L’iniquité, l’insuffisance, la contrainte, l’influence indue, la contrainte financière, l’incapacité, et l’ambiguïté des documents : il s’agit de quelques-unes des raisons qui sont parfois données par d’anciens employés pour justifier l’invalidité de la quittance qu’ils ont signée.
Dans l’affaire Marquardt v. Strathcona County (PDF - disponible uniquement en anglais), ce sont toutes les raisons qu’a données une ancienne employée à la Commission des droits de la personne de l’Alberta (la « Commission ») pour justifier sa demande de faire annuler la quittance qu’elle avait signée, et ce, en dépit du fait qu’elle avait accepté l’indemnité de fin d’emploi et la quittance offerte par son employeur. Après avoir pris connaissance et évalué tous ces arguments, le Tribunal de la Commission a confirmé la validité et le caractère exécutoire de la quittance.
Les faits
L’employée travaillait comme chauffeur d’autobus pour le Comté de Strathcona (l’« Employeur »). En 2011, elle a été impliquée dans deux accidents de la route, l’un d’eux alors qu’elle se rendait au travail. Suite à ces accidents, elle a pris deux congés pour des raisons médicales. L’employée a repris son travail le 22 août 2011.
Quelques semaines après le retour au travail de l’employée, soit le 14 septembre 2011, l’Employeur a mis fin à son emploi. L’Employeur lui a remis une lettre de fin d’emploi qui contenait une offre d’indemnité de fin d’emploi conditionnelle à la signature d’une quittance. L’employée a accepté l’indemnité de fin d’emploi et a signé la quittance.
Cependant, l’histoire ne s’est pas arrêté là. Un an plus tard, l’employée a déposé une plainte auprès de la Commission alléguant que l’Employeur avait fait preuve à son endroit de discrimination fondée sur son incapacité mentale.
Décision du Tribunal
Lors de l’audition, l’employée a soutenu que la quittance ne constituait pas un contrat valide et exécutoire. Le Tribunal a rappelé qu’il revenait à la partie remettant en question la validité d’une quittance de prouver qu’elle est invalide et inexécutoire. En l’espèce, le Tribunal a décidé que l’employée ne s’était pas acquittée de ce fardeau.
Le Tribunal a pris en compte cinq critères dans l’évaluation de la plainte de l’employée :
- Iniquité et insuffisance de l’indemnité de fin d’emploi
Bien que le Tribunal ait noté que le montant de l’indemnité de fin d’emploi versé à l’employée était peu élevé, il a jugé qu’il ne l’était pas au point d’être abusif.
De plus, l’indemnité de fin d’emploi était conditionnelle à la signature de la quittance par l’employée. À partir du moment où l’employée a accepté l’indemnité et signé la quittance, l’entente était scellée.
- Contrainte, influence indue et contrainte financière
Comme dans bon nombre de cas de plaintes similaires, l’employée alléguait qu’elle avait signé la quittance sous l’effet de la contrainte, de l’influence indue, et compte tenu de ses difficultés financières. Le Tribunal a rejeté ces arguments. Selon le Tribunal, la preuve permettait de conclure que l’employée était « malheureuse » à propos de sa fin d’emploi et qu’elle se sentait « lésée ». Il n’y avait cependant aucune preuve que l’employée avait signé la quittance sous la contrainte financière ni que l’Employeur l’avait forcé à la signer.
- Moment choisi pour la fin d’emploi
Le Tribunal s’est demandé si l’Employeur était au courant du problème de santé mentale de l’employée au moment de la fin d’emploi. Cependant, à la lumière de la preuve au dossier, le Tribunal a conclu que l’Employeur n’avait non seulement pas connaissance de ce problème mais qu’il n’y avait aucune preuve qu’il avait choisi de faire signer la quittance à un moment nuisible aux droits de l’employée.
- Quittance
Le Tribunal a conclu que la lettre de fin d’emploi et la quittance étaient claires et concises. En ce qui concerne la lettre, celle-ci établissait clairement :
(a) Les raisons du congédiement;
(b) Le calcul de l’indemnité de fin d’emploi;
(c) L’obligation de signer la quittance;
(d) Que des documents seraient remis ultérieurement;
(e) Une description des conditions relatives au régime d’avantages sociaux;
(f) Que l’employée pouvait obtenir des conseils juridiques indépendants avant de signer la quittance.
- Incapacité
Enfin, l’employée soutenait qu’elle ne disposait pas de la capacité intellectuelle requise pour signer la quittance. Or, malgré ses tentatives, elle n’a pas réussi à convaincre le Tribunal qu’elle n’était pas en mesure de comprendre et d’évaluer les modalités de la quittance.
Leçons à tirer pour les employeurs
Pour qu’un(e) employé(e) puisse contester le caractère exécutoire d’une quittance, il/elle doit fournir une preuve convaincante permettant de remettre en question la validité de la quittance.
La décision rendue dans cette affaire permet de conclure que, généralement, si les conditions ci-dessous sont remplies, la quittance serait valide et exécutoire :
- la lettre de fin d’emploi et la quittance sont rédigées de façon claire et concise;
- les conséquences de la quittance sont clairement expliquées à l’employé(e);
- l’employeur a documenté de façon diligente le processus dans son ensemble.