Le projet de loi 83, Loi favorisant l’exercice de la médecine au sein du réseau public de la santé et des services sociaux[1] (le « Projet de loi 83 »), adopté le 24 avril 2025, a pour principal objectif de favoriser l’exercice de la médecine au sein du système public de santé et de services sociaux tout en freinant l’expansion du secteur privé des services de santé, selon le ministre de la Santé (le « Ministre »).
Le Ministre soutient que, parmi les 22 868 médecins au Québec, plus de 835 travaillent exclusivement dans le réseau privé actuellement, ce qui représente une hausse de plus de 80 % depuis 2020[2].Dans ce contexte, le projet de loi 83 :
- oblige les nouveaux médecins au Québec à pratiquer dans le secteur public pendant cinq ans avant de pouvoir exercer dans le secteur privé;
- oblige les médecins souhaitant se désaffilier du système public à obtenir une autorisation de Santé Québec;
- autorise le Ministre à obliger les étudiants et les résidents en médecine à s’engager à exercer au Québec après l’obtention de leur permis d’exercice ou à la fin de leur résidence.
Ce bulletin offre un survol du Projet de loi 83.
Obligation d'exercer dans le secteur public
Auparavant, la Loi sur l’assurance maladie permettait aux médecins de se soustraire à la participation au régime d’assurance maladie financé par les fonds publics, administré par la Régie de l’assurance maladie du Québec (« RAMQ »), en devenant un « professionnel non participant ». Ces professionnels non participants : i) peuvent facturer des honoraires aux patients et à des tiers directement à l’égard de services professionnels qui seraient autrement assurés par la RAMQ (p. ex., au moyen d’une pratique dans le secteur privé); et ii) ne peuvent facturer des honoraires à la RAMQ à l’égard de tout service professionnel (sauf dans des situations d’urgence).
Le Projet de loi 83 a modifié la Loi sur l’assurance maladie pour imposer l’obligation à tous les nouveaux médecins, qu’ils soient des omnipraticiens ou des spécialistes, d’exercer dans le secteur public pendant cinq ans avant de pouvoir devenir un médecin non participant exerçant dans le secteur privé.
Il prévoit d’importantes amendes en cas d’infraction, allant de 20 000 $ à 100 000 $ par jour et par acte, qui sont doublées en cas de récidive.
À cet égard, le Projet de loi 83 modifie la Loi sur l’assurance maladie, ainsi que d’autres lois relatives au secteur de la santé et des services sociaux pour intégrer cette nouvelle obligation ainsi que les dispositions connexes en matière de sanctions pénales.
Autorisation de quitter le secteur public
Dans le passé, les médecins participants souhaitant quitter le secteur public n’avaient qu’à en informer la RAMQ. Le Ministre a indiqué qu’environ 150 médecins alternent entre les secteurs publics et privés, arguant que « 150 médecins qui ne font pas de chirurgies pendant 60 jours au public, ça peut faire d’énormes différences dans notre liste d’attente[3] ».
En vertu du Projet de loi 83, les médecins doivent obtenir au préalable une autorisation de Santé Québec, la société d’État qui gère le réseau de la santé, pour se désaffilier de la RAMQ. Santé Québec devra approuver ou rejeter chaque demande selon les critères suivants :
- un nombre de médecins suffisant doit pratiquer dans les établissements publics de la région du médecin;
- le départ du médecin ne doit pas engendrer de conséquences négatives pour les patients de sa région;
- l’incapacité du réseau public à mettre à contribution ce médecin dans les établissements de sa région doit être démontrée.
Engagement à exercer la médecine au Québec
Le Projet de loi 83 habilite également le Ministre, s’il le juge opportun, à imposer aux étudiants et aux résidents en médecine, avant le début de leur formation ou de leur résidence, la signature d’un engagement assorti d’une clause pénale à exercer la médecine au Québec après l’obtention de leur permis d’exercice. Il convient de noter que dans cette éventualité, le Ministre aura le droit de fixer la durée et les autres modalités et conditions de l’engagement.
À cet égard, le Projet de loi 83 modifie notamment la Loi sur la gouvernance du système de santé et de services sociaux.
En revanche, le Projet de loi 83 n’oblige pas le Ministre à offrir des emplois à ces diplômés pendant la période où ils sont tenus d’exercer au Québec.
Réactions des parties prenantes
Le Projet de loi 83 a suscité des discussions partagées lors des consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n 83, Loi favorisant l’exercice de la médecine au sein du réseau public de la santé et des services sociaux, notamment des parties prenantes suivantes :
- La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (« FMOQ ») : Le représentant de la FMOQ, l’association qui représente les omnipraticiens au Québec, a fait valoir que le Projet de loi 83 ne s’attaque pas aux problèmes fondamentaux du système de santé et que les médecins optent pour le secteur privé en raison de la lourdeur bureaucratique et de la surcharge de travail associées au secteur public. La FMOQ a plutôt indiqué que le Projet de loi 83 aurait pour effet d’entraver potentiellement l’accessibilité aux soins médicaux et suggéré de concentrer les efforts sur le maintien des médecins dans le secteur public tout au long de leur carrière plutôt que de les obliger à y demeurer pendant leurs cinq premières années d’exercice;
- La Fédération médicale étudiante du Québec (« FMEQ »): La FMEQ, l’association des étudiants en médecine au Québec, a exprimé son désaccord avec le Projet de loi 83, arguant que les étudiants en médecine ne devraient pas être contraints de signer des ententes de début de carrière, notant que cela contredit le principe de gratuité scolaire au Québec et qu’aucun autre étudiant universitaire n’est tenu de le faire;
- La Fédération des médecins résidents du Québec (« FMRQ ») : Le représentant de l’association des médecins résidents du Québec a indiqué que certains médecins résidents ont déjà de la difficulté à trouver un poste après leur résidence et que, selon la FMRQ, ce problème persistera sans égard à l’adoption du projet de loi;
- Le Collège des médecins du Québec (« CMQ ») : L’ordre professionnel qui réglemente les médecins de la province est d’accord avec le principe du Projet de loi 83. Malgré certaines réserves quant aux mesures proposées, son représentant a même suggéré d’autres mesures, notamment la suppression du statut de médecin non participant. Pour consulter le rapport complet du CMQ, cliquez ici.
Conclusion
Le Projet de loi 83 vise à renforcer le système de santé public du Québec en obligeant les nouveaux médecins à exercer dans le secteur public pendant cinq ans et en obligeant les étudiants en médecine et les résidents à s’engager à exercer au Québec. Il sera intéressant de suivre la mise en œuvre du projet de loi, son impact sur les médecins et l’accès aux soins publics.
N’hésitez pas à communiquer avec l’équipe de droit de la santé de Fasken qui suit de près les développements dans ce domaine.