Introduction
L’explosion de la demande de services Internet et d’applications d’intelligence artificielle (IA) à l’échelle mondiale a entraîné une augmentation rapide du volume de données consommées, qui sont stockées et traitées dans de vastes centres de données remplis de serveurs et de disques durs. Les applications d’IA, comme ChatGPT, par exemple, consomment énormément de ressources énergétiques pour répondre aux demandes de plus en plus complexes des utilisateurs.
Pour garantir un accès ininterrompu, les centres de données doivent fonctionner en permanence, ce qui entraîne une très grande consommation d’énergie afin d’alimenter les serveurs, les systèmes CVC, les génératrices de secours et d’autres infrastructures critiques.
La demande pour des centres de données et, par conséquent, la demande en énergie ont connu une croissance fulgurante.
L’Alberta est rapidement devenue un endroit attrayant pour l’installation de centres de données. À l’heure actuelle, la liste de projets de l’Alberta Electric System Operator (l’« AESO ») compte au moins 16 projets totalisant 8 659 MW. Et ce chiffre ne tient pas compte des projets qui prévoient s’approvisionner en dehors du réseau électrique provincial. Ces types de projets sont d’ailleurs de plus en plus nombreux en Alberta.
Pourquoi l’Alberta?
L’Alberta est l’un des meilleurs endroits pour installer de nouveaux centres de données, et ce, pour plusieurs raisons. En voici quelques-unes :
- Approvisionnement fiable en électricité : La plupart des centres de données nécessitent une alimentation électrique vingt-quatre heures sur vingt-quatre. L’abondance du gaz naturel en Alberta et la capacité de cette province à produire de l’énergie renouvelable lui permettent d’offrir un approvisionnement en électricité fiable et évolutif aux centres de données à forte consommation d’énergie.
- Déréglementation du marché de l’électricité : En Alberta, le marché de l’électricité est ouvert et déréglementé, et donc concurrentiel. Ainsi, plutôt que de dépendre uniquement des services publics, les promoteurs peuvent négocier les contrats d’achat d’électricité avec les producteurs indépendants de leur choix. Grâce à cette flexibilité, les promoteurs peuvent « acheminer leur propre électricité » (plutôt que de se connecter au réseau provincial), une approche que le gouvernement de l’Alberta promeut activement.
- Climat favorable : Les systèmes de refroidissement sont essentiels pour améliorer la performance et l’efficacité des centres de données. Et bien que ces systèmes nécessitent de grandes quantités d’énergie, le climat plus froid et les ressources naturelles de l’Alberta jouent un rôle important dans la réduction des coûts de refroidissement. La province dispose notamment d’une importante réserve d’eau qui peut être utilisée pour alimenter les technologies de refroidissement et, de ce fait, réduire les coûts d’exploitations et l’empreinte environnementale.
- Coût des terrains : En Alberta, le coût d’acquisition des terrains est inférieur à celui d’autres territoires concurrents, sans oublier les vastes étendues de terres rurales disponibles.
- Taux d’imposition concurrentiels : Les taux d’imposition des sociétés de l’Alberta comptent parmi les plus bas au Canada, ce qui en fait une destination attrayante et stratégique pour y investir dans des centres de données.
Quatre considérations clés pour établir des centres de données en Alberta
Tandis que la demande pour les centres de données ne cesse d’augmenter et que l’Alberta consolide sa position comme endroit stratégique pour l’aménagement et l’exploitation de ces centres, les promoteurs, les exploitants et les investisseurs doivent, d’un point de vue pratique, tenir compte des facteurs suivants :
- la disponibilité de l’électricité;
- les règles relatives à la propriété sous contrôle étranger;
- l’aménagement du territoire et le zonage;
- la consultation et la mobilisation des Autochtones.
1) Disponibilité de l’électricité
L’AESO gère et exploite le réseau électrique de l’Alberta. Pour utiliser l’électricité du réseau, un centre de données doit d’abord en faire la demande à l’AESO. En raison des limites de l’infrastructure existante et des longs délais de connexion, ce processus peut prendre entre 18 et 24 mois. C’est pourquoi de nombreux promoteurs envisagent des solutions dites « à l’intérieur des limites d’une installation ».
