L'Espace RH est rédigé sous la direction de Louise Béchamp, de Karen M. Sargeant et de Brian P. Smeenk
Chaque été, un flot d’étudiants en vacances et de nouveaux diplômés cherchent à acquérir de l’expérience professionnelle. Cette année, la fin de l’année scolaire a coïncidé avec la couverture médiatique accordée à la question des stages non rémunérés au Canada et aux États-Unis. Le moment est donc probablement opportun pour tout employeur doté d’un programme de stage de se pencher sur la question suivante : les stages non rémunérés peuvent-ils être une source de responsabilité éventuelle?
Les employeurs connaissent les exigences en matière de salaire minimum. La plupart d’entre eux versent le salaire minimum (ou un salaire supérieur à celui-ci) aux salariés réguliers qui doivent suivre une formation en cours d’emploi. Cependant, lorsqu’il s’agit d’embaucher des personnes qui sont prêtes à travailler gratuitement afin d’acquérir une certaine expérience, les considérations à l’égard des normes du travail peuvent parfois se volatiliser.
Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont établi des normes qui régissent le salaire minimum, les heures de travail, les heures supplémentaires et d’autres conditions de travail de base. Or, ces normes précisent rarement si elles trouvent application aux stagiaires. Au Canada, la législation en matière de normes du travail est en grande partie ambiguë à ce sujet. Les lois qui définissent le salarié en fonction de la réalisation d’un travail et le droit à un salaire sont peu utiles lorsque l’on peine à déterminer qui peut se prévaloir de ce droit[1]. Dans le cas des employeurs relevant de la compétence fédérale (tels que les banques et les radiodiffuseurs), il n’existe dans la législation aucune définition de ce qu’est un employé aux fins de l’octroi du salaire minimum.
Par contre, en Colombie-Britannique, une partie de ces ambiguïtés ont été éliminées avec la publication par le gouvernement d’un manuel de lignes directrices d’interprétation. La définition du travail qui s’y trouve exclut les stages pratiques qui doivent être réalisés dans le cadre d’un programme d’études. Une personne effectuant un stage pratique peut donc ne pas être payée. Cependant, tout autre stagiaire doit l’être.
Dans certaines provinces, la réglementation en matière de salaire minimum ne s’applique qu’aux personnes qui touchent un salaire. Ceci semble exclure les employés non rémunérés[2]. À Terre‑Neuve‑et‑Labrador[3], on définit un salarié comme étant toute personne qui fournit des services à l’employeur ou qui est assujettie à un contrat de louage de service. Cette définition laisse peu (sinon aucune) marge de manœuvre à l’employeur pour réfuter l’obligation de verser un salaire à un stagiaire.
En Ontario, la Loi de 2000 sur les normes d’emploi établit des lignes directrices détaillées. Elle est fondée sur l’interprétation qu’a faite la Cour suprême des États-Unis de la U.S. Fair Labour Standards Act de 1938. En vertu de la loi ontarienne, un particulier qui reçoit une formation d’un employeur n’est pas considéré comme un employé de ce dernier lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :
- La formation est semblable à celle assurée dans une école de formation professionnelle;
- La formation bénéficie au particulier;
- La personne qui offre la formation ne bénéficie guère de l’activité du particulier pendant sa formation;
- Le particulier ne supplante pas d’employé de la personne qui offre la formation;
- La formation ne donne pas au particulier le droit de devenir un employé de la personne qui l’offre;
- Le particulier est informé qu’il ne touchera aucune rémunération pendant sa formation.
En dépit de ces critères, en Ontario, comme aux États-Unis, les pratiques des stagiaires et des employeurs ne tiennent pas nécessairement compte des exigences législatives.
Les entreprises canadiennes qui offrent des stages ont intérêt à vérifier si leur programme de stage répond aux exigences applicables. Si le stagiaire est considéré comme un employé, les normes minimales autres que celles visant le salaire régiront également la relation stagiaire-employeur.
Maintenant que ce sujet a retenu l’attention de certains partis politiques, les gouvernements établiront peut-être des lignes directrices visant à clarifier les circonstances dans lesquelles une entreprise pourra légitimement bénéficier des services de stagiaires non rémunérés. L’attention qui se porte sur cette question pourrait toutefois donner lieu à un plus grand nombre de réclamations de la part d’anciens stagiaires et accroître le nombre d’enquêtes menées par des agences gouvernementales visant des programmes de stage que l’on croyait légitimes. Les employeurs qui souhaitent atténuer le risque de devoir payer des salaires rétroactifs et des amendes potentiellement élevées sans compter le risque d’être visé par une couverture médiatique négative devraient se poser la question suivante : est-ce si avantageux de ne pas verser de salaire aux stagiaires?
[1]. C’est le cas notamment du Québec, de l’Alberta et de la Saskatchewan.
[2]. Île-du-Prince-Édouard et Nouveau-Brunswick.
[3]. Également au Manitoba et en Nouvelle-Écosse.