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Le « droit à l’oubli » se fait tailler un costume trois pièces au Canada? Du Québec à la Colombie-Britannique

Fasken
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Bulletin Protection de l'information et de la vie privée

« Le droit à l'oubli peut-il s'appliquer dans le contexte canadien et, dans l'affirmative, comment? » Voilà une des questions lancées en 2016 par le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada dans son Avis de consultation sur la réputation en ligne. Quelque vingt-huit intervenants (personnes, organisations, milieu universitaire, groupes de défense, etc.) ont pris part à cette consultation et dix-sept mémoires se positionnent sur le potentiel du « droit à l'oubli » au Canada. Résultat des courses : 10 contre, 4 neutres, 3 pour (dont un concernant le cas spécifique des enfants). On peut déjà palper une certaine réticence envers le « droit à l'oubli » de la part de la communauté canadienne.

Mais le débat n'est pas seulement théorique, encore moins hypothétique. En effet, partout au Canada, les tribunaux sont confrontés au jour le jour à ce « droit à l'oubli » qui se présente sous des formes diverses et variées. C'est ici le moment de figer ce qu'on entend par « droit à l'oubli ». Ce concept découle d'une décision de mai 2014 où la Cour de justice de l'Union européenne a statué que les moteurs de recherche devaient permettre à tous les européens de demander la suppression des résultats de recherche renvoyant à des informations les concernant qui sont « inadéquates, pas ou plus pertinentes ». À l'origine de cet arrêt, un citoyen espagnol contestait le référencement de son nom sur Google qui pointait vers des articles de journaux faisant état d'une dette dont il s'était acquitté depuis longtemps; selon lui, ces détails n'étaient plus pertinents, en plus de nuire à sa réputation. Cela étant dit, il ne faut surtout pas confondre le droit au déréférencement (ou « droit à l'oubli ») visant les organisations qui relaient et indexent les renseignements personnels, avec le droit à l'effacement (ou droit de rectification) relevant de l'organisation qui collecte et traite les renseignements personnels.

Le présent texte se veut replacer le débat sur le droit à l'oubli au regard de trois précédents majeurs, qui semblent évoluer en vase clos (dans des provinces différentes, devant des juridictions distinctes) et qui ont pourtant tout en commun. En effet, ce droit à l'oubli n'est peut-être pas aussi dénudé qu'on ne le dit, on peut même dire qu'il s'est fait tailler – pour le moment – un costume trois pièces au Canada. Nous en profiterons finalement pour livrer nos impressions sur ce concept venu d'ailleurs, qui gagnerait selon nous à garder sa place dans la garde-robe.

Le pantalon en Colombie-Britannique : Equustek Solutions c. Google, 2015 BCCA 265

Le 11 juin 2015, dans Equustek Solutions Inc. c. Google Inc. 2015 BCCA 265 (PDF - disponible en anglais seulement), la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a confirmé le droit d'une partie lésée d'obtenir une injonction à portée mondiale forçant un moteur de recherche, en l'occurrence Google, à supprimer de ses résultats de recherche les sites Internet promouvant la vente de produits contrefaits. Bien que le « droit à l'oubli » ne soit pas formellement cité, cette affaire y fait directement écho en se prononçant sur la portée géographique du déréférencement (question qui divise depuis longtemps – et toujours – en Europe). Nous vous invitons d'ailleurs à consulter un bulletin à ce sujet résumant cette décision importante.

