N’écartez pas cette option pour structurer votre investissement transfrontalier de manière efficace sur le plan fiscal.
Co-écrit avec:
Introduction
Les États-Unis et le Canada, partageant la plus longue frontière du monde, entretiennent des liens politiques et culturels forts, et un degré d’intégration économique sans précédent, lequel est également partagé avec le Mexique. Les deux pays sont mutuellement les plus grands marchés d’exportation, et les investissements directs des États-Unis au Canada se sont élevés à 618,2 milliards de dollars en 2023, soit 45,7 % du total des investissements étrangers.
La planification des entreprises et de la fiscalité est un aspect essentiel des acquisitions et des investissements transfrontaliers. Les « sociétés à responsabilité illimitée », ou « SRI » constituent une structure d’entreprise typiquement canadienne à laquelle les acheteurs ou les investisseurs américains potentiels peuvent avoir accès.
Les SRI sont traitées de la même manière que les sociétés à responsabilité limitée « normales » du point de vue de l’impôt du Canada, c’est-à-dire comme des sociétés imposables. Or, du point de vue de l’impôt fédéral des États-Unis, elles représentent des véhicules corporatifs potentiellement intéressants, car elles sont traitées comme des entités « intermédiaires » ou « fiscalement transparentes », telles que des sociétés de personnes ou des entités transparentes (disregarded entities, c.-à-d. des succursales). Les SRI sont un type d’entité très flexible sur le plan fiscal américain, car elles sont considérées comme des « entités admissibles » (eligible entities) qui peuvent également choisir d’être catégorisées comme des sociétés aux fins du calcul de l’impôt fédéral des États-Unis.
Au Canada, les SRI peuvent être constituées sous le régime des lois sur les sociétés de quatre des dix provinces : la Colombie-Britannique (en anglais seulement) (la « C.-B. »), l’Alberta (en anglais seulement), l’Île-du-Prince-Édouard (en anglais seulement) (l’« Î.-P.-É. ») et la Nouvelle-Écosse (en anglais seulement) (la « N.-É. »). En C.-B. seulement, il existe actuellement environ 5 000 SRI.
Compte tenu de cet éventail d’options de structures corporatives dans les différentes provinces, le présent bulletin donne un aperçu général des SRI, de leurs aspects communs et de leurs différences entre les provinces, ainsi que de leurs avantages ou inconvénients potentiels concernant la planification des investissements et de la fiscalité aux États-Unis.
Les SRI – définition
L’aspect unique des SRI (unlimited liability corporations ou unlimited liability companies, ou unlimited companies en N.-É.), comme le terme l’indique, est que leurs actionnaires et, dans certaines circonstances, leurs anciens actionnaires, sont responsables des dettes et des obligations de la SRI, ce qui contraste avec l’un des aspects fondamentaux des sociétés par actions d’aujourd’hui, à savoir qu’aucun actionnaire n’est personnellement responsable des dettes, obligations, fautes ou actes de la société en question. L’étendue de la responsabilité des actionnaires des SRI varie d’une province à l’autre.
Néanmoins, les SRI conservent leur propre personnalité juridique et sont traitées comme des sociétés aux fins du calcul de l’impôt sur le revenu des sociétés au Canada. Les règles relatives au capital autorisé, à l’acquisition des actions, aux autres opérations d’entreprise, aux droits et recours des actionnaires, aux pouvoirs et responsabilités des administrateurs et à la responsabilité financière sont généralement les mêmes pour les SRI et les autres sociétés par actions. En outre, aucune des quatre provinces autorisant les SRI n’exige que les administrateurs résident au Canada.
Une SRI peut être issue d’une constitution en personne morale, d’une fusion ou d’une conversion et, dans certains cas, d’une prorogation depuis une autre province. Toutefois, comme indiqué ci-dessous, certaines restrictions s’appliquent à ces changements fondamentaux.
La responsabilité des actionnaires et des anciens actionnaires
L’un des principaux aspects de toutes les SRI canadiennes est la responsabilité des actionnaires (ou des membres en N.-É.) et des anciens actionnaires. Cependant, l’étendue de cette responsabilité est différente dans les quatre provinces autorisant ce type de société.
