Le 26 novembre dernier, le ministre des Finances, M. Carlos Leitão, a déposé un projet de loi omnibus visant la mise en œuvre des mesures devant mener le Québec à l'équilibre budgétaire. L'une d'entre elles permet explicitement au ministre de la Santé et des Services sociaux de conclure des ententes d'inscription avec les fabricants de médicaments. Cette mesure constitue un important changement de cap dans la politique de remboursement du Québec.
Plus spécifiquement, le Projet de loi n° 28 permet ainsi au ministre de la Santé et des Services sociaux, avant l'inscription d'un médicament à la liste des médicaments dont le coût est garanti par le régime général d'assurance médicaments, de conclure une entente d'inscription avec le fabricant de ce médicament.[1]
Le Projet de loi n° 28 témoigne de la volonté officielle du Québec de suivre l'approche des autres provinces canadiennes qui, depuis 2006, concluent de telles ententes avec les fabricants de médicaments. Les ententes d'inscription, ou de « partage de risques », permettent notamment aux provinces d'accroître l'accès à certains médicaments ou encore de générer des économies d'échelle lorsqu'elles impliquent un rabais de volume ou une ristourne. Le gouvernement estime que cette mesure devrait générer des économies de 25 millions de dollars pour le Québec.
Cette mesure pourrait également favoriser la considération d'autres paramètres que le seul prix en matière d'inscription de médicaments à la liste des médicaments assurés au Québec. En effet, elle devrait offrir plus de flexibilité au Ministre et aux fabricants pour convenir, au cas par cas, de modalités assurant l'usage optimal des médicaments et un accès juste et équitable.
Le Projet de loi n° 28 présente certaines similitudes avec les autres modèles canadiens, mais aussi d'importantes distinctions. Par exemple, le projet prévoit que le prix du médicament indiqué sur la Liste des médicaments ne tiendra pas compte des sommes versées en application d'une entente d'inscription. En outre, les amendements souhaités indiquent que, malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, nul n'aura droit d'accès à une entente d'inscription. Comme en Ontario, les informations publiées suite à une entente incluront typiquement le nom du fabricant et le nom du médicament. Toutefois, le Projet de loi n° 28 propose que la somme globale annuelle reçue en application des ententes d'inscription soit publique, mais uniquement dans la mesure où au moins trois ententes conclues avec des fabricants de médicaments différents sont en vigueur au cours de l'année financière.
Par ailleurs, le retour financier permis par une entente d'inscription relative à la Liste des médicaments régulière est normalement fait au Fonds de l'assurance médicaments, alors qu'un retour en vertu d'une entente d'inscription sur la Liste des médicaments offerts en établissement serait plutôt versé dans un fonds généré par le ministre de la Santé et des Services sociaux. À l'heure actuelle, le Projet de loi n° 28 ne prévoit pas de fonctionnement particulier dans le cas d'une entente globale pour l'inscription d'un médicament sur les deux listes québécoises.
Le Projet de loi n° 28 constitue un point tournant en matière de remboursement des médicaments au Québec. Il devrait d'ailleurs inciter les sociétés pharmaceutiques canadiennes à revoir leur approche et leur stratégie de remboursement au Québec. Certaines d'entre elles pourraient même y voir une opportunité d'optimiser le profil de remboursement de leurs médicaments.
Le Projet de loi n° 28 soulève également un certain nombre de questions telles que l'impact de cette nouvelle mesure dans le secteur privé de même que son arrimage avec l'article 52.1 de la Loi sur l'assurance médicaments qui autorise le ministre à conclure des ententes de partage de risque financier avec les fabricants.
Le Projet de loi n° 28 a été présenté par le ministre des Finances, M. Carlos Leitão, lors de la séance du 26 novembre dernier. Les prochaines étapes du cheminement du projet permettront d'y apporter des amendements.
Note : Mélanie Bourassa Forcier est coauteure de ce bulletin.
[1] Projet de loi loi n° 28, Loi concernant principalement la mise en œuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 4 juin 2014 et visant le retour à l'équilibre budgétaire en 2015-2016, 1re sess., 41e parl., Québec, 2014, articles 173 et 179.