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Réglementation des sociétés canadiennes à l’étranger : Campagne électorale fédérale 2015

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Bulletin Relations gouvernementales et règles d'éthique et Droit de la responsabilité sociale d'entreprise

Le parti qui remportera les élections fédérales de 2015 pourrait non seulement avoir une incidence sur les entreprises canadiennes au pays, mais il pourrait également avoir une incidence sur la manière dont les sociétés canadiennes exercent leurs activités à l’étranger. Le gouvernement fédéral conservateur actuel a élargi la réglementation régissant le comportement des sociétés canadiennes dans les transactions et les activités commerciales à l’étranger par l’intermédiaire de sa politique en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et de ses initiatives législatives visant la corruption à l’échelle mondiale.

Le gouvernement conservateur a favorisé des mécanismes volontaires plutôt qu’obligatoires pour inciter les sociétés canadiennes à respecter les normes de RSE internationales. Au cours des 24 derniers mois, les conservateurs ont également mis en place des initiatives d’ordre législative pour que le Canada puisse mieux combattre la corruption dans le commerce international.

De leur côté toutefois, le NPD et les Libéraux ont critiqué le gouvernement fédéral. À leurs yeux, le gouvernement n’en fait pas assez, et ils prônaient plutôt que le Canada joue un plus grand rôle en termes d’enquêtes, de mises en application et de pénalités pour les sociétés canadiennes qui font défaut de respecter les normes RSE (volontaires) reconnues à l’étranger.

Le présent bulletin résume l’approche retenue par les Conservateurs, les Libéraux et le NPD et fait part de ce à quoi l’on peut s’attendre s’ils forment le prochain gouvernement fédéral par suite du vote du 19 octobre 2015.

Politique de RSE – Mise en application des normes de RSE

Parti conservateur

À Ottawa, la politique de RSE s’est concentrée plus particulièrement sur l’industrie extractive, bien qu’elle ait récemment été appliquée également au secteur du vêtement prêt-à-porter dans la foulée de l’effondrement de l’usine de vêtements de Rana Plaza, au Bangladesh.

La RSE visant l’industrie extractive a fait les manchettes politiques au Canada par suite du dépôt du projet de loi privé émanant du député libéral John McKay – Projet de loi C-300 – Loi sur la responsabilisation des sociétés à l’égard de leurs activités minières, pétrolières ou gazières dans les pays en développement. Entre autres choses, la Loi aurait rendu exécutoires des lignes directrices volontaires de RSE et aurait exigé du ministre des Affaires étrangères et du ministre du Commerce international qu’ils fassent enquête, puis qu’ils déposent un rapport sur toute plainte présentée contre une société canadienne du secteur des ressources qui exerce des activités dans des pays en développement. Le projet de loi C-300 a été défait par une faible marge en troisième lecture le 26 octobre 2010 alors que treize députés libéraux et quatre députés du NPD étaient absents au moment du vote.

En 2009, par suite du projet de loi C-300, le gouvernement fédéral a lancé sa première stratégie de RSE – « Renforcer l’avantage canadien : Stratégie de responsabilité sociale des entreprises pour les sociétés extractives canadiennes présentes à l’étranger ».

Les partis de l’opposition ont critiqué cette stratégie de RSE comme étant inefficace et « sans mordant » en ce qu’elle mettait l’emphase sur des initiatives volontaires et collaboratives plutôt que sur des mécanismes obligatoires. Le principal problème de cette stratégie pour les partis de l’opposition était la décision du gouvernement de nommer un conseiller en RSE et de mettre sur pied un mécanisme de résolution de conflits volontaire plutôt que de nommer un « ombudsman » en RSE investi du pouvoir de mandater la participation, d’enquêter les plaintes d’allégations d’abus et d’imposer des amendes.

Après avoir réexaminé sa stratégie de RSE, le gouvernement fédéral annonçait, le 14 novembre 2014, sa deuxième stratégie de RSE « améliorée » renommée « Le modèle d’affaires canadien : Stratégie de promotion de la responsabilité sociale des entreprises pour les sociétés extractives canadiennes présentes à l’étranger ». L’un des principaux changements par rapport à la stratégie de RSE antérieure portait sur l’ajout de conséquences à la non-conformité aux normes de RSE et à la non-participation aux processus de résolution des conflits.

La stratégie de RSE révisée du gouvernement du Canada associe expressément le soutien diplomatique et économique des sociétés canadiennes présentes à l’étranger au respect des normes de RSE reconnues. Les sociétés canadiennes risquent de perdre des services de délégués commerciaux et d’autre soutien gouvernemental à l’étranger si elles ne participent pas aux processus de résolution des conflits du Bureau du conseiller en RSE ou du Point de Contact National du Canada (Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales).

