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La Cour suprême du Canada : une rétrospective et un regard tourné vers l’avenir

Fasken
Temps de lecture 10 minutes
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Aperçu

Perspectives de la capitale

L'année 2017 tire à sa fin de même qu'un chapitre important de l'histoire du droit au Canada. Au milieu de 2017, la très honorable Beverley McLachlin, C.P., juge en chef du Canada, a annoncé son intention de prendre sa retraite le 15 décembre. Elle a été celle qui a occupé ce poste le plus longtemps de l'histoire du Canada. Ayant été juge en chef depuis 17 ans, son ancienneté dépasse de beaucoup celle des autres juges, dont le mandat a duré entre trois et douze ans. Le 29 novembre dernier, le gouvernement a annoncé la nomination à la Cour suprême du Canada de la juge Sheilah Martin de l'Alberta. Le 12 décembre, le premier ministre Trudeau a nommé le  nouveau juge en chef de la Cour suprême du Canada : le juge Richard Wagner, le juge du Québec ayant servi le plus longtemps à cette Cour.

Cette nouvelle est une bonne occasion de se pencher sur des questions intéressantes : Comment les juges sont-ils nommés à la Cour suprême du Canada? Comment un juge en chef est-il choisi?

La création de la Cour suprême en bref

En 1875, le gouvernement fédéral a créé la Cour suprême du Canada en vertu de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui prévoit que « Le parlement du Canada pourra, nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi, lorsque l'occasion le requerra, adopter des mesures à l'effet de créer, maintenir et organiser une cour générale d'appel pour le Canada, et établir des tribunaux additionnels pour la meilleure administration des lois du Canada ».

La Cour suprême a été créée en 1875 aux termes de l'adoption d'une loi par le Parlement, soit l'Acte pour établir une Cour Suprême et une Cour d'Échiquier pour le Canada, L.C. 1875, chap. 11. qui a, depuis, été modifiée à l'occasion, et s'appelle maintenant la Loi sur la Cour suprême, L.R.C. 1985, c. S-26. La Cour suprême a vraiment eu le « dernier mot » sur l'état du droit au Canada bien des années après 1875, lorsque ses décisions ne pouvaient plus faire l'objet d'un examen du Comité judiciaire du Conseil privé du Royaume-Uni (en 1933, pour les appels de nature criminelle et en 1949, pour tous les autres appels). En 1998, dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217, la Cour suprême a affirmé être la « juridiction d'appel suprême et exclusive au pays ».

Qui peut être nommé à la Cour suprême?

Il est prévu dans la Loi constitutionnelle de 1867 que les juges des cours supérieures « resteront en fonction durant bonne conduite », mais « cesser[ont] d'occuper [leur] charge lorsqu'il[s] aur[ont] atteint l'âge de soixante-quinze ans ». Ces règles, qui figurent également dans la Loi sur la Cour suprême, s'appliquent évidemment aux juges de la Cour suprême.

La Loi constitutionnelle de 1982 (la « Charte ») interdit d'apporter des modifications à la composition de la Cour suprême du Canada sauf par modification constitutionnelle par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada autorisée par les résolutions du Sénat et de la Chambre des communes ainsi que de l'assemblée législative de chaque province.

La Loi sur la Cour suprême exige maintenant que neuf juges siègent à cette cour. À sa création, la Cour suprême était composée de six juges. En 1927, il y en avait sept.

L'article 5 prévoit que, pour pouvoir être nommé parmi les neuf juges par le gouverneur en conseil, les candidats doivent faire partie des groupes suivants : 1) les juges actuels d'une cour supérieure d'une province, y compris de cours d'appel, 2) les anciens juges de telles cours, 3) les avocats qui pratiquent toujours ou les avocats qui sont membres du barreau d'une province depuis au moins dix ans et 4) les anciens avocats ayant été membres du barreau pendant au moins dix ans. La Loi sur la Cour suprême exige également qu'au moins trois des juges soient nommés parmi les juges de la Cour d'appel du Québec ou de la Cour supérieure du Québec ou parmi les membres en règle du Barreau du Québec. Les critères d'admissibilité sont donc plus restreints pour les nominations faites au Québec que pour les autres régions, mais cette province a un certain nombre de sièges assurés.