Si un centre de données souhaite produire sa propre électricité – c’est-à-dire que la totalité de l’électricité provient de l’intérieur des limites de l’installation sans qu’il soit nécessaire de se raccorder au réseau électrique principal – il doit alors suivre le processus établi à cette fin. Cela dit, même s’il va de l’avant avec ce processus, le centre de données devra tout de même satisfaire aux exigences en matière de présentation de données de l’AESO afin de garantir une surveillance adéquate de son système.
La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a insisté sur la nécessité pour les centres de données de produire ou d’acheminer leur propre électricité afin d’assurer la fiabilité et la rentabilité du réseau électrique de la province. C’est pourquoi les promoteurs cherchent à s’associer à des producteurs d’électricité en vue de répondre à cette demande (notamment, au moyen d’installations de traitement de gaz naturel sur place). Dans certains cas, les promoteurs se tournent également vers l’énergie renouvelable.
Si un promoteur choisit de produire sa propre électricité dans les limites de l’installation, l’aménagement de la centrale électrique sera régi par l’Alberta Utilities Commission (l’« AUC »). La plupart des promoteurs sont tenus de soumettre une demande pour de nouvelles centrales électriques à l’AUC. Cependant, certaines exemptions peuvent s’appliquer aux centrales dont la capacité de production est inférieure à 5 MW. Les demandeurs doivent consulter les groupes autochtones, les propriétaires fonciers, les communautés locales et d’autres parties prenantes avant de déposer une demande. L’AUC peut tenir une audience publique avant d’approuver une demande visant une nouvelle centrale électrique si les parties susceptibles d’être directement et défavorablement touchées par le projet soulèvent des préoccupations non résolues. De plus, les promoteurs de centrales électriques dont la capacité est supérieure à 1 MW doivent obtenir une approbation de l’Alberta Environment and Protected Areas (l’« AEPA ») en vertu de l’Environmental Protection and Enhancement Act (une « approbation en vertu de l’EPEA»). Une approbation en vertu de l’EPEA est requise pour construire, exploiter ou remettre en état une centrale électrique de plus de 1 MW. L’AEPA réglemente également les obligations de remise en état lorsqu’une centrale est mise hors service.
2) Règles relatives à la propriété sous contrôle étranger
La sélection et l’acquisition de terrains sont essentielles à l’établissement de centres de données. Bien qu’en Alberta, il existe d’immenses parcelles de terres rurales pouvant accueillir les plus grands centres de données, certaines restrictions prévoient qui peut acheter des terres non urbaines et à quelles fins elles peuvent être utilisées.
Au moins deux mesures législatives importantes doivent être prises en considération : d’abord, le Règlement sur la propriété de terres appartenant à des étrangers (le « Règlement »), puis sa loi habilitante, la Agricultural and Recreational Land Ownership Act.
Le Règlement a été conçu pour surveiller l’acquisition de terrains réglementés par des citoyens étrangers et des sociétés sous contrôle étranger; il prévoit notamment des restrictions sur ces acquisitions, ainsi que certaines exemptions.
Définitions importantes :
- « terrain réglementé » désigne les terres situées en Alberta, mais n’inclut pas i) les terres de la Couronne du chef de l’Alberta, ii) les terres à l’intérieur des limites d’une métropole, d’une ville ou d’une banlieue, d’un village ou d’une station d’été et iii) les mines et les minéraux.
- « société sous contrôle étranger » désigne i) une société constituée ailleurs qu’au Canada, ii) une société dont le pourcentage de propriété sous contrôle étranger est de 50 % ou plus ou iii) une société dont moins des 2/3 des administrateurs sont des citoyens canadiens ou des résidents permanents.
- « personne inéligible » désigne i) un individu qui n’est ni un citoyen canadien ni un résident permanent, ii) le gouvernement d’un pays autre que le Canada ou une sous-division politique d’un pays autre que le Canada, ou une agence d’un tel gouvernement ou d’une sous-division politique, ou iii) une société constituée en société ailleurs qu’au Canada.