À l'origine, Equustek Solutions Inc. (le « demandeur ») intente une action en commercialisation trompeuse contre Morgan Jack et al. (les « défendeurs »), ces derniers ayant vendu des versions contrefaites de produits d'interface réseau du demandeur. Les défendeurs vendaient lesdits produits sur différents sites Internet et, ensuite, misaient sur l'indexation sur différents moteurs de recherche, dont Google, pour diriger de potentiels clients vers leurs propres sites Internet. Dans ce contexte, le demandeur réclame à Google, en tant que « joueur dominant sur le marché des moteurs de recherche », de supprimer l'indexation des sites Internet des défendeurs. Google consent seulement à supprimer 345 adresses URL des résultats de recherche, ce qui est perçu comme insuffisant par le demandeur : d'un côté, les défendeurs transvasaient le contenu des pages désindexées sur Google vers d'autres pages toujours indexées (l'image du « jeu de la taupe » est à cet égard illustrateur – un blocage intégral des sites en question semblait ici préférable), d'autre part, la suppression des adresses URL ne s'étend qu'à google.ca sans viser les autres extensions du moteur de recherche (incluant google.com). Le demandeur s'adresse alors à la Cour suprême de la Colombie-Britannique pour obtenir une injonction intérimaire empêchant Google d'inclure les sites Internet des défendeurs dans les résultats de recherche à l'échelle mondiale. Dans sa décision du 13 juin 2014, Equustek Solutions Inc. c. Jack 2014 BCSC 1063 (PDF - disponible en anglais seulement), la Cour suprême de la Colombie-Britannique accède à cette requête du demandeur et ordonne que :

« [161] […] Dans les quatorze jours suivants la date du jugement, Google Inc. doit cesser de permettre l'utilisation de fonctions d'indexation et de référence, dans les résultats de recherche obtenus grâce à ses moteurs de recherche sur Internet, relativement aux sites Internet mentionnés dans l'Annexe A, y compris quant à toutes les sous-pages et tous les sous-répertoires de ces sites Internet, jusqu'à la conclusion de l'instruction de l'action ou jusqu'à ce que le tribunal émette une autre ordonnance. »

Google interjette appel de cette décision auprès de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique. Il s'agit essentiellement de savoir si les tribunaux de la Colombie-Britannique sont habilités à rendre une décision contre une société non résidente et non partie à l'action, et s'ils peuvent imposer des restrictions quant aux activités d'une telle société à l'extérieur du Canada. La Cour d'appel rejette ultimement l'appel de Google, en considérant que la Cour suprême de la Colombie-Britannique a compétence in personam sur Google au regard des motifs suivants :

  • En vertu de la Loi sur la compétence des tribunaux et le renvoi des instances (disponible en anglais seulement), la compétence territoriale sur l'action en cause est suffisante pour établir le pouvoir des tribunaux de la Colombie-Britannique d'émettre une injonction contre Google;
  • Les services de référencement offerts par Google permettent d'établir un lien entre les produits contrefaits et les potentiels consommateurs, ils sont donc substantiellement reliés au fond de l'instance (« substantially connected to the substance of the lawsuit »);
  • Google – bien que n'ayant ni serveurs ni bureaux ni employés en Colombie-Britannique – fait des affaires en Colombie-Britannique (en collectant des données en Colombie-Britannique, en diffusant des publicités qui ciblent des utilisateurs de Google en Colombie-Britannique, en vendant des espaces publicitaires aux entreprises en Colombie-Britannique, etc.).

Au bout du compte, cette affaire porte surtout sur la portée territoriale du déréférencement, dans un contexte de vente de produits contrefaits, et pas tant sur l'existence et les implications d'un tel « droit au déréférencement » (ou « droit à l'oubli »). La Cour d'appel met l'accent sur le fait que le déréférencement doit être effectif sur toutes les extensions du moteur recherche, incluant le .com, en relevant qu'un déréférencement partiel reviendrait en fait à un déréférencement ineffectif. Cependant, on peut ressentir un arrière-goût de « trop peu » quant aux fondements juridiques, éthiques et politiques d'un tel droit au déréférencement au Canada, ainsi que ses potentielles répercussions dans d'autres domaines de droit, au-delà des seuls cas de commercialisation trompeuse. Étant donné que Google a déposé une demande d'autorisation d'appel auprès de la Cour suprême du Canada, ayant été autorisée en février 2016, on devra attendre l'arrêt définitif de notre plus haut tribunal avant de connaître la portée réelle de cette affaire sur le « droit à l'oubli ».

Le veston au Québec : C.L. c. BCF Avocats d'affaires, 2016 QCCAI 114

Le 14 avril 2016, dans C.L. c. BCF Avocats d'affaires 2016 QCCAI 114, la Commission d'accès à l'information du Québec s'est pour la première fois prononcée sur le droit à l'oubli; nous référons ici au bulletin que nous avions publié sur cette décision.

