Passer au contenu principal
Bulletin

Une clause de non-concurrence est-elle plus efficace dans un contrat de vente ou dans un contrat de travail? | L'Espace RH

Fasken
Temps de lecture 7 minutes
S'inscrire
Partager

Aperçu

Bulletin Travail, emploi et droits de la personne

L'Espace RH est rédigé sous la direction de Lyne Duhaime, de Karen M. Sargeant et de Brian P. Smeenk.

Lorsqu'un employeur acquiert d'autres entreprises, la question des clauses de non-concurrence est souvent soulevée. Cependant, le fait d'inclure une clause de non-concurrence dans un contrat de travail n'est pas nécessairement la solution idéale. Selon la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt Guay inc c. Payette (PDF), un employeur serait peut-être mieux protégé en incluant une clause de non-concurrence seulement dans le contrat de vente d'entreprise qu'en insérant aussi une telle clause dans les contrats d'emploi de ses nouveaux employés.

Les faits

En octobre 2004, Guay inc. acquiert les actifs de la société contrôlée par M. Payette pour 26 M$. Selon les termes du contrat de vente, M. Payette est engagé par Guay inc. à titre de consultant pour une période de six mois. Le contrat de vente comprend également une clause de non-concurrence qui interdit M. Payette de faire concurrence à Guay inc. pour une période de cinq ans à compter de la date à laquelle M. Payette cesserait d'être à l'emploi de Guay inc.

Six mois plus tard, M. Payette est embauché par Guay inc. à titre de directeur. Son nouveau contrat de travail ne comporte pas de clause de non-concurrence.

En août 2008, Guay inc. met fin à l'emploi de M. Payette. En mars 2010, M. Payette est embauché par l'un des concurrents de Guay inc. et, peu de temps après, sept employés de Guay inc. se joignent à lui.

Guay inc. a demandé à la Cour supérieure du Québec de prononcer une ordonnance d'injonction interlocutoire pour interdire à M. Payette de joindre les rangs de son concurrent. Le résultat de l'affaire reposait ainsi sur la nature de la clause de non-concurrence.

Contrat de travail ou contrat de vente?

Il existe d'importantes distinctions entre une clause de non-concurrence se trouvant dans un contrat de travail et entre celle se trouvant dans un contrat de vente.

Tout d'abord, au Québec, il faut savoir que les dispositions du Code civil du Québec (le « Code ») régissant les contrats de travail ne s'appliquent pas aux actes de vente. Par conséquent, l'article 2095 du Code, qui interdit à un employeur de se prévaloir d'une clause de non-concurrence s'il met fin au contrat de travail sans motif sérieux, ne s'applique pas aux actes de vente. L'article 2089 du Code, qui stipule que l'employeur a le fardeau de démontrer la validité de la clause de non-concurrence, ne s'applique pas non plus aux actes de vente.

La seconde distinction découle du déséquilibre qui existe dans le rapport employeur-employé, déséquilibre qui ne se retrouve habituellement pas dans la relation vendeur-acheteur. Bien que, pour être valide, les deux types de clauses de non-concurrence doivent contenir des limites quant à leur durée, quant au territoire visé et quant au type d'activités interdites, les tribunaux ont tendance à faire preuve de plus de souplesse lorsque ladite clause fait partie d'un contrat de vente.

La clause fait-elle partie d'un contrat de travail…

Dans l'affaire Guay, la Cour supérieure du Québec a déterminé que les parties avaient l'intention d'établir un contrat de travail au sein du contrat de vente. Par conséquent, la clause de non-concurrence faisait effectivement partie d'un contrat de travail. Le juge de première instance a conclu que Guay inc. avait mis fin à l'emploi de M. Payette sans motif sérieux. Par conséquent, Guay inc. ne pouvait se prévaloir de la protection de la clause de non-concurrence laquelle, de toute manière, contenait des limites trop largement définies pour un contrat de travail.

… ou fait-elle partie d'un contrat de vente?

L'affaire a été portée devant la Cour d'appel du Québec. Celle-ci a établi que la question principale consistait à déterminer la raison pour laquelle les parties avaient négocié une clause de non-concurrence. Une telle clause serait donc assujettie soit aux règles régissant les contrats de vente, soit à celles régissant les contrats de travail.

En l'espèce, la Cour d'appel a déterminé que la clause de non-concurrence avait été souscrite par les parties en raison du contrat de vente d'actifs. En effet, l'intérêt réel qu'avait Guay inc. d'interdire à M. Payette de travailler pour les concurrents de l'entreprise ne découlait pas de l'emploi de M. Payette, mais plutôt de l'investissement de 26 M$ que Guay inc. avait effectué dans le cadre du contrat de vente. De plus, l'absence d'une clause de non-concurrence dans le contrat d'emploi subséquent de M. Payette constituait une indication claire du fait que la clause de non-concurrence était en contrepartie de la vente d'actifs et non du contrat de travail.

Au bout du compte, la Cour d'appel a infirmé la décision de première instance et a jugé que la clause de non-concurrence était valide. M. Payette tente à présent d'aller en appel de la décision devant la Cour suprême du Canada.

Recommandations aux employeurs

Si la Cour suprême du Canada confirme la décision de la Cour d'appel, un employeur qui souhaite acquérir une entreprise auprès d'un concurrent bénéficierait d'une meilleure protection s'il inclut uniquement une clause de non-concurrence dans le contrat de vente, plutôt que d'ajouter une autre clause de non-concurrence au contrat d'emploi des employés de l'entreprise acquise. Compte tenu de la similarité de la jurisprudence à l'échelle du pays en ce qui concerne les clauses de non-concurrence, cette décision pourrait également avoir des répercussions auprès de sociétés souhaitant faire l'acquisition d'un concurrent situé à l'extérieur du Québec.


Les publications suivantes pourraient aussi vous intéresser:



Contactez l'auteur

Pour plus d'informations ou pour discuter d'un sujet, veuillez nous contacter.

Contactez l'auteur

Auteur

  • Chris Semerjian, Associé | Litiges et résolution de conflits, Montréal, QC, +1 514 394 4515, csemerjian@fasken.com

    Abonnement

    Recevez des mises à jour de notre équipe

    S'inscrire