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Lois anticorruption : protéger votre réputation

Fasken
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Bulletin Valeurs mobilières, fusions et acquisitions

À mesure qu'évolue le paysage des risques commerciaux, les sociétés nord-américaines sont appelées à mener des évaluations des risques, à mettre en place une culture d'entreprise descendante et à adopter des programmes de conformité en matière de lutte aux pots-de-vin et à la corruption.

Les entreprises nord-américaines se croient souvent immunisées contre les allégations de corruption ou de pots‑de‑vin. Or, le paysage des risques commerciaux évolue à mesure que le regard du public s'intensifie et que la réglementation se resserre à l'échelle mondiale.

Jusqu'à tout récemment, la loi américaine intitulée Foreign Corrupt Practices Act était la loi anticorruption la plus sévère au monde. Le 1er juillet 2011, le Royaume-Uni a adopté sa nouvelle loi intitulée Bribery Act 2010, qui a durci de façon marquée le droit britannique en matière de pratiques de corruption étrangères. En raison de la nouvelle portée transfrontalière de la loi, toute société ayant des liens avec le Royaume-Uni peut maintenant être assujettie aux règles britanniques régissant ses pratiques commerciales à l'étranger.

Même les lois anticorruption existantes font maintenant l'objet d'une application plus rigoureuse dans les pays occidentaux. Prenons par exemple le cas de la société canadienne Niko Resources Ltd., une entreprise pétrolière et gazière établie à Calgary exerçant des activités en Asie du Sud et ailleurs dans le monde. En plaidant coupable à des accusations en vertu de la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers du Canada pour avoir offert un pot‑de‑vin à un agent public au Bangladesh, la société s'est vu imposer une amende de 9,5 M$ CA et a dû mettre en place un programme de conformité exhaustif. Bien que cette affaire soit déplorable, la mise en accusation de la société et son plaidoyer de culpabilité sont perçus par les intervenants du milieu juridique comme un développement bienvenu, compte tenu de l'historique plutôt mince du Canada en matière de poursuites et d'application des lois anticorruption.

Définition de la corruption et des pots-de-vin

Les définitions de ces concepts sont légion, mais on s'entend généralement pour décrire la corruption comme un paiement – que ce soit sous la forme d'un cadeau, d'un prêt, de frais, d'une récompense ou d'un autre avantage – versé comme incitation à poser un geste malhonnête ou illégal, ou un acte qui constitue un abus de confiance, dans le cours d'affaires commerciales. D'ailleurs, les pots-de-vin sont souvent indissociables de la corruption qui, elle, constitue l'abus d'un pouvoir pour obtenir un gain personnel.

À l'instar de la plupart des lois, le territoire de compétence revêt une grande importance au moment de l'application des lois anticorruption. En Allemagne – un pays dorénavant considéré comme l'un des plus fervents défendeurs européens des lois anticorruption – les pots-de-vin étaient encore déductibles d'impôt il y a dix ans, comme c'était le cas d'ailleurs jusqu'en 1990 au Canada. En fait, les lois américaines et canadiennes en la matière s'articulent principalement autour de la corruption d'agents publics, alors que le Royaume-Uni a plutôt décidé d'étendre la portée de ses lois anticorruption à toute une série d'agissements de nature strictement privée.

La loi américaine intitulée Foreign Corrupt Practices Act (la « FCPA ») de 1977 (modifiée en 1988 et 1998) prévoit qu'il est [TRADUCTION] « illégal pour certaines catégories de personnes et d'entités de verser des paiements à des agents publics étrangers en vue d'obtenir ou de conserver des contrats ou des relations commerciales ».  Non seulement cette loi régit‑elle le comportement des sociétés et des citoyens américains, mais elle exige également que toute compagnie inscrite à la cote d'une bourse de valeurs américaine maintienne des données comptables exactes.

Au Canada, le législateur sanctionne la corruption d'agents publics étrangers au moyen de la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers, L.C. 1998, c. 34 (la « LCAPÉ »), qui est entrée en vigueur le 14 février 1999. Il s'agit de l'application au Canada de la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales (la « Convention de l'OCDE »).

La LCAPÉ, combinée au Code criminel du Canada, vise trois infractions : la corruption d'un agent public étranger, le recyclage des biens et des produits de la criminalité, et la possession de ces biens et produits. Elle prévoit également que des poursuites puissent être intentées dans les cas de complot pour commettre l'infraction et de complicité dans la perpétration de l'infraction, et pour le fait de conseiller à une personne de commettre une infraction.

