Il existe de nombreuses bonnes raisons de faire appel à un entrepreneur indépendant dans le cadre de la planification des effectifs. Les entrepreneurs indépendants apportent bien souvent une expertise et des outils spécialisés, sans qu'un engagement à long terme ne soit nécessaire. Ils se parachutent facilement dans une organisation et la quittent aussi facilement, établissant leurs propres horaires, s'attaquant à de multiples projets et amenant même parfois leurs propres employés pour les aider. Toutefois, de plus en plus d'arbitres, d'avocats représentants des demandeurs et de législateurs s'opposent aux employeurs qui « classifient erronément » des employés en tant qu'entrepreneurs indépendants. De plus, certains arbitres ne semblent pas contrariés par fait qu'un particulier profite du statut d'entrepreneur indépendant (généralement tout au long de la relation) et qu'il revendique ensuite le statut d'employé lorsqu'il est avantageux de le faire (généralement à la fin de la relation). La conclusion qu'un employé (ou un groupe d'employés) a été erronément classifié peut occasionner une lourde responsabilité pour une organisation.
L'Ontario sévit à l'égard des employeurs qui classifient erronément des employés en tant qu'entrepreneurs indépendants dans le cadre de son projet de loi 148 : La Loi de 2017 pour l'équité en milieu de travail et de meilleurs emplois (le « projet de loi 148 ») qui modifie la Loi de 2000 sur les normes d'emploi (« LNE »). Par conséquent, il incombe dorénavant à l'employeur de prouver qu'un travailleur n'est pas un employé aux fins de la LNE. Cette nouvelle présomption fait qu'il sera encore plus difficile pour un employeur de faire face aux revendications de particuliers contestant leur statut d'entrepreneur indépendant en faveur de leur classification en tant qu'employé.
Entrepreneur indépendant ou employé? Renversement du fardeau de la preuve
Le projet de loi 148 renverse le fardeau de la preuve relatif à la classification erronée en vertu de la LNE. Cela veut dire que dans le cas où un entrepreneur ontarien prétend être un employé aux fins de la LNE, et qu'il réclame par conséquent avoir droit au paiement des heures supplémentaires, à l'indemnité de vacances ou à d'autres droits prévus par loi, il incombera à l'employeur de prouver que l'entrepreneur en question n'est pas un employé.
Au Canada, il existe plusieurs critères pour établir si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant : les adjudicateurs examinent la relation entre les parties dans son ensemble afin d'établir si le travailleur est véritablement un travailleur autonome. Les critères qui sont le plus souvent examinés sont les suivants :
- le contrôle de la personne morale sur l'exécution du travail de l'entrepreneur (par exemple, la question de savoir si une personne embauche sa propre main-d'œuvre ou établit les échéances ainsi que la façon dont les services sont rendus);
- la propriété du matériel nécessaire à l'exécution du travail;
- l'indépendance économique de l'entrepreneur par rapport à la personne morale;
- la véritable possibilité de réaliser un profit et le risque de pertes pour l'entrepreneur;
- l'intégration opérationnelle de l'entrepreneur au sein de la personne morale (ce critère comprend la question de savoir si la personne est constituée en personne morale).
Il peut être particulièrement difficile pour un employeur de prouver qu'un travailleur n'est pas un employé s'il n'a pas accès aux renseignements sur l'entreprise de l'entrepreneur, comme la question de savoir si un entrepreneur a d'autres sources de revenus ou quels outils ce dernier utilise pour exécuter le travail.
Les pénalités liées aux demandes portant sur des erreurs de classification en vertu de la Loi de 2000 sur les normes d'emploi de l'Ontario
La recommandation des conseillers spéciaux du gouvernement d'augmenter les pouvoirs proactifs d'application de la loi du ministère du Travail est l'une des recommandations adoptées par le gouvernement de l'Ontario dans le projet de loi 148. Ces mesures proactives comprennent des inspections éclair dans des secteurs particuliers afin d'assurer la conformité à la LNE, la réalisation d'inspections régulières dans les secteurs à haut risque et l'allocation de ressources supplémentaires afin de sensibiliser les employés et les employeurs à l'égard de leurs droits et obligations en vertu de la LNE. Pour atteindre cet objectif, l'Ontario a annoncé son intention d'embaucher 175 agents des normes d'emploi supplémentaires pour l'aider dans ses efforts d'application de la loi et d'augmenter les sanctions pécuniaires imposées aux employeurs qui ne la respectent pas dans le cadre des modifications récentes apportées aux règlements pris en application de la LNE.
