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La neutralité du Net se porte très bien au Canada

Fasken
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Bulletin Communications

Malgré de récentes rumeurs concernant un recul des règles sur la neutralité du Net aux États-Unis, le Canada a opté sans ambiguïté pour une voie fondamentalement différente. Par voie de décision publiée le 20 avril 2017, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a annoncé que le Canada venait d’adopter ce qu’il appelle un « code de neutralité du Net ». Ce code intègre notamment le cadre sur les Pratiques de gestion du trafic Internet qui avait été annoncé en 2009 dans la Politique réglementaire de télécom CRTC 2009-657, ainsi que d’autres énoncés de politiques et décisions publiés ultérieurement.

Dans la Politique réglementaire sur les télécommunications CRTC 2017-104, le CRTC a adopté les éléments les plus récents de ce code en rendant public un nouveau cadre applicable à l’évaluation des « pratiques de différenciation des prix » des fournisseurs de services Internet (FSI). L’expression « pratique de différenciation des prix » renvoie au fait, pour le fournisseur de services Internet, d’exonérer ou d’offrir à prix réduit l’utilisation de données Internet de détail. En publiant ce nouveau cadre, le CRTC demande à tous les FSI de traiter l’utilisation des données Internet de la même manière. Le CRTC est d’avis que cela favorisera le choix des consommateurs,  l’innovation et le libre échange des idées, tout en permettant aux FSI de se faire concurrence sur le plan du prix, de la qualité du service, de la vitesse, de l’allocation de données et de l’amélioration de l’offre.

Dans le communiqué de presse accompagnant la nouvelle politique, le président du CRTC, Jean-Pierre Blais, souligne en ces termes l’importance d’un Internet libre et ouvert :

« Un Internet libre et ouvert donne à tous une chance équitable d’innover tout en offrant aux consommateurs un large éventail de contenu à découvrir. Un Internet libre et ouvert permet aussi aux citoyens de s’informer et de participer à des dossiers d’intérêt public sans ingérence indue ou inappropriée de la part de ceux qui exploitent ces réseaux. »

Le CRTC a constaté que les pratiques de différenciation des prix soulèvent en général  des préoccupations, parce qu’elles peuvent donner lieu à une préférence indue ou déraisonnable ou à un désavantage en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications (la Loi). Il a cependant reconnu la possibilité que, dans certaines circonstances, la préférence ou le désavantage ne sera pas indu ou déraisonnable.

Après avoir évalué différentes propositions visant à élaborer un ensemble de règles ex ante permettant de déterminer quelles pratiques de différenciation des prix seraient acceptables, le CRTC en est venu à la conclusion qu’aucune de ces propositions n’était appropriée. En effet, compte tenu de l’évolution rapide d’Internet, les règles ex ante seraient d’application difficile parce qu’il faudrait sans cesse les revoir et les modifier au gré de l’émergence de nouvelles formes de pratiques de différenciation des prix qui n’auraient pas été envisagées dans la présente instance.  

Le CRTC a plutôt opté pour une approche ex post fondée sur les plaintes. Selon cette approche, une analyse sera effectuée au cas par cas afin de déterminer si une pratique de différenciation des prix donnée donne lieu à une préférence ou à un désavantage indu ou déraisonnable aux termes du paragraphe 27(2) de la Loi. Toutefois, étant donné les divers types de pratiques qui ont été analysés dans l’instance et la relative nouveauté des pratiques de différenciation des prix sur le marché, le Conseil a établi, au sein du nouveau cadre, un ensemble de critères sur lequel s’appuieront les FSI et les autres intervenants pour déterminer à l’avance si une pratique de différenciation des prix est de nature à contrevenir au paragraphe 27(2) de la Loi. Ces critères sont les suivants :

  • Traitement des données non basé sur le contenu. La mesure dans laquelle le prix ou le tarif du trafic de données est établi de façon juste ou objective par un FSI sera le facteur déterminant. Les offres dont le prix ou le tarif des données est fondé sur le contenu soulèveront probablement des préoccupations.
  • Exclusivité de l’offre. La mesure dans laquelle une pratique de différenciation des prix est réservée à une classe ou un groupe d’abonnés, à un fournisseur de contenu, ou à une classe ou un groupe de fournisseurs de contenu en particulier sera prise en considération. La différenciation des prix suivant le forfait de données des abonnés est susceptible de soulever des préoccupations.
  • Incidence sur l’ouverture et l’innovation relatives à Internet. La mesure dans laquelle une pratique de différenciation des prix empêche ou compromet l’ouverture d’internet pour les Canadiens ou les choix qui leur sont offerts, par exemple si elle fait obstacle à l’entrée des fournisseurs de contenu ou influe sur l’innovation, sera prise en considération.
  • L’existence d’une rémunération. Il sera évalué si une pratique de différenciation des prix donne lieu à une rémunération ou à d’autres avantages financiers selon une entente entre un fournisseur de contenu et un FSI ou un autre commanditaire tiers, par exemple lorsqu’un FSI reçoit un paiement de la part d’un fournisseur de contenu en contrepartie de l’exonération des données de ce fournisseur.

Le CRTC reconnaît cependant la possibilité qu’il puisse être démontré qu’en raison de circonstances exceptionnelles, une pratique de différenciation des prix est associée à des avantages indéniables et à un préjudice minimal pour le public. Par exemple, si des facteurs liés au respect de la vie privée, à la technologie et à l’administration ou à d’autres aspects peuvent avoir des répercussions sur l’analyse, il est possible que les avantages d’autoriser une pratique de différenciation des prix donnée l’emportent largement sur les préjudices.

Le nouveau cadre prévoit la possibilité pour les FSI de mettre en œuvre des pratiques de différenciation des prix sans l’autorisation préalable du CRTC, pourvu que de telles pratiques respectent les quatre critères d’évaluation susmentionnés. Si la pratique donne lieu à une plainte, le CRTC appliquera ces critères aux faits en cause pour déterminer s’il y a lieu d’autoriser la pratique de différenciation des prix en question aux termes du paragraphe 27(2) de la Loi.

Par ailleurs, le CRTC pourra rendre une décision anticipée lorsqu’un FSI envisage la mise en œuvre d’une pratique de différenciation des prix. Pour ce faire, il prendra en considération les demandes déposées par le FSI avant la mise en œuvre d’une pratique de différenciation des prix, ce qui permettra au FSI de démontrer la conformité d’une telle pratique aux critères d’évaluation.

De plus, pour favoriser le respect de la Loi et encourager les FSI à demander une décision anticipée, le CRTC a indiqué qu’il se prévaudra des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 72.003 de la Loi pour imposer une sanction administrative pécuniaire s’il s’avère, après le traitement d’une plainte, que la pratique en question contrevient au paragraphe 27(2) de la Loi.

Par la publication de ce nouveau cadre régissant la fixation du prix de l’utilisation des données par les FSI, le CRTC confirme son engagement de longue date à l’égard de la neutralité du Net au Canada et maintient un cap qui, selon toute vraisemblance, différera grandement de celui qui sera adopté au sud de la frontière.

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  • Scott M. Prescott, Associé | Coassocié directeur, Ottawa, Ottawa, ON, +1 613 696 6883, sprescott@fasken.com

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