Au contraire de la FCPA, la LCAPÉ ne prévoit pas l'exigence de maintenir des données comptables exactes. D'ailleurs, jusqu'à tout récemment, les procureurs canadiens ne cherchaient pas activement à faire appliquer les dispositions de la loi. Or, la GRC a décidé depuis peu d'accorder plus de ressources à ses enquêtes sur des infractions possibles à la LCAPÉ, et les rumeurs veulent qu'un certain nombre de poursuites soient déposées sous peu.

La Bribery Act britannique prévoit quant à elle un nouveau régime codifié en matière de corruption et de pots‑de‑vin. Cette loi et sa législation connexe peuvent entraîner une responsabilité civile et criminelle pour les sociétés étrangères et leurs dirigeants et administrateurs. Puisque bon nombre de ces dispositions vont plus loin encore que celles des lois canadiennes et américaines en matière de corruption, les sociétés nord-américaines ayant des liens avec le Royaume-Uni devraient se pencher de près sur la situation.

Se protéger contre les accusations de corruption

L'attention portée par les sociétés aux questions de corruption se limite généralement au type de territoires de compétence dans lesquels elles exercent leurs activités. Que ce soit au Canada ou aux États-Unis, les sociétés dont les activités se concentrent principalement dans leur pays d'origine sont souvent stupéfaites de constater pour la première fois l'attitude laxiste à l'égard de la corruption d'agents publics dans plusieurs pays émergents (et même dans certains pays développés).

D'un autre côté, les grandes multinationales exerçant des activités dans les pays en développement – particulièrement dans les secteurs à haut risque comme l'exploitation minière, la défense, l'impartition et la sous‑traitance, la santé publique et le pétrole et le gaz – ont habituellement développé une sensibilité accrue aux problèmes qui peuvent surgir en matière de corruption.

Il reste que, peu importe le territoire d'activité, un système robuste de contrôles internes qui donne corps à des lignes directrices transparentes, clairement comprises et rigoureusement appliquées en matière de bonne gouvernance, à des pratiques et des procédures anticorruption, à des politiques de vérification diligente appropriées et à des mesures de prudence demeure essentiel lorsqu'il est question des activités nationales et internationales d'une entreprise. Dans la plupart des cas, l'adoption de telles pratiques se révèle toujours un pari gagnant, peu importe le territoire de compétence où la société exerce ses activités.

Faire de la bonne gouvernance d'entreprise une priorité

De solides politiques internes en matière de gouvernance d'entreprise peuvent aider les membres d'une société à résister aux pressions externes ou internes de s'adonner à des pratiques de corruption. Lorsque de telles politiques sont clairement comprises et adoptées par tous les employés, et appliquées par les membres de la haute direction au moyen de réelles sanctions en cas de non-respect, les risques de comportements commerciaux contraires aux règles anticorruption se trouvent grandement réduits.

Mettre en place des politiques et des procédures claires en matière de conformité

Il est essentiel de faire comprendre aux employés, aux actionnaires et aux autres intervenants que la société ne tolérera en aucun cas, sous quelque forme que ce soit, des pratiques de corruption, qu'elles se déroulent à l'intérieur ou à l'extérieur des frontières nationales. Il existe un grand nombre de modèles de politiques d'entreprise dans ce domaine : on pense notamment à la liste de vérification de conformité intitulée Anti-Corruption Compliance Checklist de l'organisme Transparency International Canada et à son équivalent britannique, la 2010 UK Bribery Act Adequate Procedures, publiée par Transparency International UK.

La mise en place de procédures de conformité en matière de corruption devrait comprendre une formation pour tous les représentants de la société qui peuvent être touchés de près ou de loin par la corruption. Le conseil d'administration devrait s'assurer que les membres de la haute direction contrôlent le rendement de la société à ce chapitre et rapportent sans délai toute infraction réelle ou soupçonnée au conseil d'administration.

Surveiller les signaux d'alerte

Aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission a mis au point une liste de signaux d'alerte servant d'indicateurs pour repérer de possibles pratiques de corruption étrangères.

