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Absence prolongée et indemnité de vacances : une différence de traitement entre les catégories d'absences protégées est-elle discriminatoire?

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Bulletin Travail, emploi et droits de la personne | L'Espace RH

Au cours des dernières années, la jurisprudence arbitrale a été marquée par plusieurs décisions traitant d'allégations de discrimination dans des contextes d'octroi ou de maintien de conditions de travail à incidence monétaire suite à une absence prolongée du travail. Une décision récente rappelle aux employeurs que les distinctions entre les différentes catégories d'employés protégés peuvent également être discriminatoires.

Dans l'affaire Cégep de Trois-Rivières et Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec[1], l'arbitre saisi du litige est venu à la conclusion que la décision d'un employeur de réduire les crédits de vacances d'un employé absent pour cause d'invalidité constituait de la discrimination prohibée par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (ci-après la « Charte ») puisque l'employé n'avait pas été traité de la même façon que les autres employés absents pour un congé protégé par la loi.

Contexte

La convention collective prévoyait que les absences non rémunérées de plus de 60 jours ouvrables au cours d'une année entraîneraient une réduction des congés annuels auxquels l'employé a droit. Or, l'employé en cause avait été en absence pour invalidité pendant 77 jours ouvrables au cours de l'année et recevait des prestations d'assurance salaire pendant cette absence. L'employeur a réduit de 6,5 jours les congés annuels payés auxquels l'employé avait droit.

Le syndicat a logé un grief, alléguant que les règles de la convention collective sur la réduction des congés annuels ne s'appliquaient pas et que les prestations d'assurance salaire devraient être considérées comme de la rémunération pour le calcul du droit aux vacances. Le syndicat a également soutenu qu'il était discriminatoire de réduire le droit aux vacances de l'employé en raison de son absence pour invalidité.

La décision

L'arbitre a conclu que les prestations d'assurance salaire ne constituaient pas une rémunération aux termes de la convention collective. La convention collective semblait donc donner le droit à l'employeur de réduire les crédits de vacances de l'employé.

L'employeur ne contestait pas le fait que l'invalidité constituait un handicap au sens de la Charte. Bien qu'il soit d'avis, à première vue, que les clauses portant sur l'acquisition des vacances n'étaient en soi pas discriminatoires, l'arbitre a néanmoins conclu que les dispositions de la convention collective créaient une distinction entre les employés absents du travail sans traitement et ceux qui recevaient de l'employeur, en raison de leur absence, des indemnités ou des prestations équivalant à un certain pourcentage de leur traitement.

Les employés qui étaient en absence pour invalidité pendant plus de 60 jours ouvrables au cours d'une année donnée étaient soumis à une réduction de la durée de leurs congés annuels, tandis que les employées en congé de maternité n'étaient pas pénalisées de la même façon. L'arbitre a donc conclu que la convention collective était discriminatoire pour le motif interdit de « handicap ».

En d'autres termes, même si l'employeur avait appliqué correctement les dispositions conventionnelles portant sur la durée des vacances, cette application avait un effet discriminatoire à l'égard de l'employé absent pour cause de handicap. Comme l'employeur n'avait pas invoqué de contrainte excessive, l'arbitre a ordonné à l'employeur d'accorder à l'employé le plein droit à l'indemnité de vacances.

Conclusion

Bien que cette décision s'inscrive dans un certain courant jurisprudentiel développé au cours des dernières années et suivant lequel il pourrait y avoir discrimination interdite envers un employé lorsqu'on lui impose une condition de travail moins avantageuse en raison d'un handicap, certaines nuances méritent d'être soulignées.

À ce titre, nous rappelons que l'arbitre dans cette affaire a reconnu qu'une clause prévoyant la réduction de l'indemnité de vacances d'un employé absent sans salaire pendant l'année de référence n'était pas à première vue discriminatoire. La décision de l'arbitre est fondée sur un traitement différentiel entre les différentes catégories d'employés absents - invalidité et maternité - plutôt que sur les employés qui étaient absents et les employés qui étaient au travail pendant l'année. Si la convention collective avait prévu des droits identiques pour les employés qui étaient en congé, quelle que soit la raison du congé (invalidité ou maternité), l'allégation de discrimination du syndicat aurait dû être rejetée.

Les employeurs devraient revoir leurs politiques et ententes à la lumière de cette décision afin de s'assurer qu'un traitement différentiel n'est pas appliqué aux employés en congé appartenant à différentes catégories protégées par la loi, puisque cela pourrait autrement servir de fondement à une plainte pour discrimination.


[1] Cégep de Trois-Rivières et Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, 2019 QCTA 134.

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Auteure

  • Valérie Gareau-Dalpé, Associée | Travail, emploi et droits de la personne, Montréal, QC, +1 514 397 5248, vgareau@fasken.com

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