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Ce que les conseillers juridiques américains doivent savoir sur les recours collectifs au Québec

Fasken
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Dix-huit questions et réponses

Q.1    André, mes clients ont reçu par courrier recommandé une « requête pour autorisation d'exercer un recours collectif » déposé auprès de la Cour supérieure du Québec. S'agit-il là d'une signification valide?

R.1     Il s'agit probablement d'une signification valide. L'article 138 du Code de procédure civile prévoit que la signification peut se faire par courrier recommandé dans certaines circonstances. Lorsque l'intimé est domicilié aux États-Unis, les avocats des demandeurs déposent habituellement une requête ex parte auprès du greffier ou du protonotaire de la Cour supérieure demandant l'autorisation de signifier la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif par courrier recommandé.

Ces autorisations sont couramment accordées. La mention de l'autorisation doit être inscrite sur la copie de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif. Dans un tel cas, aucun doute ne subsiste quant à la validité de la signification. Parfois, les avocats des demandeurs se contentent de mettre la copie de la requête demandant un mode spécial de signification avec une mention de l'approbation sur la page frontispice dans la même enveloppe contenant la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif. Dans un tel cas, la loi n'est pas strictement suivie à la lettre et, de ce fait, certains doutes subsistent quant à la validité de la signification.

Q.2    La requête fait mention de l'« autorisation » d'exercer un recours collectif. Est-ce la même chose qu'une « certification »?

R.2     Essentiellement, oui. Les critères employés par la Cour pour autoriser l'exercice d'un recours collectif sont énoncés à l'article 1003 du Code de procédure civile :

« 1003. Le tribunal autorise l'exercice du recours collectif et attribue le statut de représentant au membre qu'il désigne s'il est d'avis que :

a) les recours des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;

b) les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;

c) la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l'application des articles 59 ou 67; et que

d) le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres. »

Donc, comme vous pouvez le constater, il existe des similitudes et des différences par rapport aux règles américaines.

Nous utilisons le mot « autorisation » plutôt que « certification » étant donné qu'aucune poursuite sous-jacente ne sera certifiée comme étant un recours collectif. Si une requête pour autorisation d'exercer un recours collectif n'est pas accordée, l'affaire est terminée.

Q.3    La procédure est en français. Avons-nous droit à une traduction en anglais?

R.3     Non, les actes de procédure peuvent être déposés devant les tribunaux du Québec en français ou en anglais.

Les jugements de la Cour suprême du Canada et des cours fédérales du Canada sont publiés en français et en anglais. Certains arrêts de la Cour d'appel du Québec peuvent, à l'occasion, être traduits en anglais, notamment dans des affaires liées au droit des sociétés. Pour plus de détails à ce sujet, veuillez consulter le site www.jugements.qc.ca.

Si vous désirez obtenir une traduction d'un acte de procédure, la meilleure façon de procéder est d'entrer en contact avec notre service de traduction chez Fasken Martineau.

Notre service de traduction est composé de 14 traducteurs et réviseurs à l'interne qui possèdent tous des diplômes universitaires en traduction ou en droit et qui sont membres soit de l'ordre professionnel des traducteurs du Québec (OTTIAQ) ou du Barreau du Québec. Ils sont spécialisés en traduction juridique, nommément des jugements des tribunaux, des décisions administratives et des actes de procédure. Même si la majorité du travail se fait de l'anglais vers le français, deux traductrices se consacrent exclusivement à la traduction du français vers l'anglais, aidées à l'occasion de deux autres membres de l'équipe, ainsi que de traducteurs externes. De plus, afin d'assurer une qualité optimale à la fois du point de vue juridique et du point de vue linguistique, la traduction de documents de haut niveau fait toujours l'objet d'une révision intégrale par une deuxième personne qui est soit un traducteur chevronné, soit un avocat de notre équipe, ou les deux.

Vous pouvez communiquer avec M. Yannick Pourbaix au 514 397 7560 pour obtenir une estimation des coûts de traduction et de révision, ou par courriel à : ypourbaix@fasken.com.

Q.4    Un avis d'audience accompagne la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif. L'avis précise que nous devons nous présenter devant le tribunal dans huit semaines. Devons-nous réellement nous présenter devant le tribunal à cette date?

R.4     Non. Il ne s'agit que d'une audience pro forma. Ni le requérant, ni l'intimé ne se présenteront en cour à cette date. Étant donné qu'il s'agit d'un dossier 06 – soit une requête pour autorisation d'exercer un recours collectif – le greffier de la Cour supérieure transmettra le dossier au juge responsable de la Chambre des recours collectifs, l'honorable Louis Lacoursière.