Ces signaux d'alerte comprennent ce qui suit :

  • la question de savoir si l'agent, dans le cas d'une personne physique, est un homme ou une femme d'affaires qui occupe en même temps des fonctions au sein du gouvernement
  • la taille du paiement versé à l'agent
  • la nature du paiement versé à l'agent
  • la nature des services fournis par l'agent
  • le pays dans lequel le paiement est versé
  • l'endroit, la méthode et la façon de versement du paiement.

La vérification diligente – particulièrement celle axée sur les employés occupant des rôles à haut risque (comme ceux qui se trouvent en première ligne dans le cadre de soumissions pour les contrats d'approvisionnement gouvernementaux) ainsi que sur leurs partenaires et autres personnes liées – contribuera à éviter l'embauche de personnes ayant dans leur feuille de route des pratiques commerciales douteuses. Une société qui démontre qu'une vérification diligente adéquate a été entreprise au sujet de ses représentants et employés pourrait ainsi atténuer les sanctions juridiques imposées advenant l'implication accidentelle de représentants étrangers de la société ou d'autres personnes dans des pratiques de corruption étrangères.

Faire preuve de prudence envers les tiers

Lorsque vient le temps de collaborer avec des tiers ou d'acquérir une société, il y a lieu de porter attention à l'éventuelle responsabilité commerciale qui peut découler de gestes posés par les mandataires, les sous-traitants, les filiales étrangères ou les partenaires de coentreprises de la société collaboratrice ou acquise. L'adoption de lignes directrices rédigées en langue simple et leur application rigoureuse aux activités des mandataires de la société demeurent des mesures essentielles. Par exemple, une entreprise devrait éviter à tout prix de donner comme instruction à ses mandataires de « faire le nécessaire » pour obtenir des contrats.

De plus, dans le cadre de toute opération de fusion ou d'acquisition transfrontalière, une vérification diligente adéquate peut également aider une société à éviter une éventuelle responsabilité cachée découlant de pratiques de corruption étrangères. Les conseillers juridiques en entreprise devraient examiner soigneusement les garanties fournies à l'égard du respect des lois anticorruption et établir qui devra assumer la responsabilité en cas de problème futur à ce chapitre. Il y a lieu également de faire preuve de prudence lorsqu'il s'agit de fournir des engagements de conformité aux règles anticorruption à des preneurs fermes dans le cadre de la vérification diligente relative à un premier appel public à l'épargne.

Agir avec précaution à l'égard des paiements de facilitation

L'OCDE a lancé une mise en garde relative aux « paiements de facilitation » il y a de cela déjà plusieurs années, mais la Convention de l'OCDE permet toujours certaines formes de paiements de facilitation. De plus, les lois nationales anticorruption visant l'application de la Convention de l'OCDE dans des pays comme les États-Unis et le Canada permettent encore les paiements de facilitation. Au contraire, ces paiements ont toujours été illégaux en vertu du droit britannique et, aujourd'hui, la Bribery Act facilite davantage la poursuite de leurs auteurs, bien que cette loi vise surtout des infractions plus graves ou flagrantes.

Même si, en général, on entend par paiements de facilitation de petits paiements versés en vue de garantir l'exécution de fonctions gouvernementales de nature courante, comme le dédouanement ou la protection policière temporaire, il n'existe aucune définition généralement acceptée de ce qui constitue un paiement de facilitation permis.

Compte tenu de l'adoption de la nouvelle législation au Royaume-Uni, des récents coups de filet au sein des effectifs douaniers et des appels répétés à une transparence accrue dans les activités commerciales, il y a lieu d'agir avec prudence lorsqu'il est question de paiements de facilitation. Aux États-Unis comme au Canada, la distinction entre ce qui constitue un paiement de facilitation permis et un pot-de-vin illégal peut se révéler très subtile.

Réagir en cas de problème

Les mesures proactives décrites aux présentes peuvent contribuer grandement à atténuer les risques auxquels s'expose une société. Malgré tout, même les entreprises les mieux gérées et les plus éthiques peuvent être confrontées à de fausses allégations, être victimes des tractations malhonnêtes d'une seule personne ou se faire prendre au piège de règles nationales incompatibles, lorsqu'elles entreprennent des mandats internationaux. En cas d'accusations éventuelles ou réelles, un avocat chevronné dans les causes de corruption sera d'un grand secours pour se préparer au processus minutieux – et probablement de longue haleine – menant à la résolution du problème.