Bien que, dans certaines circonstances, l’application du Règlement puisse être complexe, de manière générale, une société sous contrôle étranger ne pourra pas acheter (directement ou indirectement) une participation dans un terrain réglementé d’une superficie de plus de 20 acres. Cette interdiction générale est assujettie à certaines exemptions énumérées dans le Règlement, dont certaines peuvent s’appliquer aux centres de données. Voici quelques exemples :
Le Règlement n’interdit pas l’acquisition d’une participation dans un terrain réglementé pour la construction et l’exploitation de centrales électriques. Cette exemption peut s’avérer fort utile si le promoteur a l’intention de produire sa propre énergie grâce à l’exploitation d’une installation de traitement de gaz naturel.
- Le Règlement n’interdit pas l’acquisition d’une participation dans un terrain réglementé en vue d’y établir une installation industrielle dont la superficie ne dépasse pas 80 acres (par installation).
- Une personne inéligible ou une société sous contrôle étranger peut acquérir une option d’achat d’un terrain réglementé pour une période maximale d’un an en attendant qu’elle devienne admissible aux termes du Règlement.
- Si aucune exemption reconnue ne s’applique, le lieutenant-gouverneur en conseil peut exempter de l’application du Règlement toute transaction ou tout achat impliquant des terrains réglementés par un décret. Il est possible d’accorder un décret si le projet est jugé avantageux sur le plan économique pour l’Alberta. C’est à cette fin, d’ailleurs, que le gouvernement de l’Alberta a fortement soutenu l’aménagement de centres de données et a indiqué qu’il souhaitait réduire les formalités administratives s’y rapportant.
3) Aménagement du territoire et zonage
Avant d’établir un centre de données en Alberta, les promoteurs demandent généralement une confirmation selon laquelle la réglementation municipale sur le zonage et l’aménagement du territoire permettent l’établissement de centre de données à l’emplacement choisi.
Comme l’exploitation de centres de données suppose une consommation d’énergie importante, des infrastructures industrielles et un risque de pollution sonore causée par les méthodes de refroidissement, les règles de zonage ne permettent pas l’établissement de tels centres sur tout terrain. En outre, les projets à grande échelle peuvent nécessiter des consultations environnementales supplémentaires, surtout dans les zones écosensibles.
Dans le cas des terrains dont le zonage ne permet pas une telle utilisation, il peut être nécessaire d’obtenir des approbations de zonage particulières, obligeant ainsi les promoteurs à communiquer avec les autorités municipales dès le début afin de déterminer les délais d’approbation. Lorsqu’un changement de zonage est nécessaire, la procédure de consultation et d’approbation peut être longue et prendre entre 6 et 12 mois, voire plus.
4) Consultation et mobilisation des Autochtones
L’Alberta compte plusieurs nations et peuples autochtones. La réalisation de tout projet de centre de données nécessite un engagement approprié auprès des communautés autochtones concernées.
Il est possible que le gouvernement de l’Alberta ou du Canada doive prendre des décisions relatives à la gestion des terres et des ressources naturelles pouvant nuire à l’exercice des droits autochtones. Une telle situation peut alors déclencher l’obligation de consulter les peuples autochtones. L’approbation d’une demande de centrale électrique par l’AUC, par exemple, entraîne souvent l’obligation de consulter. Dans tous les cas, il est recommandé d’obtenir des conseils juridiques sur les éléments déclencheurs potentiels et l’étendue de la consultation requise dès le départ.
Non seulement les communautés autochtones doivent pouvoir exercer leurs droits, mais leur implication dès le début d’un projet de centre de données est nécessaire pour établir des relations de confiance, lesquelles auront une incidence positive sur l’avancement du projet. Une véritable mobilisation des communautés autochtones favorise la collaboration, la confiance et d’éventuelles occasions de partenariat, renforçant ainsi les chances de réussite du projet à long terme.
Conclusion
Les ressources énergétiques, le cadre réglementaire et l’environnement propice aux affaires de l’Alberta en font un endroit stratégique et attrayant pour l’installation de centres de données. Cela dit, pour mener à bien un tel projet, il est essentiel de bien comprendre les exigences en matière d’alimentation électrique, les règles relatives à la propriété foncière, les lois sur l’aménagement du territoire, ainsi que la mobilisation des peuples autochtones.