L'Espace RH est rédigé sous la direction de Louise Béchamp, de Karen M. Sargeant et de Brian P. Smeenk
Il est pratique courante, lors du règlement d’une plainte concernant les droits de la personne ou d’une plainte relative à un congédiement injustifié, d’inclure une obligation de confidentialité mutuelle. Que peut faire l’employeur si l’employé ne respecte pas son obligation? Qu’en est-il si l’employé parle du règlement à ses collègues? Il s’agit à tout le moins d’un problème contrariant. Une récente décision rendue par le Tribunal des droits de la personne de l'Ontario [Tremblay v. 1168531 Ontario Inc. et Amy Lalonde] (PDF - disponible en anglais seulement) traite directement de cette question. La décision pourrait s’appliquer de façon générale à d’autres ententes de règlement en droit de l’emploi, ainsi que dans d’autres provinces et devant d’autres tribunaux.
Les faits
Trish-Ann Tremblay avait déposé une plainte pour atteinte aux droits de la personne contre son employeur, une franchise de restaurants-minute à Cornwall en Ontario. Son patron et elle ont assisté à une rencontre de médiation à laquelle ils ont été convoqués par le Tribunal des droits de la personne. Ils ont signé un accord de médiation. Dans cet accord, ils ont convenu que le processus demeurerait confidentiel. Lorsque les parties se sont entendues pour régler la plainte de Mme Tremblay, elles ont expressément convenu de garder confidentielles les modalités de la transaction et de ne pas les divulguer à quiconque, sauf à la famille immédiate.
Toutefois, on s’est rendu compte que Mme Tremblay publiait des messages sur son compte Facebook au sujet de la médiation … pendant la rencontre de médiation. Aussi, dès que la rencontre a pris fin, elle a publié le message suivant : « C’est terminé à la cour, je n’ai pas eu ce que je voulais, mais au moins j’ai eu quelque chose … ». Environ 4 heures plus tard, elle publiait ceci : « Ma mère m’a toujours dit que un peu, c’est mieux que rien … »
Le patron de Mme Tremblay a alors refusé de payer le montant du règlement. Il a affirmé vouloir que Tribunal règle la question. Il a plaidé que le manquement à l’obligation de confidentialité de la part de Mme Tremblay annulait l’entente.
La décision du Tribunal
Le Tribunal a examiné les deux aspects de l’affaire : le non-respect de l’entente par Mme Tremblay et le défaut de paiement de l’employeur. Contrairement à certains autres tribunaux, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a le pouvoir exprès, en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario, de remédier à de telles situations. Ainsi, il peut « rendre toute ordonnance qu’il estime appropriée en vue de remédier à la contravention ».
Le Tribunal a affirmé que sa principale considération était la réparation du préjudice qui découle du défaut d’honorer une entente. Un tel défaut a pour effet de discréditer le système et de décourager les gens de vouloir négocier des règlements. Le fait d’ordonner une compensation monétaire en cas de contravention à une entente de règlement peut contribuer à renforcir tant l’intérêt public que privé que des parties se conforment aux ententes qu’elles concluent.
Dans le cadre de sa décision, le Tribunal a d’abord évalué s’il devait imposer une amende à l’employeur en raison de son défaut de payer la somme prévue. Il a conclu qu’il était raisonnable pour l’employeur de demander au Tribunal de régler la question. Bien que dans d’autres affaires mettant en cause les droits de la personne, les employeurs se sont vus imposer des amendes pour un défaut de paiement, le Tribunal a refusé de rendre une telle ordonnance dans cette affaire. Il a toutefois exigé de l’employeur qu’il paie les intérêts sur le montant qu’il aurait dû verser.
Ensuite, le Tribunal s’est demandé comment remédier au manquement de Mme Tremblay à son obligation de confidentialité. C’était la première fois que le Tribunal était appelé à trancher une telle question. Il a noté que la clause de confidentialité était importante pour l’employeur puisque, même s’il avait accepté de payer, il niait sa responsabilité et comme il était situé dans une petite ville, il ne voulait pas que d’autres employés entreprennent des démarches semblables. Le Tribunal a noté qu’il était difficile de remédier à un manquement à l'obligation de confidentialité, puisque une fois le secret dévoilé, il est impossible de revenir en arrière.
En fin de compte, le Tribunal a décidé de réduire de 1 000 $ le montant payable à Mme Tremblay. Étant donné que le montant initial du règlement n’était pas divulgué, nous ne savons pas quelle proportion du montant initial cela représente.
Leçons à retenir pour les employeurs
Cette affaire confirme que les employés peuvent être pénalisés financièrement s’ils contreviennent à une clause de confidentialité prévue dans une entente de règlement avec leur employeur. La publication d’informations confidentielles sur les médias sociaux constitue un cas de contravention. Toutefois, les employeurs doivent être prudents lorsqu’ils font valoir un tel manquement de l’employé pour justifier de ne pas respecter leur part du règlement. L’entente n’est pas automatiquement annulée intégralement. Un employeur pourrait lui aussi être pénalisé s’il ne paye pas le montant qu’il s’était engagé à verser dans l’entente de règlement.
Même si le Tribunal des droits de la personne avait, dans cette affaire, le pouvoir statutaire clair de remédier à la contravention, on pourrait obtenir le même résultat si on a confié dans l’entente de règlement, le pouvoir au tribunal de remédier à tout défaut d’honorer l’entente. Dans d’autres affaires, un tel pouvoir pourrait être implicite.
Une question demeure en suspens : quel serait le recours approprié en cas de manquement à l’obligation de confidentialité? Quel montant cela représente-il? Quels sont les dommages causés à l’employeur?
Cette affaire semble nous indiquer qu’il est possible de prévoir dans vos ententes de règlement le montant des dommages en cas de manquement à l’obligation de confidentialité. Il pourrait d’ailleurs s’agir de la meilleure façon d’éviter de tels problèmes ou d’y remédier.