Réagir aux fausses allégations

Les sociétés nord-américaines exerçant leurs activités à l'échelle internationale peuvent être victimes d'accusations de corruption non fondées, particulièrement dans l'environnement difficile à contrôler que forment les blogues et les médias sociaux. La prise rapide de mesures appropriées peut aider à protéger la réputation de la société et à rassurer les investisseurs devenus nerveux. En plus de lancer une campagne de communications de crise, il est souhaitable de recourir aux conseils d'un avocat en cas de procédures judiciaires comme des poursuites en diffamation.

Établir une stratégie efficace en matière de litige

Lorsqu'une allégation a ne serait-ce que le moindre fondement, il serait avisé de recourir immédiatement aux services d'un conseiller juridique pour établir une stratégie de litige appropriée. Dans certaines circonstances, ce processus pourrait mener à la décision de plaider coupable aux accusations, comme l'a fait la société canadienne Niko Resources plus tôt cette année. Dans d'autres circonstances, il pourrait plutôt être sage d'assurer sa défense contre de telles accusations. Peu importe sa décision, l'entreprise visée devra à tout le moins adopter, pour l'avenir, des politiques et des procédures resserrées en matière de conformité.

De plus, lorsqu'une entreprise est confrontée à des allégations découlant d'un mécanisme de dénonciation, elle doit impérativement comprendre les lois locales et internationales qui s'appliquent aux dénonciateurs avant d'entreprendre une action trop hâtive.

Par ailleurs, l'entreprise qui peut démontrer qu'elle a mis en place des politiques et des procédures claires en matière de conformité, qu'elle a surveillé les « signaux d'alerte », qu'elle a maintenu une solide gouvernance d'entreprise et qu'elle a agi avec prudence dans ses relations avec des tiers, se trouve en meilleure position pour négocier avec les procureurs. Dans de telles situations, il est crucial pour l'entreprise de se faire conseiller rapidement pour déterminer si elle peut recourir, dans le cadre de sa défense, à l'argument d'un « employé malveillant », c'est-à-dire, un employé ayant agi seul à l'encontre des politiques de l'entreprise.

Démêler les questions de territoire de compétence

Comme de plus en plus de pays exercent une autorité transfrontalière sur les questions de corruption – on pense particulièrement aux États-Unis et maintenant au Royaume-Uni – il est essentiel de connaître les règles nationales qui entrent en ligne de compte.

Au Canada, la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers (LCAPÉ) n'a qu'une portée relativement limitée. En effet, le Canada n'a « compétence à l'égard de la corruption d'agents publics étrangers [que] lorsque l'infraction est commise en tout ou en partie sur son territoire. Pour que cette infraction soit assujettie à la compétence des tribunaux canadiens, une bonne partie des activités constituant l'infraction doivent avoir eu lieu au Canada. Il est suffisant qu'il existe un lien réel et substantiel entre l'infraction et le Canada ». Au contraire, les lois du Royaume-Uni et des États-Unis ratissent bien plus large que leur équivalent canadien.

En fait, il en découle que, par exemple, une société minière canadienne exerçant des activités en Afrique pourrait contrevenir non seulement aux lois du pays où elle exerce ses activités, mais aussi à la LCAPÉ du Canada, à la Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) des États-Unis (si ses titres sont inscrits à une bourse américaine) et peut-être même à la Bribery Act du Royaume-Uni (si ses activités ou ses effectifs ont des liens substantiels avec le Royaume-Uni). Les agissements assimilés à de la corruption ou au paiement de pots-de-vin peuvent ainsi entraîner une responsabilité dans plus d'une juridiction ayant chacune leurs différences subtiles lorsque vient le temps d'établir ce qui est permis ou non.

Envisager de défendre le recours aux paiements de facilitation

Le meilleur exemple des nuances qui existent dans l'application des différentes lois anticorruption réside dans la réglementation des paiements de facilitation. Le flou juridique entourant ce type de paiements risque de perdurer encore longtemps en raison des différentes positions adoptées par chacune des juridictions visées.

Le droit canadien reconnaît que, dans certains pays, des paiements doivent être versés à des agents publics simplement pour les inciter à exécuter certaines fonctions de nature courante. La législation prévoit donc une exception pour les « paiements de facilitation » versés en vue de hâter ou de garantir l'exécution par un agent public étranger d'un acte « de nature courante » qui fait partie de ses fonctions officielles.