Dans cette affaire, une adjointe juridique (la « demanderesse ») avait rompu son lien d'emploi avec un bureau d'avocat (l'« entreprise ») et demandait à ce titre que son profil apparaissant sur le site Internet soit entièrement effacé (nom, photo et titre d'emploi). L'entreprise avait alors posé tous les gestes nécessaires pour retirer les renseignements de la demanderesse selon une preuve non contredite (serveur physique, médias sociaux, mémoire cache). Malgré cela, il subsistait sur différents moteurs de recherche un résultat concernant la demanderesse avec une référence à la page « Les gens » du site de l'entreprise. La demanderesse voyait cette situation comme étant préjudiciable dans son processus de recherche de travail, car selon cette dernière « les employeurs chez qui elle postule font nécessairement des recherches sur Internet et ils constatent qu'il y a un lien avec l'entreprise qui doit, selon elle, donner de mauvaises références ». La demanderesse saisit alors la Commission d'accès à l'information d'une demande de rectification pour que son nom ne soit plus relié au site Internet de l'entreprise.

Le nœud du problème se résume ainsi : la demanderesse peut-elle se prévaloir du droit de rectification en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, alors même que l'entreprise a posé tous les gestes nécessaires pour retirer les renseignements en litige? Sur la base de plusieurs arguments, la Commission se prononce par la négative. En substance, l'entreprise devait certes prendre tous les moyens raisonnables pour rectifier/supprimer les renseignements de la demanderesse (à l'interne, sur son site Internet), ce qu'elle a fait, mais cela n'équivaut pas à un devoir de déréférencement (à l'externe, sur le reste de la Toile). Plus avant, la Commission considère que « le droit d'une personne de faire rectifier dans un dossier qui la concerne des renseignements inexacts, incomplets ou équivoques n'est pas de l'ordre du "droit à l'oubli" qui vise à effacer des informations des espaces publics ». La Commission vient même ajouter qu'il n'est pas même « certain que ce droit, reconnu en Europe, trouve application au Québec ».

En définitive, par cette décision, la Commission semble, d'une part, assurer que le droit de rectification, notamment prévu au Code civil du Québec et à la Loi sur le secteur privé, n'emporte aucunement un droit au déréférencement, d'autre part, démontrer un certain scepticisme concernant l'utilité d'importer – voire transposer – ce droit à l'oubli d'origine européenne aux juridictions québécoise et canadienne.

La veste au fédéral : A.T. c. Globe24h.com, 2017 FC 114

Le 30 janvier 2017, dans A.T. c. Globe24h.com 2017 FC 114 (PDF - disponible en anglais seulement), la Cour fédérale a rendu une décision importante sur les principes de publicité (open court), de courtoisie internationale et de territorialité en matière de renseignements personnels à l'ère numérique. Comme nous allons le voir, cette affaire touche à plusieurs aspects du droit à l'oubli, car il y a toute une problématique autour du référencement en ligne des décisions judiciaires.

Plusieurs individus se plaignent que le site Internet Globe24h.com – hébergé et exploité en Roumanie – republie des décisions judiciaires canadiennes qui contiennent leurs renseignements personnels, permettant par la même que ces renseignements personnels soient indexés par des moteurs de recherche. Ce qui choque vraiment c'est que le site Globe24h.com est prêt à déréférencer, moyennant le paiement de frais pour faire supprimer les renseignements personnels. Le 5 juin 2015, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada rend en ce sens un Rapport de conclusions d'enquête en vertu de la LPRPDÉ no 2015-002 concluant « un site Web générant des revenus en publiant des décisions judiciaires canadiennes et en permettant leur indexation par les moteurs de recherche a contrevenu a la LPRPDÉ ».

