Comment en est-elle arrivée à cette conclusion et quel impact cette décision aura-t-elle sur les employeurs qui ont une entreprise au Québec?
Contexte
En 1996, le Gouvernement du Québec adopte la Loi sur l’équité salariale, le tout dans l’objectif de remédier à la discrimination salariale systémique dont sont victimes les femmes. La Loi imposait aux employeurs des obligations continues afin de mesurer et de corriger les iniquités salariales dans les emplois à prédominance féminine.
Plus particulièrement selon les articles 40 à 43 de la Loi, maintenant abrogés, les employeurs avaient l’obligation continue de maintenir l’équité salariale et de faire les ajustements lorsque nécessaire.
En 2009, devant la constatation de l’ampleur du non-respect de la Loi, le Gouvernement du Québec a modifié les obligations des employeurs en vertu de la Loi. Parmi ces modifications, le gouvernement a i) aboli l’obligation continue de maintenir l’équité salariale, ii) exigé des évaluations du maintien de l’équité salariale tous les cinq ans et iii) empêché l’octroi de réparations rétroactives pour les périodes comprises entre les évaluations du maintien.
Suite à ces changements, un regroupement d’associations syndicales ont contesté les nouveaux articles 76.3, 76.5 et 103.1, al. 2 de la Loi.
L’article 76.3 de la Loi ne prévoit pas que l’affichage de l’évaluation du maintien faite par l’employeur doit contenir la date à laquelle l’iniquité est apparue.
De son côté, l’article 76.5 de la Loi prévoit que les ajustements salariaux s’appliquent à compter de la date de l’affichage des résultats de l’évaluation du maintien. Accessoirement, la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail ne peut déterminer des ajustements salariaux antérieurs à la date de l’affichage (103.1 al. 2). Seule une preuve selon laquelle un employeur avait agi de mauvaise foi, de façon discriminatoire ou arbitraire peut faire en sorte que les correctifs soient appliqués de façon antérieure à l’affichage.
En 2014, la Cour supérieure du Québec a conclu que les articles 76.5 et 76.3 de la Loi portaient atteinte à l’article 15 (1) de la Charte puisque discriminatoires. La déclaration d’invalidité a été suspendue pour une période d’un an.
En 2016, la Cour du d’appel du Québec a confirmé la décision de la Cour supérieure selon laquelle les articles 76.3 et 76.5 de la Loi sont invalides. De plus, la Cour d’appel a également conclu que l’article 103.1 al. 2 violait lui aussi l’article 15(1) de la Charte.
La décision
Aux yeux de la majorité de la CSC, les dispositions sous étude portent atteinte à l’article 15(1) de la Charte et perpétuent le désavantage historique des femmes au niveau de la rémunération. La CSC explique que les articles sous étude ont effectivement un effet discriminatoire puisque les iniquités salariales qui apparaissent au cours de la période de cinq ans comprise entre les évaluations restent non corrigées jusqu’à la prochaine période d’évaluation. Ainsi, les ajustements salariaux sont payables uniquement pour l’avenir. Cela a donc pour effet de rendre « épisodique et partielle » les obligations des employeurs en matière d’équité salariale.
Selon la CSC, en vertu du présent régime, les employeurs doivent afficher les résultats de l'évaluation du maintien, mais pas la date à laquelle est apparue l'iniquité, ce qui empéche de savoir quand les ajustements salariaux auraient dû être faits. Les salariés n'ont donc pas accés aux éléments de preuve d'établir la mauvaise foi de l'employeur et ainsi obtenir le versement rétroactif d'ajustements salariaux.
Les iniquités qui apparaissent avant l'évaluation de maintien suivante ne seront donc pas susceptibles de correction, sauf lorsque les demandeurs peuvent prouver qu'il y a eu une discrimination intentionnelle de la part de l'employeur.
En définitive et toujours selon la CSC, les employeurs se voient donc octroyer une certaine amnistie eu égard à une possible discrimination entre les périodes d’évaluation.
Conséquences de la décision
Le Gouvernement du Québec a un délai d’un an pour amender la Loi en fonction de la décision rendue par la CSC. Il sera certes intéressant de voir les modifications qui seront apportées à la Loi, lesquelles modifications auront manifestement pour effet d’imposer des obligations plus lourdes aux employeurs en matière d’équité salariale.
En effet, les employeurs ayant des entreprises au Québec devront vraisemblablement faire un suivi étroit de tout changement au niveau de leur structure de rémunération afin de pouvoir identifier le moment où l’iniquité réapparait au sein de l’entreprise.
Nous vous informerons de tout développement concernant les changements éventuels à la Loi.
[1] Québec (Procureure générale) c. Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, 2018 CSC 17.
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