risk Areas (PDF, en anglais)

3. Se reporter au document intitulé Communication conjointe au parlement européen et au conseil – Pour une approche intégrée au niveau de l'Union de l'approvisionnement responsable en minerais originaires de zones de conflit ou à haut risque (PDF), paragraphe 2.2.

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Auteure

  • Dani Bryant, Associée | Litiges et résolution de conflits, Énergie et Climat, Vancouver, BC, +1 604 631 4820, dbryant@fasken.com

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