Au chapitre de la défense, le droit canadien permet deux défenses dans les cas de paiements de facilitation. Il peut d'abord être invoqué que le paiement était légal dans le pays étranger ou au sein de l'organisme public international dont relevait l'agent public étranger. Si elle est accueillie, cette défense repousserait complètement les accusations de corruption d'un agent public étranger. La deuxième défense possible, qui vise surtout le paiement de sommes relativement modestes, exige que l'accusé démontre que le prêt, la récompense ou l'avantage a été consenti pour rembourser des dépenses raisonnables engagées de bonne foi par l'agent public étranger ou en son nom directement en lien avec la promotion des produits et services de l'accusé ou avec l'exécution d'un contrat entre l'accusé et l'État dont relève l'agent public étranger.

Aux États-Unis, la FCPA reconnaît elle aussi l'existence des paiements de facilitation, mais, comme il est souligné ci-dessus, la loi britannique Bribery Act les interdit dorénavant.

Critiques internationales à l'égard de la LCAPÉ

L'une des particularités de la loi canadienne – particularité d'ailleurs ouvertement critiquée par l'OCDE – est qu'elle ne vise que les activités exercées « en vue d'un profit ». D'ailleurs, l'OCDE continue toujours d'exhorter le Canada à changer cette particularité. Cela dit, cette nuance constitue toujours, pour l'instant, une échappatoire possible pour les personnes physiques et morales accusées de corruption à l'étranger, pourvu que leurs activités n'aient pas de but lucratif, comme c'est le cas notamment des contrats visant les efforts de secours à la suite d'une catastrophe naturelle ou des opérations commerciales qui ne donnent pas lieu à un profit.

L'OCDE a également critiqué la décision du Canada de limiter sa compétence extraterritoriale aux infractions qui comportent un « lien réel et substantiel » avec le Canada. L'OCDE fait valoir que, compte tenu du volume élevé d'activités exercées par les sociétés canadiennes dans des pays étrangers, y compris dans les pays en développement, cette restriction n'est pas conforme à l'esprit de la Convention de l'OCDE. Pour l'instant, à tout le moins, cette restriction constitue la défense la plus accessible au Canada, mais aussi l'obstacle le plus sérieux aux poursuites en cas d'infraction au pays.

Comprendre les sanctions

Le Canada s'est bâti une réputation peu enviable en matière de sanctions laxistes, mais il est probablement plus juste de montrer du doigt ses efforts d'application peu convaincants par le passé. En effet, contrairement à ce que l'on pourrait croire, les sanctions prévues par les lois canadiennes peuvent se révéler très sévères en cas de contravention à la LCAPÉ. Elles comprennent des peines d'emprisonnement maximales de cinq ans, des amendes, ou les deux, et font de la corruption une offense passible d'extradition. Le montant de toute amende possible est établi par le juge, à son gré, et ne comporte aucun plafond. En outre, comme il s'agit d'un acte criminel, la corruption n'est pas visée par la prescription.

À titre de comparaison, aux États-Unis, la FCPA permet l'imposition de sanctions criminelles et de sanctions civiles. Tout comme au Canada, les personnes physiques peuvent se voir imposer une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans, des amendes maximales de 100 000 $, ou les deux. Les personnes morales peuvent quant à elles se voir imposer des amendes pouvant atteindre 2 millions de dollars par infraction. Il y a lieu de souligner que les États-Unis ont resserré leurs activités d'application des lois au cours des dernières années.

Au Royaume-Uni, des poursuites civiles peuvent être intentées ou des accusations criminelles déposées, et des peines d'emprisonnement maximales de dix ans peuvent être imposées aux personnes physiques, peines qui peuvent atteindre 14 ans si l'application de la loi Proceeds of Crime Act sur le recyclage des produits de la criminalité entre en jeu.

Savoir qui est visé

La Bribery Act s'applique à toute corruption qui a lieu Royaume-Uni ou touche le pays et elle vise toute société et toute personne physique du Royaume-Uni (résident ou ressortissant) qui offre un pot-de-vin à un employé du secteur privé ou à un fonctionnaire, peu importe où. De plus, elle fait en sorte qu'une société du Royaume-Uni ou une société étrangère qui exerce des activités au Royaume-Uni est responsable des gestes de personnes associées (associated persons) partout dans le monde dont elle n'était pas au courant, à moins que la société ne dispose de procédures adéquates (une « infraction d'entreprise »).