Outre cette exigence de restriction liée à la province de résidence, il existe une coutume de représentation régionale au sein du plus haut tribunal du pays. Habituellement, le gouverneur en conseil nomme trois juges de l'Ontario, deux de l'Ouest canadien et un des régions de l'Atlantique. Relativement à la nomination récente de la juge Martin, le gouvernement du Canada a annoncé qu'il a demandé aux candidats de préciser leur relation avec l'Ouest canadien ou le Nord canadien. Nommer un juge de l'Ouest et du Nord du Canada visait à maintenir l'équilibre des régions à la Cour, car la juge en chef McLachlin est une nomination provenant des provinces de l'Ouest (ayant été juge en chef en Colombie-Britannique).

Comment les juges de la Cour suprême sont-ils nommés sous le gouvernement Trudeau?

Selon la Loi sur la Cour suprême, tous les juges sont nommés par le gouverneur en conseil au moyen de lettres patentes, selon l'avis du premier ministre.

À l'été 2016, le gouvernement du Canada a mis en place un nouveau processus de nomination  la Cour suprême pour veiller à ce qu'il soit « transparent, inclusif et imputable envers la population canadienne ». Selon ce processus, toutes les personnes nommées à la Cour suprême doivent être « effectivement bilingues », ce qui était une promesse faite pendant sa campagne lors des dernières élections, et qu'elles « proviennent de tous les horizons et ...ont vécu des expériences diverses. » Le Comité consultatif indépendant sur les nominations des juges de la Cour suprême du Canada a été créé pour recevoir et passer en revue les candidatures visant à combler le manque d'effectifs de la Cour suprême. Les candidatures sont soumises à ce comité de sept membres par l'entremise du Commissariat à la magistrature fédérale Canada. Ce conseil présente une courte liste de trois à cinq candidats en vue de l'examen par le premier ministre.

Comment un juge en chef est sélectionné

Le Premier ministre choisit parmi les neuf juges de la Cour suprême qui sera le juge en chef. Il y a une tradition de rotation entre un juge en chef du Québec et du reste du Canada. Si le premier ministre maintient cette tradition, la prochaine nomination aura lieu parmi les trois juges du Québec, soit l'honorable Richard Wagner, l'honorable Clément Gascon et l'honorableSuzanne Côté.

Rôles uniques du juge en chef à l'extérieur de la Cour

Le juge en chef a de nombreux rôles tant à la Cour qu'à l'extérieur de celle-ci. Il ou elle doit présider toutes les séances de la Cour lorsqu'il ou elle est présente, et il ou elle est la personne qui nomme les formations de juges qui font l'audition des demandes, des appels et des requêtes qui sont présentés à la Cour. Il ou elle doit administrer les serments professionnels des huit autres juges de la Cour. Parmi les tâches à l'extérieur de la Cour, le ou la juge en chef est un membre du Conseil privé du Canada et préside le comité qui conseille le gouverneur général quant aux candidatures à l'Ordre du Canada. Si le gouverneur général du Canada décède, s'il est frappé d'une incapacité, s'il est révoqué ou s'il effectue un séjour à l'extérieur du Canada pendant plus d'un mois, le ou la juge en chef devient l'administrateur du Canada et exerce les pouvoirs et assume les fonctions du gouverneur général pendant cette période. Le ou la juge en chef exerce d'autres fonctions au sein de la communauté juridique, par exemple, le fait de présider le Conseil canadien de la magistrature.

Yael Wexler est une avocate du bureau d'Ottawa de Fasken. Sa pratique porte principalement sur le droit des communications (télécommunications, radiocommunications et radiodiffusion), sur la propriété intellectuelle (droits d'auteur et marques de commerce) sur les dossiers de correspondance à la Cour suprême.

 


 

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