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Une mère monoparentale a le droit de travailler de jour en raison des frais de garde d’enfants élevés | L'Espace RH

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Bulletin, Travail, emploi et droits de la personne

La Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a récemment été appelée à déterminer si un arbitre a eu raison de conclure qu'un employeur avait fait preuve de discrimination contre une mère monoparentale en lui demandant de travailler les quarts de travail de nuit. Dans l'affaire  SMS Equipment Inc. v. CEP, Local 707 (PDF - disponible en anglais seulement), la Cour a décidé que compte tenu de la situation familiale de l'employée, une telle demande était discriminatoire et, en conséquence, l'employée avait le droit de travailler de jour.

Les faits

Pendant qu'elle était en congé de maternité, l'employée avait posé sa candidature pour un poste de soudeur à Fort McMurray qui prévoyait une rotation de quarts de travail sur une période de 14 jours (7 journées de travail suivies de 7 journées de congé, avec une alternance des quarts de jour et de nuit). L'employée avait obtenu le poste.

Avant que l'employée ne retourne au travail, sa situation personnelle avait changé. Le père de son premier enfant ne pouvait plus s'occuper de ce dernier. Quant au père de son deuxième enfant, il n'était tout simplement plus là. Ni l'un ni l'autre ne fournissait une quelconque aide financière. Après son tout premier quart de nuit, l'employée avait demandé de travailler uniquement de  jour, car elle trouvait les quarts de nuit « un peu difficiles ». Étant donné qu'elle s'occupait seule de ses deux enfants pendant le jour, les quarts de nuit réduisaient ses heures de sommeil.

Les discussions que l'employée a eues par la suite avec son employeur ont porté en partie sur les frais élevés de garde d'enfants et sur les types de contribution que les pères pourraient faire. L'employeur a ensuite refusé la demande de l'employée, même si un collègue avait accepté d'échanger ses quarts de jour avec les quarts de nuit de l'employée aux termes d'une entente conclue par l'entremise de leur syndicat.

L'arbitre s'est prononcé en faveur de la position du syndicat selon laquelle l'employée devait être autorisée à ne travailler que de jour. L'employeur a demandé à la Cour d'infirmer cette décision.

Critères permettant d'établir l'existence d'une discrimination prima facie

Dans un premier temps, la Cour a conclu que les lois en matière de discrimination fondée sur la situation familiale avaient une portée suffisamment étendue pour inclure les questions liées aux frais de garde d'enfants. La Cour a reconnu que dans la jurisprudence canadienne, la discrimination fondée sur la situation familiale était appliquée différemment. Le syndicat plaidait en faveur d'une application plus souple des critères permettant d'établir l'existence d'une telle discrimination, alors que l'employeur plaidait en faveur d'une application plus stricte de ces critères. Ceux-ci  ont été appliqués différemment en Colombie-Britannique (PDF - disponible en anglais seulement) et dans le secteur fédéral (disponible en anglais seulement).

La Cour a penché en faveur d'une application plus souple des critères, tel que préconisée par le syndicat. Ainsi, si un employé peut établir qu'en raison de sa situation familiale, une règle ou une politique le désavantage, notamment sur le plan financier, cette règle ou cette politique est discriminatoire prima facie, et par conséquent, l'employeur doit envisager des accommodements. Dans cette affaire, l'employée était défavorablement affectée par les règles relatives aux heures de travail puisqu'elle devait soit sacrifier des heures de sommeil, soit compromettre sa situation financière pour remplir ses obligations en matière de garde d'enfants.

La Cour a également indiqué que la situation de cette employée était exceptionnelle et que la discrimination pouvait être établie même en fonction d'une application plus restrictive de ces critères, tel que celle développée dans certaines régions du Canada. L'employée était une mère monoparentale de deux jeunes enfants qui ne pouvait compter sur aucune aide familiale ou financière à Fort McMurray. Elle n'avait vraiment pas d'autres choix, et les frais élevés de garde d'enfants représentaient une charge importante compte tenu de ses moyens.

L'obligation de « se tirer d'affaire »

La Cour a mentionné que l'employée n'était pas tenue de « se tirer d'affaire » en tentant d'obtenir une aide gouvernementale ou en intentant une procédure contre l'autre parent en vue d'obtenir une aide financière. Un employé peut demander un accommodement à son employeur même s'il n'a pas entrepris de telles démarches. La Cour a même suggéré qu'il était injuste que l'employée ait à subir un interrogatoire concernant ses relations avec les pères de ses enfants, son choix de personne pouvant garder ses enfants et sa situation financière personnelle, avant que l'employeur n'étudie sa demande d'échange de quarts de travail avec un autre employé qui était disposé à le faire.

Il est important de noter que même si elle avait pu compter sur une aide financière des pères ou réorganiser ses finances afin de conduire un véhicule moins cher, cela n'aurait pas été suffisant pour éliminer l'effet défavorable des quarts de nuit. Afin de pouvoir dormir, l'employée aurait tout de même été obligée de dépenser de l'argent pour faire garder ses enfants.

En d'autres mots, selon la Cour, tout degré de discrimination constitue une preuve prima faciesuffisante. La possibilité de « se tirer d'affaire » n'est pas pertinente à cette étape-ci de l'analyse.

Leçons à tirer pour les employeurs

Cette décision diminue l'obligation pour les employés de trouver eux-mêmes des moyens d'organiser leur situation familiale lorsqu'elle entre en conflit avec leurs obligations professionnelles. Il ne faut pas oublier que cette employée avait postulé pour un poste comportant des quarts rotatifs. Cependant, la décision reconnaît que les efforts visant à « se tirer d'affaire » peuvent être pertinents lorsqu'il est question de déterminer quels types d'accommodements doivent être offerts, car toutes les parties concernées ont l'obligation de faciliter la recherche d'accommodements. Un employeur doit donc faire attention de ne pas refuser trop rapidement un accommodement qui peut être facilement mis en œuvre, sous prétexte que l'employé semble pouvoir « se tirer d'affaire » lui‑même. L'employeur devrait, à tout le moins, examiner sérieusement une telle demande.

Cette affaire ne permet pas de dissiper l'incertitude qui règne au sein de la profession juridique en ce qui concerne la discrimination fondée sur la situation familiale. Le droit est divisé entre les approches différentes retenues en Colombie-Britannique, en Alberta et au fédéral. Tant que la Cour suprême n'aura pas réglé cette question de droit, les questions liées à la situation familiale continueront de poser problème dans tout le pays.


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Auteur

  • Christian Paquette, Associé | Travail, emploi et droits de la personne, Toronto, ON, +1 416 865 5148, cpaquette@fasken.com

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