Une « personne associée » est une personne qui fournit des services au nom de la société, par exemple un employé, un mandataire, un entrepreneur, un fournisseur ou toute autre personne.

Comprendre qui est responsable

La société est responsable, tout comme les particuliers responsables. Si le pot-de-vin est autorisé, accordé ou approuvé par un administrateur ou un gestionnaire qui est l'âme dirigeante (directing mind or will) de la société (p. ex. un haut dirigeant), la Bribery Act considère que la société elle-même est fautive et pas seulement la personne physique en question.

Tout haut dirigeant (p. ex. un administrateur, un dirigeant ou le secrétaire du conseil) qui est au courant d'une infraction peut être tenu responsable de l'infraction au Royaume-Uni. Dans le cas d'une infraction à l'étranger, tout haut dirigeant qui possède un lien étroit avec le Royaume-Uni (par sa nationalité ou sa résidence) peut également être tenu responsable conjointement avec la société si l'infraction a été commise avec son consentement ou avec sa connivence.

Dans le cas d'une infraction d'entreprise, une société étrangère est responsable des gestes de ses personnes associées partout dans le monde si la société exerce ses activités ou une partie de ses activités au Royaume-Uni. Il existe certains désaccords à propos des sociétés étrangères touchées. Selon le ministère de la Justice, le fait qu'une société soit simplement inscrite à la cote d'une bourse du Royaume-Uni n'est pas suffisant pour créer un établissement. Cependant, le Serious Fraud Office (l'autorité poursuivante) semble adopter une ligne plus dure, davantage inspirée du modèle des États-Unis qui considère que la loi intitulée Foreign Corrupt Practice Act (la « FCPA ») s'applique à toute société inscrite à la cote d'une bourse des États-Unis. Donc, pour l'instant, il faut présumer qu'une société étrangère inscrite à la cote d'une bourse du Royaume-Uni peut être assujettie à la Bribery Act.

Comprendre les infractions

Constitue une infraction en vertu de la Bribery Act le fait d'offrir un avantage financier à une autre personne dans deux situations. Premièrement, si l'intention est d'inciter ou de récompenser l'exécution incorrecte des tâches du bénéficiaire. Deuxièmement, si le payeur sait que le fait d'accepter cet avantage constitue l'exécution incorrecte des tâches pertinentes ou des activités du bénéficiaire. Une fonction ou une activité est réputée « pertinente » si elle est de nature publique, si elle est liée à une entreprise, si elle est exécutée dans le cadre de l'emploi de la personne ou si elle est effectuée au nom d'un groupe de personnes (constitué ou non). Elle est réputée être exécutée de façon incorrecte si elle viole les « attentes pertinentes » (relevant expectation), c'est-à-dire si elle contrevient à l'obligation d'agir de bonne foi ou de façon impartiale ou à une position de confiance. Les « attentes raisonnables » sont la norme au Royaume-Uni.

De plus, constitue une infraction le fait de corrompre un « fonctionnaire étranger », ce qui comprend toute personne qui occupe un poste législatif, administratif ou judiciaire, de quelque nature que ce soit, qu'il soit élu ou nommé, dans un pays à l'extérieur du Royaume-Uni ou au sein d'un organisme ou d'une entreprise publique de ce pays, ou encore un représentant officiel d'un organisme public international. Dans le cas d'un fonctionnaire, il n'est pas nécessaire que l'exécution soit incorrecte, mais l'avantage doit viser à obtenir ou à conserver des activités. Contrairement aux lois des États-Unis et du Canada, les paiements de facilitation sont illégaux en vertu de la Bribery Act.

Il est également contraire à la loi d'accepter un pot-de-vin.

Respecter les mœurs du Royaume-Uni

Toute société assujettie à la Bribery Act ne doit pas tenir pas compte des coutumes locales, sauf si un paiement est permis ou requis en vertu des lois écrites du pays ou d'une décision judiciaire écrite et publiée. Sinon, les critères de ce qui est approprié ou non demeurent les mêmes au Royaume-Uni ou à l'étranger et correspondent aux attentes d'une personne raisonnable au Royaume-Uni.