Les employeurs qui sont reconnus coupables d'avoir contrevenu à la LNE par un agent des normes d'emploi à l'égard de la classification erronée d'un employé à titre d'entrepreneur indépendant sont passibles de pénalités de 350 $, de 700 $ et de 1 500 $ pour la première, la deuxième et la troisième contravention ou plus, respectivement. Dans le cas où une contravention à la LNE touche plus d'un employé, les pénalités décrites ci-dessus seront multipliées par le nombre d'employés concernés. Les employeurs qui contreviennent à la LNE risquent également d'être poursuivis. S'ils sont trouvés coupables, les amendes varient entre 50 000 $ et 500 000 $ selon que la condamnation s'applique à un particulier ou à une personne morale et qu'il s'agit de la première, de la deuxième ou de la troisième infraction.
En plus des pénalités pécuniaires, le projet de loi 148 donne au ministère du Travail le pouvoir de publier le nom des employeurs qui omettent de se conformer à la LNE. Cette liste accessible au public comprendra le nom de l'employeur, la date et la description de la contravention, ainsi que la pénalité exigée.
À retenir pour les employeurs
La classification erronée des entrepreneurs peut mener à une lourde responsabilité pour les employeurs, car les particuliers concernés peuvent réclamer le droit à une indemnité de vacances, à la rémunération des jours fériés, à la rémunération des heures supplémentaires, à l'indemnité de licenciement et à l'indemnité de cessation d'emploi, entre autres. Tous ces droits sont considérés être les droits de véritables « employés » en vertu de la législation sur les normes d'emploi. De plus, il peut également y avoir des conséquences à l'égard des impôts non versés, du Régime de pension du Canada, de l'assurance-emploi, des impôts-santé ou du régime d'assurance-maladie gouvernemental et des primes d'assurance contre les accidents du travail dans certains cas. De surcroît, les « employés » et les « entrepreneurs dépendants » pourraient avoir certains droits en vertu de la common law au moment de la cessation d'emploi. Les modifications récentes apportées au projet de loi 148 devraient augmenter le manque d'impartialité passé en faveur de l'établissement du statut d'employé.
Afin de réduire les risques de classification erronée en tant qu'entrepreneur indépendant, les employeurs sont encouragés à adopter une approche proactive, notamment en réexaminant les relations existantes, et à prendre les mesures qui suivent :
- une évaluation des relations d'entrepreneur indépendant afin d'établir leur véritable statut en tant qu'employé ou entrepreneur indépendant;
- un réexamen des contrats d'entrepreneur indépendant à l'égard des risques potentiels;
- une analyse des prochaines étapes lorsqu'il est établi qu'un particulier a été classifié erronément en tant qu'entrepreneur indépendant – ce qui peut comprendre l’embauche du particulier en tant qu'employé.
Les changements apportés à la LNE de l'Ontario traduisent une préoccupation croissante parmi les législateurs à l'échelle du Canada à l'égard des employés et des employeurs qui exercent leurs activités à l'extérieur du cadre employeur-employé traditionnel. Avec ces changements, nous devrions constater une augmentation du nombre d'actions relatives à une classification erronée intentées contre des employeurs en vertu de la législation sur les normes du travail et ces actions devraient progresser plus rapidement en raison de l'augmentation considérable du nombre d'agents d'application de la loi. Il faut également s'attendre à ce qu'il y ait une augmentation dans le nombre de demandes similaires de la part d'avocats représentant des demandeurs, notamment des recours collectifs, au fur et à mesure que d'autres affaires semblables sont diffusées dans les médias d'information canadiens et américains.