Les dernières élections fédérales canadiennes ont eu un taux de participation élevé et, pour la première fois depuis 1930, deux partis ont récolté chacun plus de 40 % du vote populaire. C’est dans ce contexte que le gouvernement libéral du premier ministre Mark Carney a été réélu lundi soir, à quatre sièges d’obtenir la majorité.
Mardi matin, après avoir célébré la victoire et même dansé au son du groupe rock Down with Webster, le premier ministre s’est mis au travail. Dès les débuts de la transition vers la 45e législature, le premier ministre Carney a discuté avec le président Trump et ils ont convenu de se rencontrer en personne au cours de la prochaine semaine.
Dans ce bulletin Canada–Administration Trump 2.0, Alex Steinhouse, de l’équipe Relations gouvernementales et droit politique de Fasken, fait le tour de ce à quoi nous pouvons nous attendre au cours des prochains jours.
Le gouvernement se met en place
Le premier ministre a déjà effectué une première transition rapide après avoir remporté la course à la direction du Parti libéral en mars avant de déclencher les élections générales. On s’attend à ce qu’il opte cette fois encore pour une transition rapide afin que son gouvernement puisse se mettre au travail pour ce nouveau mandat. Il a d’ailleurs confirmé que le nouveau cabinet sera assermenté le 12 mai. Les 343 brefs d’élection seront retournés le 19 mai. Le Parlement rouvrira le 26 mai avec l’élection de la présidence de la Chambre des communes, et le discours du Trône exposant le programme du gouvernement sera lu à l’ouverture de la nouvelle législature, le 27 mai.
Le palais de Buckingham a confirmé que le roi Charles prononcera le discours du Trône dans le cadre d’une visite royale de deux jours, les 26 et 27 mai, avec la reine Camilla. Cette annonce fait suite à l’audience téléphonique que le premier ministre a eue avec le roi du Canada mardi dernier. Cette visite se veut un clin d’œil symbolique à la souveraineté canadienne, car l’allocution est habituellement prononcée par la gouverneure générale. C’est la première fois qu’un monarque ouvre le Parlement canadien depuis le discours du Trône prononcé par la reine Élisabeth II en 1977.
Ceux qui s’intéressent aux rouages du gouvernement à Ottawa cherchent également à connaître le calendrier de la formation et de la composition des comités ministériels, celui de la dotation en personnel du cabinet du premier ministre et des cabinets ministériels, quand/si un remaniement des sous-ministres et ambassadeurs aura lieu et quand/si des lettres de mandat ministériel seront publiées.
En plus de ces considérations, le printemps s’annonce bien rempli pour le gouvernement réélu. Le premier ministre Carney accueillera le sommet du G7 à Kananaskis, en Alberta, du 15 au 17 juin, et devrait participer au sommet des dirigeants de l’OTAN à La Haye (du 22 au 26 juin).
Dans l’immédiat, le programme législatif pourrait comprendre le dépôt de mesures fiscales (notamment la réduction d’impôt promise de 1 % pour la tranche d’imposition la plus basse), qui pourraient prendre la forme d’une mise à jour financière ou d’un budget. Les libéraux se sont également engagés de manière ambitieuse à favoriser le libre-échange intérieur d’ici la fête du Canada en présentant un projet de loi (ou des mesures fiscales) visant à éliminer toutes les barrières fédérales au commerce interprovincial et à la mobilité de la main-d’œuvre, et à supprimer toutes les dérogations fédérales prévues par l’Accord de libre-échange canadien. Toujours ce printemps, la Chambre des communes élira son Président et commencera à former les comités permanents.
Organisation de la première rencontre Carney-Trump
Les propos tenus lors de la première conversation postélectorale entre le premier ministre Carney et le président Trump ont été rapportés au public de deux façons différentes. Lors de leur première conversation, les deux dirigeants avaient déjà convenu que les deux pays entameraient des négociations sur un nouvel accord économique et de sécurité dès que les élections seraient terminées.
Le communiqué du premier ministre à l’égard de cet entretien téléphonique a révélé que : « Le président Trump a félicité le premier ministre Carney pour sa récente élection. Les dirigeants ont convenu de l’importance pour le Canada et les États-Unis de travailler ensemble, en tant que nations indépendantes et souveraines, en vue d’améliorer la situation des deux pays. À cette fin, les dirigeants ont convenu de se rencontrer en personne dans un avenir proche. »
Mais le président Trump, qui siégeait avec son cabinet mercredi, a donné plus de détails, avançant que le premier ministre se rendra à la Maison-Blanche d’ici une semaine ou moins. « Je pense qu’on va avoir une très bonne relation », a-t-il ajouté. « Il m’a appelé hier et m’a dit : “Concluons un accord!” ». Il a affirmé que Mark Carney « n’aurait pas pu être plus gentil » et qu’il était « un très gentil monsieur ».