De plus, la nouvelle stratégie de RSE ajoute à sa liste de lignes directrices en matière de RSE reconnues : (i) les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies (PDNU), c’est-à-dire un cadre de travail international sur les droits de l’homme qui énonce certaines attentes à l’égard des sociétés pour tenir compte des incidences de leurs activités à l’international sur les droits de l’homme; et (ii) le Guide OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque.

NPD et Libéraux

Pour le NPD et les Libéraux, la stratégie de RSE améliorée ne va pas assez loin. Les deux partis continuent de prôner la création d’un poste d’ombudsman en RSE investi de pouvoirs d’enquête et de mise en application lui permettant de surveiller les activités de sociétés minières, gazières et pétrolières canadiennes à l’étranger.

La députée du NPD, Mme Ѐve Péclet, (Pointe-de-l’Île) a présenté le projet de loi C-584, Loi concernant la responsabilité sociale d’entreprise inhérente aux activités des sociétés extractives canadiennes dans des pays en développement, qui prévoyait la création d’un poste d’ombudsman du secteur extractif. Le 1er octobre 2014, le projet de loi C-584 a été défait en deuxième lecture. Contrairement au projet de loi C-300, tous les députés ont voté selon la ligne de parti, les députés du NPD et du Parti libéral appuyant le projet de loi (bien que certains députés ont exprimé des réserves quant à son contenu) de concert avec la chef du Parti vert, Elizabeth May. Les députés conservateurs ont voté contre le projet de loi.

Le projet de loi C-486 – Loi concernant les pratiques des entreprises relativement à l’extraction, à la transformation, à l’achat, au commerce et à l’utilisation des minéraux des conflits provenant de la région des Grands Lacs africains (défait le 24 septembre 2014) a été présenté par le député néodémocrate et porte-parole en matière d’affaires étrangères, Paul Dewar, pour exiger des sociétés canadiennes qui utilisent l’étain, le tungstène, le tantale et l’or dans leurs produits qu’elles exercent une diligence raisonnable à l’égard de la chaîne d’approvisionnement. Lors des débats entourant le projet de loi, des députés conservateurs ont exprimé leurs préoccupations relativement à une diligence raisonnable obligatoire prescrite par la loi.

Le NPD s’est également porté à la défense de mécanismes de conformité obligatoires pour assurer que les sociétés canadiennes qui fabriquent des produits dans des pays en développement soient responsables de la chaîne d’approvisionnement. À la suite de l’effondrement de l’immeuble-usine au Bangladesh, le NPD a entrepris une étude auprès du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes. Bien qu’aucun rapport officiel n’ait été publié, le député Paul Dewar a affiché un résumé non officiel préparé par le NPD de ce qu’il estime être les conclusions et recommandations fondées sur les témoignages recueillis. Une des recommandations du rapport du NPD était d’étudier les différentes options pour les mécanismes de conformité obligatoires de la responsabilité de la chaîne d’approvisionnement dans l’industrie canadienne du vêtement.

Lutte contre la corruption et les pots-de-vin, transparence et marchés publics

Dans les domaines de la lutte à la corruption et de la transparence, qui sont également assujettis à la stratégie de RSE, le Premier ministre Harper a introduit des mesures législatives concrètes. La Parti conservateur a également imposé des règles plus strictes concernant sa chaîne d’approvisionnement en présentant son Régime d’intégrité révisé.

Loi sur la corruption d’agents publics étrangers (LCAPE)

Le 19 juin 2013, la législation modifiant la LCAPE du Canada a reçu la sanction royale. Les modifications ont aidé à faire taire les critiques voulant que le Canada ne participait pas suffisamment à la lutte contre la corruption dans le commerce international. En plus d’augmenter la pénalité maximale et de créer une infraction relative aux « livres comptables », la LCAPE a vu sa portée élargie. Les autorités canadiennes peuvent désormais intenter des poursuites contre des actes de corruption en fonction de la nationalité canadienne peu importe l’endroit où vit la personne ou le lieu où la corruption s’est produite. Auparavant, l’application de la loi canadienne exigeait l’établissement d’un « lien réel et important » entre l’infraction et le Canada.

Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif

Le gouvernement a été critiqué pour son défaut de mettre en place une législation sur la transparence des recettes. Le 26 février 2013, John McKay a présenté un projet de loi émanant d’un député, le projet de loi C-474 - Loi visant à favoriser la transparence financière, le renforcement de la responsabilité et la viabilité économique à long terme par la publication des paiements versés à des gouvernements étrangers par les sociétés minières, pétrolières et gazières. Le projet de loi qualifié de Sunshine Bill a été défait lors de la deuxième lecture le 9 avril 2014 après que le gouvernement ait annoncé son intention de présenter sa propre législation sur la transparence des recettes.