Q.5    Qu'arrive-t-il ensuite?

R.5     En principe, le juge Lacoursière attendra quelques semaines pour donner le temps aux intimés de choisir un cabinet d'avocats pour les représenter. Lorsque les comparutions des cabinets d'avocats auront été déposées au dossier de la Cour, le juge Lacoursière convoquera une réunion de gestion de l'instance, soit à son bureau, soit par conférence téléphonique.

Généralement, il nous posera les trois questions suivantes :

1)    Avez-vous des objections quant à la compétence de la Cour supérieure à entendre la présente affaire?

Cette question nous est posée puisque dans certains domaines particuliers du droit, comme le droit lié aux régimes de retraite et aux avantages sociaux ou le droit du travail, la compétence pour entendre l'affaire est dévolue à un autre tribunal ou à une autre agence. Voir par exemple Bisaillon c. Université Concordia[1]. Les objections sur la compétence d'attribution de la Cour supérieure sont normalement décidées au début du litige. Si nous avons une objection en ce sens, il y aura généralement une audience du tribunal consacrée uniquement à cette question. Cependant, cette procédure n'est pas courante.

2)    Je prévois assigner monsieur le juge XYZ à la gestion de l'instance. Avez-vous une objection à cet égard?

Cette question nous est posée étant donné que les dossiers en recours collectifs sont assujetties à une gestion d'instance, c'est-à-dire qu'un juge est assigné par le juge Lacoursière pour entendre les requêtes préliminaires, le cas échéant, la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif et l'action en justice elle-même, si l'exercice du recours collectif a été autorisé.

Habituellement, nous ne formulons aucune objection quant à l'assignation du juge, sauf si ce dernier a déjà été à l'emploi du cabinet des avocats qui représentent les demandeurs.

3)    Avez-vous des demandes spéciales?

Dans la plupart des cas, nous préciserons que nous avons l'intention de déposer une requête en présentation d'une preuve appropriée conformément à l'article 1002 du Code de procédure civile[2].

Q.6    Qu'est-ce qu'une requête en présentation d'une preuve appropriée?

R.6     Au Québec, un intimé à une requête pour autorisation d'exercer un recours collectif ne peut se prévaloir du droit de déposer une contestation officielle et écrite de la requête et, puisque la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif n'a pas à être appuyée par une déclaration assermentée ou affidavit du requérant, il s'ensuit que l'intimé n'a pas le droit absolu d'interroger le requérant, ni de contredire les faits avancés par celui-ci.

La requête pour permission de présenter une preuve appropriée est le véhicule procédural que vous devez employer pour présenter votre vision des choses.

Q.7    Ce système soulèverait des préoccupations d'ordre procédural aux États-Unis. A-t-il été contesté pour motif de contravention au principe constitutionnel d'application régulière de la loi?

R.7     Oui, mais la contestation a échoué. Voir l'affaire New York Life Insurance Company v. Vaughan[3]. Dans cette affaire, New York Life Insurance prétendait que le système prévu à l'article 1002 du Code de procédure civile était incompatible avec l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne[4]. La Cour d'appel a rejeté cet argument.

Q.8    Comment cela fonctionne-t-il dans la pratique? Quand devons-nous déposer une requête de cette nature?

R.8     En pratique, nous laissons savoir aux avocats du requérant que nous demanderons la permission d'interroger leur client. Selon notre expérience, plus les avocats des demandeurs sont expérimentés, moins ils seront enclins à s'objecter à la tentative du requérant d'interroger leur client. Certains avocats de demandeurs, la plupart inexpérimentés ou de type idéologique, s'y objectent, ce qui signifie que nous devons demander au tribunal la permission d'interroger leur client.

Q.9    Ces permissions sont-elles difficile à obtenir?

R.9     À l'heure actuelle, la plupart des juges acceptent le fait que l'intimé a le droit de poser des questions au représentant éventuel du groupe pour vérifier s'il est en conflit d'intérêts. Si, par exemple, le requérant est un producteur laitier et qu'il désire agir pour le compte d'un groupe de consommateurs de produits laitiers, il est en conflit d'intérêts[5]. Voilà ce qui en est du critère de l'article 1003d) du Code de procédure civile.

Q.10   Peut-on poser des questions sur la taille du groupe?

R.10    Les questions sur les limites géographiques d'un groupe sont habituellement considérées comme appropriées. La description d'un groupe ne doit pas se faire de manière circulaire et les tribunaux désirent travailler avec une description de groupe qui est identifiable. Ils permettront que des questions soient posées à cet égard.

Q.11   Jusqu'à quel point pouvons-nous poser des questions sur le bien-fondé de l'affaire?

