Le 23 août 2006, la Cour d'appel fédérale a publié sa décision dans l'affaire OT Africa Line, et al. v. Magic Sportswear Corp, et al., dont les incidences sont considérables pour le droit de l'amirauté.
La décision présente une analyse exhaustive du principe du forum conveniens et de son interaction avec les injonctions étrangères interdisant les poursuites.
La cause concernait un envoi de marchandises de la ville de New York à l'Afrique de l'Ouest. Le représentant de la société de navigation à Toronto a négocié, de son bureau de Toronto, le contrat de transport avec le transporteur, d'où le connaissement a été délivré. Les demanderesses ont allégué une livraison incomplète lors de l'arrivée de la marchandise et ont entamé une action devant la Cour fédérale, malgré le fait que le connaissement précisait que toute action devait être intentée devant la Haute Cour de justice de l'Angleterre, à Londres. Elles se sont fondées sur une disposition de la nouvelle Loi sur la responsabilité en matière maritime pour faire valoir leurs droits au Canada. Cette nouvelle loi élargissait considérablement le pouvoir de la Cour fédérale d'exercer sa compétence à l'égard des causes présentant un lien minimal avec le Canada.
Bill Hourigan et Robin Roddey de Fasken Martineau ont présenté une requête en suspension de l'instance canadienne au nom de la société de navigation défenderesse. Le conseiller juridique britannique du cabinet a présenté une requête auprès de la Haute Cour de l'Angleterre et a obtenu une injonction interdisant les poursuites. La Cour d'appel de l'Angleterre a confirmé cette décision en appel. La Chambre des lords n'a pas accordé l'autorisation.
Dans leur requête en suspension devant la protonotaire de la Cour fédérale, les demanderesses ont soutenu que la Loi sur la responsabilité en matière maritime exigeait que la Cour fédérale exerce sa compétence étant donné que l'envoi de marchandises avait fait l'objet d'un contrat conclu à Toronto. MM. Hourigan et Roddey ont fait valoir que la nouvelle loi accordait à la cour la compétence simpliciter et qu'elle réfutait la nature quasi définitive de la clause d'élection de for. Toutefois, ils ont soutenu que la cour conservait son pouvoir inhérent de contrôler son propre processus et de suspendre une instance lorsque cela est approprié.
La protonotaire a accepté notre argument selon lequel la cour conservait un pouvoir résiduel de suspendre les instances dans des cas appropriés et que la Loi sur la responsabilité en matière maritime n'obligeait pas la cour à exercer sa compétence. Cependant, en appliquant l'analyse classique du forum conveniens, la protonotaire a conclu que la cause devrait être entendue au Canada. Plus particulièrement, la cour a statué que malgré la clause d'élection de for et l'injonction interdisant les poursuites rendue par la cour anglaise, les défenderesses ont fait défaut de démontrer que l'Angleterre constituait un ressort clairement plus approprié pour résoudre le différend entre les parties. La décision a été confirmée en appel.
Les deux décisions ont soulevé un intérêt évident chez les avocats exerçant le droit de l'amirauté. Bien que la demande des défenderesses de suspendre l'instance ait été rejetée, la conclusion selon laquelle la cour conservait un pouvoir discrétionnaire résiduel de suspendre des instances au regard de la Loi sur la responsabilité en matière maritime a prêté le flanc à une critique généralisée.
La Cour d'appel fédérale a infirmé la décision de la protonotaire. Dans la longue décision de M. le juge Evans, la cour a accepté de nouveau les arguments de Fasken Martineau voulant que la Loi sur la responsabilité en matière maritime n'empêchait pas la cour de contrôler son propre processus et de suspendre des instances le cas échéant.
Contrairement aux tribunaux de juridiction inférieure toutefois, le juge Evans a soutenu que sur la base du principe du forum conveniens, la cause devrait être entendue en Angleterre plutôt qu'au Canada. M. le juge Evans a statué que la protonotaire et le juge de la Section de première instance ont fait défaut d'apprécier correctement l'importance du choix du ressort des parties, de l'acceptation de la compétence par la cour anglaise et de l'injonction interdisant les poursuites délivrée par cette cour. Eu égard à la courtoisie internationale, à l'évitement d'instances parallèles et aux préoccupations d'ordre pratique sur le caractère exécutoire éventuel d'un jugement, il devenait nécessaire de tenir compte de l'importance des procédures anglaises pour établir s'il était approprié ou non de permettre la poursuite d'une action canadienne.