Dans un cas tragique de décès en milieu de travail, un employeur de la Nouvelle-Écosse, où a eu lieu le désastre de Westray il y a plus de vingt-cinq ans[1], a été acquitté de négligence criminelle en matière de santé et sécurité au travail (la « SST »). L'accusé, propriétaire d'un atelier de réparation de carrosserie et de peinture, a été accusé de négligence criminelle causant la mort. Un mécanicien qui travaillait dans son atelier a essayé de retirer le réservoir d'essence d'un véhicule à l'aide d'un chalumeau à l'acétylène et a déclenché un incendie qui lui a causé des brûlures sur quatre-vingt-dix pour cent du corps. Le mécanicien est décédé le lendemain. Lorsque le feu s'est déclaré, le propriétaire de l'atelier travaillait dans le bureau du garage.
Le tribunal a entendu les témoignages de onze témoins à charge, ce qui a donné lieu à un énoncé des motifs volumineux, bien que la cause transmise à la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse ait commencé devant juge et jury. Le jury a été dissous lorsque l'un des procureurs de la poursuite, M. Keaveny, a suscité une controverse en utilisant les médias sociaux pour enquêter sur des jurés potentiels. Un juré a écrit une note au juge, dans laquelle il mentionnait notamment ce qui suit : « [TRADUCTION] J'ai remarqué que M. Keaveny (sic) a effectué des recherches sur mon profil sur LinkedIn… Je ne pense pas que ce soit approprié de la part du procureur de la Couronne de faire des recherches comme ça sous son propre nom. Nous ne devrions pas savoir qu'il effectue des recherches sur nous de cette façon ». Par suite de cette révélation, la Couronne et les avocats de la défense ont convenu de dissoudre le jury et de terminer le procès devant le juge seul.
La poursuite soutenait que même si le défunt avait une part de responsabilité dans l'accident et qu'il avait fait preuve de négligence, le propriétaire de l'atelier avait fait preuve d'une négligence criminelle. Le juge du procès a déclaré ce qui suit : « [TRADUCTION] En m'appuyant sur la preuve, je constate que M. Hoyeck a demandé à M. Kempton de retirer le pot d'échappement catalytique et le réservoir d'essence sans préciser quels outils utiliser. M. Hoyeck n'est pas allé sous le véhicule et n'était pas présent lorsque M. Kempton y est allé. À partir de la preuve, je conclus que M. Kempton a choisi lui-même les outils qu'il utiliserait pour retirer le pot d'échappement catalytique et le réservoir d'essence ».
Le juge a ajouté : « [TRADUCTION] Il n'y a aucune preuve que M. Hoyeck savait que M. Kempton allait utiliser un chalumeau pour retirer le réservoir d'essence. En fait, on peut logiquement déduire que M. Kempton a opté pour le chalumeau qu'après avoir remarqué un boulon endommagé sur la deuxième sangle. C'était une procédure dangereuse et M. Kempton, un mécanicien de formation, aurait dû le savoir. Selon moi, il n'est pas raisonnable de supposer que M. Hoyeck, un propriétaire d'atelier n'ayant aucune formation en mécanique, aurait dû superviser son employé, un mécanicien possédant l'accréditation Sceau rouge. »
Le tribunal a étudié la jurisprudence limitée concernant la loi Westray et analysé en profondeur les causes du décès en milieu de travail et il a statué que la preuve présentée ne permettait pas de conclure que les instructions données par l'accusé avaient conduit le défunt à utiliser le chalumeau ou que l'accusé savait que le mécanicien allait utiliser le chalumeau pour retirer le réservoir d'essence. L'état général du garage témoignait du fait que l'accusé faisait preuve de négligence en ce qui a trait à l'entretien des lieux et d'une grande insouciante pour ce qui est de la vie et de la sécurité d'autrui, mais ces manquements n'étaient pas à l'origine de l'accident ayant causé la mort du mécanicien.
Le rejet des accusations, malgré les faits difficiles et émotifs présentés au procès, réaffirme la norme de preuve élevée nécessaire pour déclarer une personne coupable de négligence criminelle en matière de SST. Le fait que l'un des procureurs de la poursuite ait effectué des recherches sur les profils LinkedIn de jurés sans dissimuler son identité était une source d'inquiétude. Ces activités
ont mené à la dissolution du jury et à la poursuite du procès devant un juge seul. Cependant, ce revirement de situation a permis d'être informé de motifs du jugement qui n'auraient pas été communiqués si le procès avait eu lieu devant jury. Cette affaire peut donc être ajoutée à la jurisprudence rendue en application de la loi Westray. Elle fournit des précisions utiles aux employeurs, aux administrateurs, aux
dirigeants et aux gestionnaires qui sont exposés à des amendes incroyablement élevées en cas de condamnation pour négligence criminelle en matière de SST.
[1] R. v. Hoyeck, [2019] N.S.J. No. 8