Un citoyen canadien (le « demandeur ») décide d'aller plus loin dans les procédures contre Globe24h.com et son propriétaire-administrateur M. Sebastian Radulescu (les « défendeurs »), en saisissant la Cour fédérale en vertu de l'article 14 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (« LPRPDÉ »). Soulignons ici que le demandeur ne conteste pas tant la publication des décisions le concernant sur des bases de données juridiques, telles que CanLII ou Soquij, mais plutôt la facilité d'accès à ces décisions (immédiatement visible sur les moteurs de recherche) et les frais afférents pour les supprimer. Autrement dit, l'enjeu porte bien sur la publicité (trop large selon le demandeur), et les frais imposés pour déréférencer le tout, et non pas sur la publication des décisions en tant que telle.

La Cour fédérale articule son raisonnement autour de trois aspects. Premièrement, au regard des faits d'espèce et de la jurisprudence existante, le juge considère que la LPRPDÉ doit être appliquée de façon extraterritoriale aux défendeurs roumains sur la base du test de la « connexion réelle et substantielle ». Deuxièmement, selon la Cour fédérale, la collecte, l'utilisation et la divulgation des renseignements personnels par les défendeurs ne sont pas « appropriées » en vertu de la LPRPDÉ et ne sont pas uniquement de nature « journalistique » (les décisions sont en effet gratuitement en ligne et les défendeurs n'apportent aucune valeur ajoutée, notamment sur le plan analytique). Troisièmement, la Cour fédérale déclare que l'exception de « publiquement accessible » (article 7 LPRPDÉ) n'est pas applicable en l'espèce, puisqu'elle se lit conjointement avec l'article 1(d) du Règlement précisant les renseignements auxquels le public a accès (énonçant une condition que les renseignements repris doivent être « directement liés » à la raison pour laquelle ils figurent dans une décision). Sans oublier que les activités des défendeurs déconsidèrent l'administration de la justice (perte de confiance dans le système judiciaire si les renseignements personnels sont aussi facilement accessibles, mais qu'ils peuvent être « effacés » moyennant de paiement de frais). L'aspect mercantile de l'usage recherché n'échappe pas à la Cour. La Cour fédérale déclare en fin de compte que les défendeurs ont contrevenu à la LPRPDÉ.

Concernant le « droit à l'oubli », il peut être perçu de trois manières dans cette décision. Tout d'abord, au paragraphe 76, la Cour fédérale semble consacrer un « sous-droit au déréférencement » en matière de décisions judiciaires : en effet, elles ne devraient pas être indexées par des moteurs de recherche en raison de la sensibilité des informations qu'elles contiennent. Ensuite, au paragraphe 88, la Cour fédérale évoque la possibilité de soumettre des demandes auprès de moteurs de recherche, dont Google, pour faire supprimer les liens vers les décisions publiées sur Globe24h.com des résultats de recherche. Enfin, au paragraphe 104, les défendeurs se voient infliger l'ordonnance suivante : « supprimer toutes les décisions de cours et tribunaux canadiens contenant des renseignements personnels de Globe24h.com et prendre toutes mesures nécessaires pour supprimer ces décisions des caches des moteurs de recherche » [nos soulignements]. On peut ici s'interroger sur la portée d'une telle ordonnance : s'agit-il seulement de modifier les paramètres d'indexation du site Internet, de faire des demandes de désindexation auprès de Google pour chaque décision, de s'assurer du déréférencement pour tous les moteurs de recherche, de prendre des mesures auprès de sites tels que le Wayback Machine? (disponible en anglais seulement) 

Un costume trop large pour une idée trop insaisissable

Faisons un dernier tour de notre costume trois pièces. Le pantalon, d'abord, fait ressortir l'enjeu de la portée territoriale du déréférencement, une ou toutes les extensions du moteur recherche (2015 BCCA 265 PDF - disponible en anglais seulement). Le veston, ensuite, nous rappelle que le droit de rectification, prévu dans la plupart des lois canadiennes sur la protection des renseignements personnels, n'emporte pas comme tel un droit au déréférencement (2016 QCCAI 114). La veste, finalement, vient consacrer une forme de « sous-droit au déréférencement » concernant les décisions judiciaires dans un contexte de mercantilisme outrageant (2017 FC 114 PDF - disponible en anglais seulement).