R.11    Le critère d'autorisation pertinent est précisé à l'article 1003b) du Code de procédure civile :

« Les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées ».

En d'autres termes, les requérants ont un fardeau relativement léger. Ils n'ont qu'à prouver la nature défendable de leur cause, si l'on tient pour acquis que les faits qu'ils ont présentés sont véridiques.

Q.12   Autre chose?

R.12    La plupart du temps, vous pouvez poser des questions au représentant proposé du groupe pour vérifier s'il est un représentant adéquat ou s'il est en conflit avec les intérêts du groupe.

Q.13   André, je me sens quelque peu découragé. Que pouvez-vous me dire qui pourrait m'encourager?

R.13    Deux choses peuvent vous remonter le moral. Premièrement, et c'est un élément de taille, nous n'avons pas de procès devant jury dans les causes civiles au Québec. Deuxièmement, les dommages-intérêts punitifs sont inférieurs et moins fréquents qu'aux États-Unis.

Nous vous suggérons de lire l'article 1621 du Code Civil du Québec :

« 1621. Lorsque la loi prévoit l'attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.

Ils s'apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l'étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers.»

Q.14   Y a-t-il de nombreuses lois qui prévoient des dommages-intérêts punitifs?

R.14    Il n'y en a pas beaucoup. Je peux citer l'exemple de la Loi sur la protection du consommateur[6].

Q.15   Quelle est la somme la plus importante accordée en dommages-intérêts punitifs au Québec?

R.15    La somme la plus importante a été 1 500 000 $ dans l'affaire Markarian c. Marchés Mondiaux CIBC inc.[7] Par la suite, il y a eu deux autres sommes encore plus élevées, soit 2 000 000 $ dans l'affaire Conseil pour la protection des malades c. Fédération des médecins spécialistes[8], et 2 500 000 $ dans l'affaire Hinse c. Québec (Procureur général)[9], mais ces deux affaires ont été portées en appel.

Q.16   André, le demandeur présente une demande pour qu'un groupe national de membres soit formé. Par contre, nous sommes poursuivis devant la Cour supérieure du Québec. Peut-on demander à ce que cette cause soit entendue par la Cour fédérale?

R.16    Un tel transfert ne peut se faire. Nos tribunaux fédéraux sont investis d'un pouvoir beaucoup plus restreint que les tribunaux fédéraux américains. Ce sont les cours supérieures provinciales qui à 99 % entendent les poursuites en matière de recours collectifs. La Cour fédérale ne dispose que d'une compétence limitée en droit de la concurrence et dans les poursuites contre le gouvernement fédéral.

Q.17   Comment est-il possible qu'un tribunal provincial puisse entendre un recours collectif de portée nationale?

R.17    Bonne question. Cette pratique est probablement inconstitutionnelle, mais la Cour suprême du Canada ne s'est pas encore penchée sur la question.

Q.18   Les juges sont-ils élus ou nommés?

R.18    Tous les juges de la Cour supérieure provinciale et des cours d'appel provinciales sont nommés par le ministre fédéral de la Justice. La même procédure s'applique pour les juges de la Cour suprême du Canada.

Ces juges sont nommés à vie mais doivent se retirer à l'âge de 75 ans.


[1]     [2006] 1 R.C.S. 666, 2006 CSC 19.

[2]     L'article 1002 du Code de procédure civile se lit comme suit :

« 1002. Un membre ne peut exercer le recours collectif qu'avec l'autorisation préalable du tribunal, obtenue sur requête.

La requête énonce les faits qui y donnent ouverture, indique la nature des recours pour lesquels l'autorisation est demandée et décrit le groupe pour le compte duquel le membre entend agir. Elle est accompagnée d'un avis d'au moins 10 jours de la date de sa présentation et signifiée à celui contre qui le requérant entend exercer le recours collectif; elle ne peut être contestée qu'oralement et le juge peut permettre la présentation d'une preuve appropriée. » [Nous soulignons].

[3]     [2003] J.Q. n° 89, J.E. 2003-296, REJB 2003-36932 (C.A.).

[4]     L.R.Q, ch C-12 . L'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne se lit comme suit :

« 23. Toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle.

Le tribunal peut toutefois ordonner le huis clos dans l'intérêt de la morale ou de l'ordre public. »

[5]     Il en était ainsi dans l'affaire Bouchard c. Agropur coopérative, [2006] R.J.Q. 2349 (C.A.).

[6]     L.R.Q., ch. P-40.1.

[7]     2006 QCCS 3314.

[8]     2010 QCCS 6094.

[9]     2011 QCCS 178.

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