Le cabinet du premier ministre n’a pas encore confirmé la date de la visite, mais des sources laissent entendre que la rencontre aura lieu mardi.
Lors de la première entrevue publiée après les élections, le premier ministre Carney a été plus loquace, parlant à BBC News de ses plans pour cette première réunion : « Ce sera le même message que celui que je lui ai transmis directement et que j’ai prononcé publiquement, à savoir que nous sommes deux pays souverains, qu’il y a un partenariat possible, un partenariat économique et de sécurité. Ce sera très différent de ce que nous avons connu par le passé. »
M. Carney a ajouté qu’il allait dire au président Trump que le Canada cherche à établir des partenariats ailleurs dans le monde (y compris au Royaume-Uni), mais qu’il est prêt à travailler avec les États-Unis « [p]our que nous ayons un partenariat à nos conditions. Nous avons la possibilité de gagner sur tous les tableaux, mais à nos conditions, pas aux leurs ».
Lors de sa conférence de presse de vendredi, le premier ministre Carney a indiqué qu’il serait accompagné de hauts fonctionnaires et qu’il prendrait le temps d’assister aux réunions à la Maison-Blanche, où il s’attend à ce que les discussions soient sérieuses. Il a tout de même soutenu qu’il ne faut pas « s’attendre à de la fumée blanche à l’issue de la réunion », mais qu’il y aura « probablement de la fumée blanche ailleurs plus tard ». (La référence à la « fumée blanche » est une allusion à la fumée qui s’échappe d’une cheminée au Vatican et qui informe le public qu’un nouveau pape a été élu par le collège des cardinaux de l’Église catholique romaine.) On veut en arriver à un accord gagnant-gagnant avec les États-Unis, notamment sur les minéraux critiques et l’énergie, et ne pas diviser le marché nord-américain, a-t-il ajouté.
Cependant, il est difficile de définir clairement les prochaines étapes des négociations, car de nombreux points de décision doivent encore être pris en compte. Brian Clow, ancien responsable des relations Canada–États-Unis sous Justin Trudeau, estime que l’équipe Canada devra d’abord choisir son équipe de négociation (cabinet, personnel ministériel et composition diplomatique). Les deux parties devront ensuite démêler le processus : soit l’examen de l’ACEUM censé commencer en juin 2026 (lequel doit d’abord passer par une série de consultations publiques), soit une consultation plus informelle (une « poignée de main »), ou une combinaison des deux. Enfin, les deux pays devront décider de ce qui est effectivement sur la table des négociations. L’objectif du Canada est certes évident (mettre fin aux droits de douane et obtenir plus de certitude pour qu’une telle guerre commerciale ne se reproduise pas à l’avenir), mais le président Trump a formulé une litanie de griefs contre le Canada, et les deux pays devront se concentrer sur les « pierres d’achoppement de l’accord ». Les détails à ce sujet commencent à se préciser, restez à l’affût!
Le président Trump, les tarifs douaniers sur les automobiles et Mike Waltz
Quelques mots sur l’état des droits de douane imposés sur les véhicules cette semaine. Mardi, le président Trump a de nouveau changé de cap en accordant un répit temporaire à l’industrie automobile. « Nous voulions simplement les aider à faire face à cette petite transition, à court terme […] S’ils ne peuvent pas obtenir de pièces, vous savez que cela concerne un très faible pourcentage; s’ils ne peuvent pas obtenir de pièces, nous ne voulions pas les pénaliser », a déclaré M. Trump aux journalistes de la Maison-Blanche.
Plutôt que d’appliquer les droits de douane de 25 % prévus pour le mois de mai sur les pièces automobiles, les constructeurs automobiles qui terminent leurs véhicules aux États-Unis bénéficieront d’une remise sur les pièces importées à hauteur de 15 % du prix de détail du véhicule. Cette remise passera à 10 % l’année suivante.
En outre, le président Trump a signé un décret pour permettre aux entreprises qui paient des droits de douane sur les automobiles ne se voient pas imposer des droits de douane cumulés – les droits de douane sur l’acier et l’aluminium, par exemple, ne seront pas cumulés avec les droits de douane sur les pièces automobiles.
Jeudi, l’Agence des douanes et de la protection des frontières des États-Unis (US Customs and Border Protection) a publié un document d’orientation confirmant que les pièces automobiles conformes à l’ACEUM sont exemptées des tarifs américains.
Malgré cette précision récente, les turbulences constantes semblent peser sur les acteurs du secteur nord-américain de l’automobile.
Mike Waltz, le conseiller à la Sécurité nationale du président Trump qui a été au cœur du Signal Gate, quittera son poste. Le président l’a désigné comme le prochain ambassadeur des États-Unis à l’ONU. Le secrétaire d’État Marco Rubio assurera l’intérim, tout en conservant ses fonctions actuelles.