L'Espace RH est rédigé sous la direction de Lyne Duhaime, de Karen M. Sargeant et de Brian P. Smeenk.
Au Canada, il n'est pas inhabituel que des sociétés et des superviseurs soient accusés et reconnus coupables d'infractions en matière de santé et de sécurité. Ce n'est toutefois pas le cas pour les coordonateurs en santé et sécurité. Or, dans l'affaire R. v. Della Valle, la Cour provinciale de la Nouvelle-Écosse a récemment reconnu coupable un coordonateur en santé et sécurité et lui a imposé une amende. Il s'agit du deuxième responsable en matière de santé et de sécurité au travail à être reconnu coupable d'une infraction dans ce domaine.
Les faits
M. Della Valle était le coordonateur en santé et sécurité au travail de la Cape Breton Island Housing Authority, laquelle est propriétaire de plusieurs unités de logements et responsable de l'entretien de ces dernières. Après qu'un employé eut soulevé certaines préoccupations, des analyses de l'isolant de vermiculite se trouvant dans les greniers de certaines des unités ont été effectuées.
M. Della Valle est entré en possession d'un rapport écrit qui confirmait la présence d'amiante dans la matière isolante, et qui indiquait des mesures à prendre pour protéger les ouvriers d'entretien et les résidents de ces unités de logements. M. Della Valle a remis une copie du rapport à deux surveillants de l'entretien et a discuté du contenu de ce rapport avec eux, en présumant que la question serait éventuellement traitée. Six mois plus tard, la question a été de nouveau portée à l'attention de M. Della Valle, alors qu'il apprenait qu'aucune mesure n'avait été prise pour régler les problèmes signalés dans le rapport.
En vertu de la Occupational Health and Safety Act de la Nouvelle Écosse, M. Della Valle a été accusé de ne pas avoir pris toutes les précautions nécessaires dans les circonstances pour protéger la santé et la sécurité des employés et des autres personnes dans le milieu de travail et ses environs. Il a été reconnu coupable au terme d'un procès.
Raisonnement de la Cour
La Cour a affirmé qu'elle avait pour mandat d'établir quelles étaient les obligations de M. Della Valle et de déterminer ensuite s'il s'était acquitté de ses obligations de la manière prescrite par la loi. La Cour a conclu que M. Della Valle avait une responsabilité générale pour ce qui est des questions de santé et de sécurité au sein de l'organisation. Bien qu'il n'effectuât pas lui-même de travaux de réparation et d'entretien, cela n'amoindrissait pas sa responsabilité en matière de santé et de sécurité dans un sens plus général.
La Cour a déterminé que, même si M. Della Valle avait avisé deux des surveillants de l'entretien des résultats de l'analyse, il aurait dû transmettre ces résultats à son superviseur, le directeur de la Cape Breton Island Housing Authority. De plus, il avait négligé d'en aviser les autres hauts dirigeants, les employés, les employés contractuels et les membres du comité mixte de santé et de sécurité. La Cour a aussi déterminé que M. Della Valle n'avait pas effectué de suivi pour déterminer si les mesures proposées dans le rapport étaient mises en œuvre.
Même si M. Della Valle n'était pas rémunéré au même niveau que celui des hauts dirigeants de l'organisation, il relevait toutefois directement du directeur. Par conséquent, M. Della Valle occupait un poste particulier au sein de l'organisation et, tel qu'il était établi dans sa description de poste et pris en compte dans le contexte de la législation, il avait pour mandat de promouvoir la santé et la sécurité dans son milieu de travail.
Ce qu'aurait dû faire le coordonateur
Selon la Cour, M. Della Valle aurait dû :
- aviser immédiatement son superviseur (le directeur) du contenu du rapport. À cet égard, la Cour s'est dite surprise que le directeur n'ait pas été avisé de la situation pendant plus de six mois;
- faire le suivi auprès des surveillants pour déterminer s'ils avaient mis en œuvre les recommandations. Une fois avisés, ces surveillants et d'autres personnes concernées auraient dû mettre en œuvre un certain nombre de mesures, soit aviser les locataires, apporter les modifications nécessaires aux lieux, utiliser des équipements spéciaux, fournir des conseils aux employés et aux entrepreneurs, et adopter les mesures budgétaires requises;
- participer à l'une des réunions mensuelles du comité mixte de santé et de sécurité et aviser ses membres de la présence d'amiante dans les unités de logements;
- mettre en œuvre une forme d'évaluation des dangers pour toute activité nécessitant qu'un employé de la Housing Authority entre dans le grenier ou déplace de la matière isolante par suite de travaux à effectuer à l'étage inférieur.
Étant donné qu'aucune de ces mesures n'avait été mise en œuvre, la Cour a conclu que M. Della Valle avait manqué à ses obligations. Une amende de 1 000 $ lui a été infligée pour avoir manqué à la protection des travailleurs et des membres du public. Cette amende s'ajoutait à celle de 10 000 $ qui avait été imposée au ministère des Services communautaires après que celui-ci eut plaidé coupable en 2009 de ne pas avoir protégé des travailleurs et des membres du public.
Compte tenu des similarités qui existent dans les diverses législations en matière de santé et de sécurité au travail au Canada, on peut s'attendre à ce que les tribunaux d'autres provinces adoptent des normes similaires à celles qui ont été appliquées dans le cadre de cette affaire. Il importe donc pour les employeurs de s'assurer que leurs coordonnateurs en santé et sécurité comprennent bien leurs responsabilités personnelles.