La décision de première instance du juge Daniel H. Tingley dans l'affaire opposant 21 ex-franchisés « Dunkin Donuts » à leur franchiseur, Dunkin' Brand Canada Ltd. (« Dunkin' Brands ») , a été portée en appel par ce dernier le 23 juillet 2012. En effet, le 21 juin 2012, la Cour supérieure condamnait Dunkin' Brands à verser 16,4 millions de dollars à titre de dommages pour différents manquements contractuels.
Soutenant que cette affaire est d'une grande importance en matière de droit de la franchise, l'Association Canadienne de la Franchise (« ACF ») demande à la Cour d'appel (l'honorable juge Clément Gascon) l'autorisation d'intervenir au stade de l'appel, pour l'audition et la production d'un mémoire afin d'éclairer la Cour sur l'état du droit au Canada en regard du franchisage ainsi que les impacts et effets du jugement Tingley sur les contrats de franchise.
Le juge Gascon de la Cour d'appel choisit de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur de l'ACF puisque, comme il l'expose en détail, cette intervention n'est ni nécessaire, ni utile.
Le nouveau régime de l'article 211 C.p.c. permet à une partie d'intervenir de façon plus limitée, mais selon des critères moins sévères que l'intervention volontaire conservatoire : il suffit que le juge estime l'intervention opportune et justifiée compte tenu des questions en litige. Bien que le fardeau de preuve de la partie qui recherche le statut d'intervenant selon cette disposition soit généralement peu exigeant, il demeure que la Cour l'applique habituellement dans des contextes de droit public, de libertés fondamentales ou en matière constitutionnelle
Quant aux litiges de nature privée, le juge Gascon remarque que les tribunaux ont été plus hésitants et requièrent davantage la démonstration par le requérant en intervention que les parties à l'instance ne sont pas en mesure de présenter tous les aspects ou les enjeux des questions en litige. L'utilité d'une intervention repose en effet sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une répétition de la position d'une partie ou d'une amplification de son point de vue. Le juge estime aussi que la Cour doit tenir compte des critères de proportionnalité et d'équilibre des forces entre les parties dans l'exercice de sa discrétion.
En l'instance, l'ACF est une association sans but lucratif dont la bonne foi n'est aucunement remise en cause. Toutefois, à la lecture de sa requête, il semble évident qu'elle prendra position en faveur de l'appelante. Or, l'appelante est membre de l'ACF, ce qui n'est pas le cas des ex‑franchisés intimés. Le juge Gascon en conclut qu'accueillir la demande d'intervention reviendra à forcer les intimés à consacrer encore plus de ressources en ce qu'ils devront affronter deux opposants en plus de devoir contrebalancer un déséquilibre des forces. Au surplus, lorsqu'on compare les prétentions de l'ACF et de Dunkin' Brand Canada, on constate qu'elles font valoir les mêmes points de vue.
Pour ces raisons, le juge Gascon conclut que dans le cadre d'un litige commercial privé où les parties sont représentées par des cabinets compétents et où elles feront sans doute valoir tous les points de vue pertinents par rapport à l'interprétation et l'application des conventions en litige, l'intervention de l'ACF ne serait qu'une répétition de la position de l'appelante sans véritable utilité pour la Cour et doit conséquemment être refusée.