Comprendre les sanctions

En vertu de la Bribery Act, une société peut se voir imposer une amende d'un montant non spécifié et une personne physique peut se voir imposer une amende et/ou une peine d'emprisonnement (jusqu'à 12 mois pour les infractions mineures et jusqu'à 10 ans pour une mise en accusation). L'amende sera vraisemblablement déterminée en fonction de l'avantage obtenu, y compris la pleine restitution des profits, comme dans de récentes poursuites aux États-Unis.

Puisque la corruption est maintenant un crime au Royaume-Uni, les avantages obtenus sont donc des produits de la criminalité et peuvent être confisqués en vertu des lois sur le blanchiment d'argent. Le Serious Fraud Office a fait part de son intention d'avoir recours à toute la législation disponible pour recouvrer les produits de la criminalité.

Les sanctions supplémentaires peuvent comprendre la perte d'une concession, d'une licence ou d'un contrat obtenu grâce à la corruption; la disqualification des travaux publics aux termes des règles de l'UE relatives aux marchés publics et les diverses règles nationales sur l'approvisionnement; l'exposition à d'autres lois anticorruption; la perte de l'assurance crédit à l'exportation et la forclusion de prêts; le risque d'extradition; la possibilité de poursuites au civil par les concurrents qui ont perdu un contrat en raison du geste de corruption; des recours collectifs et des poursuites d'actionnaires (particulièrement aux États-Unis); et, bien sûr, la perte de réputation.

Envisager de faire une déclaration volontaire

Si une société signale elle-même un problème et collabore avec le Serious Fraud Office, et qu'on juge après enquête qu'elle avait pris des mesures sérieuses pour contrer la corruption, le problème pourrait être considéré comme tout à fait exceptionnel, auquel cas le Serious Fraud Office pourrait intenter des recours au civil afin d'obtenir la restitution des profits réalisés par suite de l'acte de corruption plutôt que de porter des accusations criminelles.

Le Serious Fraud Office a déclaré que pour attraper les contrevenants il allait recourir à toute une gamme de techniques de collecte de renseignements (épluchage de rapports d'ambassades et de médias locaux, dénonciateurs, opérations par un agent d'infiltration et toutes les techniques de surveillance contre la criminalité en col blanc). Les dénonciateurs au sein des sociétés suspectées d'actes de corruption devraient constituer la principale source de renseignements du Serious Fraud Office.

Protéger votre société

Malgré sa sévérité, la Bribery Act offre tout de même, dans le cas des « infractions d'entreprise », une défense solide pour les entreprises qui ne sont pas au courant de la corruption et qui prennent au sérieux la lutte contre la corruption. Comme il est mentionné plus haut, une entreprise du Royaume-Uni ou une entreprise étrangère qui exerce des activités au Royaume-Uni est responsable du fait qu'une « personne associée » corrompe un fonctionnaire ou un particulier dans le cadre de ses activités. L'infraction est absolue, mais elle est assortie d'une défense absolue fondée sur l'adoption par l'organisation de procédures adéquates pour empêcher une telle situation et le fait que l'infraction soit survenue à l'insu de l'organisation ou sans que cette dernière n'y ait consenti. Le fait que l'organisation n'était pas au courant des gestes de la personne associée ne constitue pas une défense valable si l'organisation ne s'était pas dotée de procédures anticorruption adéquates.

De bons conseillers

Les accusations portées contre des dirigeants d'un certain nombre de multinationales renommées, ainsi que les règlements de 560 millions de dollars et de 800 millions de dollars de Halliburton et de Siemens pour leurs infractions à la FCPA, ont attiré l'attention sur le fait que la corruption est désormais prise très au sérieux par les autorités du monde entier.

La plupart des entreprises qui exercent des activités à l'échelle mondiale connaissent bien la FCPA et ont mis en place des systèmes intégrés pour gérer les risques associés à la corruption internationale. La Bribery Act du Royaume-Uni pose de nouveaux défis en créant des risques dont l'absence de délimitation est alarmante.

En conséquence, pour éviter une responsabilité éventuelle dans des poursuites criminelles, les sociétés doivent procéder à une évaluation des risques et mettre en place, à partir des plus hauts échelons hiérarchiques, une culture visant à contrer la corruption.

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Auteur

  • Kevin O'Callaghan, Associé | Affaires juridiques relatives aux Autochtones, Facteurs ESG et développement durable, Vancouver, BC, +1 604 631 4839, kocallaghan@fasken.com

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