Ces mesures législatives du gouvernement sont entrées en vigueur le 1er juin 2015. Toutes les sociétés de l’industrie des ressources assujetties à la Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif doivent signaler tous les paiements visés (y compris les taxes et impôts, redevances, parts de production) qu’elles versent à des gouvernements, national et internationaux, dont les paiements faits à des organismes gouvernementaux et à d’autres entités exerçant des fonctions gouvernementales. La Loi prévoit un report de deux ans de son application aux paiements faits à des gouvernements autochtones au Canada. Le gouvernement fédéral a précisé que d’autres consultations auront lieu avec les gouvernements et les organisations autochtones sur l’application des exigences de signaler des paiements faits à ces groupes.

Régime d’intégrité

Aux termes du Régime d’intégrité du gouvernement fédéral, récemment révisé le 3 juillet 2015, il sera interdit à un fournisseur de faire affaire avec le gouvernement du Canada si lui-même ou des membres de son conseil d’administration ont été reconnus coupables ou ont reçu une absolution (conditionnelle ou inconditionnelle) au cours des trois dernières années pour l'une des infractions figurant sur la liste, que l’infraction ait été commise au Canada ou à l’étranger. Les infractions figurant sur la liste comprennent le blanchiment d’argent, la corruption et la falsification de livres et documents. Cette période d’inadmissibilité de dix ans peut maintenant être réduite à cinq ans si le fournisseur démontre avoir coopéré avec les autorités ou pris des mesures correctrices en vue de remédier aux actes fautifs. Le gouvernement fédéral peut également suspendre, pendant une durée maximale de 18 mois, la présentation d’offres faite par un fournisseur sur des contrats d’approvisionnement du gouvernement s'il a été accusé ou avoue sa culpabilité à l'égard d'une infraction figurant sur la liste.

Circonscriptions à surveiller

En leur qualité respective de ministre des Ressources naturelles et de ministre du Commerce international, Greg Rickford et Ed Fast ont fait la promotion de la stratégie de RSE du gouvernement. M. Fast, député d’Abbotsford (Colombie-Britannique), et M. Rickford, député de Kenora (Ontario), devraient être réélus, bien que la course de M. Rickford soit plus serrée.

Lois Brown, candidate conservatrice de la circonscription de Newmarket-Aurora, élue pour la première fois comme députée de Newmarket-Aurora en 2008, a été réélue en 2011. En sa qualité de secrétaire parlementaire du ministre du Développement international et de membre du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes, Mme Brown s’est affichée de plus en plus comme porte-parole conservatrice sur la politique de RSE. Comme MM. Fast et Rickford, Mme Brown devrait conserver son siège.

Député et porte-parole en matière d’affaires étrangères du NPD, Paul Dewar a été le plus ardent défenseur de la surveillance et réglementation accrues du Canada à l’égard des activités internationales des sociétés canadiennes au sein du caucus du NPD. Paul Dewar est député du NPD et candidat dans la circonscription ontarienne d’Ottawa Centre. Élu pour la première fois à la Chambre des communes en 2006, M. Dewar devrait être réélu en 2015.

Wayne Marston du NPD, porte-parole en matière de droits de la personne et vice-président du sous-comité de droits internationaux de la personne de la Chambre, a également défendu les questions liées à la RSE, particulièrement le Bureau du conseiller en RSE. M. Marston a été élu pour la première fois en 2006 et est de nouveau candidat du NPD dans Hamilton East – Stoney Creek. Présentant une course plus serrée, M. Marston devrait cependant être réélu.

Depuis le dépôt du projet de loi C-300, John McKay fait figure de proue sur ces questions au sein du caucus libéral. M. McKay est député de la circonscription de Scarborough – Guildwood. Élu pour la première fois en 1997, M. McKay a remporté son siège en 2004, 2006 et 2008. John McKay devrait être réélu.

Marc Garneau, porte-parole libéral en matière d’affaires étrangères et de commerce international et sur La Francophonie, a aussi été actif dans les dossiers associés à la RSE. Marc Garneau est député de la circonscription du centre-ville de Montréal de Westmount—Ville-Marie depuis 2008, remportant l’élection par plus de 9 000 voix. Lors des élections fédérales de 2011, il a été réélu à la Chambre des communes par seulement 642 voix. M. Garneau est candidat libéral dans la nouvelle circonscription de Notre-Dame-de-Grâce–Westmount qu’il devrait remporter avec plus de 50 % des suffrages exprimés.

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Auteurs

  • Daniel Brock, Associé | Responsabilité sociale d’entreprise, Toronto, ON | Ottawa, ON, +1 416 865 4513, dbrock@fasken.com
  • Claudia Feldkamp, Avocate-conseil | Responsabilité sociale d’entreprise, Toronto, ON, +1 416 868 3435, cfeldkamp@fasken.com

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