Ce costume nous paraît dépareillé, peu uniforme. La création d'un droit au déréférencement spécifique aux décisions judiciaires – malgré les faits accablants pesant sur Globe24h.com – apparaît contradictoire avec la décision de la Commission d'accès à l'information du Québec, en plus de susciter de nombreuses interrogations sur d'autres types d'utilisation de décisions (blogue juridique qui serait relativement descriptif, par exemple). On peut y voir une illustration de l'adage « Bad Facts Make Bad Law ». Par ailleurs, le fait d'imposer une portée extraterritoriale au déréférencement dans un cas de commercialisation injustifiée ne devrait pas être déconnecté d'une vraie réflexion sur l'existence d'un droit au déréférencement (ou « droit à l'oubli ») dans sa globalité. Les extraits suivants invitent d'ailleurs à une réflexion plus sérieuse sur la question :

« La mémoire est un droit. Qui découle d'un abus de droit. D'un abus du droit des gens lorsque les législations n'ont pas prévu d'interdire les tortures, déportations, génocides, crimes de guerre, crimes contre l'humanité. D'une violation du droit positif lorsque l'énoncé de ces crimes et de leur pénalisation est codifié. Ce droit à la mémoire précède et transcende le devoir de mémoire. […] La mémoire étant la sépulture des victimes, les arguties, de confite arrogance, de candeur blessante ou de jactance procédurière, sont des instruments de profanation. Ils œuvrent à absoudre le crime et à en altérer la conscience collective. Les actes commis ont un nom, ils doivent recevoir un statut juridique. Leurs auteurs sont identifiés. Le temps éteint les possibilités de poursuite mais la contumace n'efface pas la gravité des faits. Les victimes sont des êtres humains, pas des abstractions. »

« Les photos embarrassantes d'il y a dix ans sur lesquelles nous avons été étiquetés, les messages que nous avons envoyés et reçus via nos comptes de messagerie, les conversations par chat, les recherches réalisées sur des moteurs de recherche comme Google ou Yahoo!, les achats en ligne, ou bien les informations sur notre vie privée publiées par des tiers sur un portail ; est-il possible qu'Internet 'oublie' ces données ? […] Ce nouveau droit (ou l'extension du droit de 'habeas data') permettrait, par exemple, qu'une entreprise ne détienne plus un certain nombre de données sur une personne, que des images données soient supprimées des réseaux sociaux, ou qu'un moteur de recherche exclue de ses résultats les rumeurs inexactes ayant terni la réputation d'une personne. […] cet oubli numérique serait inapproprié dans les affaires d'intérêt public : un fonctionnaire demandant que l'on supprime une vidéo le montrant acceptant un pot de vin ou un médecin tentant de faire disparaître un dossier révélant une pratique professionnelle condamnable, pour ne citer que quelques exemples. »

Pour notre part, nous sommes plutôt réticents à la consécration d'un « droit à l'oubli » d'application générale pour des raisons tout à la fois juridique (ce concept général est invoqué de toute part et paradoxalement est bien difficile à situer), pragmatique (la réalité technologique ne permet pas toujours un déréférencement effectif), et éthico-politique (les valeurs de mémoire et de responsabilisation doivent selon nous primer sur celles d'autodétermination informationnelle et de déresponsabilisation). Plus particulièrement, selon nous, les décisions des tribunaux en la matière, telles que celle du Globe24h.com, confondent le « droit à l'oubli » (un droit questionnable face à la réalité factuelle, voire historique) et l'usage autorisé (ou non) d'un renseignement personnel.

En tout état de cause, il va falloir qu'un tailleur prenne le soin d'harmoniser et d'ajuster ce costume trois pièces – qu'est le « droit à l'oubli » – qui nous semble pour le moment trop large pour une idée encore trop insaisissable. La consultation du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada citée en incise constitue un bel effort à ce chapitre. La Cour suprême du Canada nous en dira peut-être un peu plus à ce sujet dans l'affaire Equustek, quoiqu'il ne s'agisse peut-être pas de la meilleure occasion pour fixer la position canadienne en matière de « droit à l'oubli » puisqu'on se situe dans un contexte de contrefaçon (pas directement relié à la protection des renseignements personnels). Une chose est toutefois certaine, le droit à l'oubli devra être indissociable du dicton « Qui a bonne tête ne manque pas de chapeau »!


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