En Alberta et à l’Î.-P.-É., les actionnaires sont immédiatement et directement responsables envers les créanciers des obligations, des actes ou des fautes de la SRI au moment où ceux-ci surviennent. Cette responsabilité est solidaire, de sorte que les créanciers peuvent demander réparation à la SRI et à tous ses actionnaires, ou à l’un d’entre eux. Les anciens actionnaires demeurent aussi solidairement responsables – pendant une période de deux ans à compter de la date à laquelle leur rôle a pris fin – des actes, des obligations ou des fautes de la SRI qui existaient au moment où ils ont cédé les actions qu’ils détenaient de la société.
En revanche, en C.-B. et en N.-É., la responsabilité des actionnaires est plus limitée, bien qu’également solidaire. En C.-B., les actionnaires seraient responsables du paiement des dettes ou des obligations de la SRI en cas de déficit de l’actif lors de la liquidation ou, dans le cas d’une dissolution sans liquidation, de toutes les dettes ou obligations restantes après la dissolution. En N.-É., les actionnaires doivent contribuer suffisamment à l’actif de la SRI en cas de liquidation afin de payer les dettes et les obligations de la société, les coûts de la liquidation et tout prix d’émission impayé des actions.
Les anciens actionnaires sont également traités de la même manière en C.-B. et en N.-É.. Ils ne sont pas responsables des dettes ni des obligations de la SRI si leur rôle a pris fin au moins un an avant le début de la liquidation ou la date de dissolution (en C.-B.), ou avant le début de la liquidation (en N.-É.). Les dettes et les obligations survenant après qu’ils ont cessé d’être actionnaires de la SRI sont exclues de cette responsabilité. Même si les anciens actionnaires ont disposé de leurs actions moins d’un an avant la liquidation ou la dissolution, la responsabilité ne s’applique pas en C.-B. et en N.-É., à moins que le tribunal concerné ne conclue que les actionnaires actuels de la SRI ne seraient pas en mesure de régler les dettes et les obligations.
La conversion ou la fusion d’une société en SRI
Comme souligné plus haut, une SRI peut être issue non seulement d’une constitution en société, mais aussi de la conversion d’une société par actions existante ou d’une fusion avec une ou plusieurs autres sociétés par actions.
Puisque les actionnaires deviennent responsables des dettes et des obligations de la SRI à la suite d’une conversion ou d’une fusion, la C.-B. et la N.-É. exigent l’approbation unanime de tous les actionnaires, ce qui protège les actionnaires minoritaires d’une prise en charge involontaire d’une telle responsabilité. De leur côté, l’Alberta et l’Î.-P.-É. n’exigent que des résolutions extraordinaires (ou deux tiers des votes) pour autoriser la conversion ou la fusion en SRI. La C.-B. impose également certaines restrictions aux fusions de sociétés étrangères (autres que des sociétés de la province) avec des SRI de la C.-B. ou aux fusions formant de telles SRI. Par conséquent, les structures d’entreprise souhaitées sont habituellement réalisées en deux étapes : d’abord, la prorogation de la société étrangère en C.-B., puis la fusion ou la conversion immédiate.
Il est également possible de convertir ou de fusionner une SRI en une société à responsabilité limitée. Dans un tel cas, les actionnaires doivent savoir qu’ils demeurent généralement responsables des dettes et des obligations de la société du temps où elle était une SRI.
En règle générale, ni la prorogation d’une société d’une autre province canadienne ni la conversion d’une société à responsabilité limitée en SRI ne sont considérées comme une « opération qui génère un impôt » aux fins de l'impôt sur le revenu au Canada.
Si la société canadienne a déjà des actionnaires américains, il convient de s’assurer que la conversion ou la fusion en SRI n’est pas considérée comme une opération imposable aux fins du calcul de l’impôt fédéral des États-Unis.
Les prorogations impliquant des SRI
Les SRI peuvent également être formées par la transition ou la « prorogation » d’une société existante depuis une province n’autorisant pas les SRI, à une qui les autorise. La société initiale existe toujours, mais elle est maintenant régie par les lois de la province où elle est prorogée.
La prorogation (importation)
L’Alberta, la N.-É. et l’Î.-P.-É. autorisent la prorogation directe des sociétés en SRI à partir d’une autre province. En C.-B., le même processus se fait généralement en deux étapes : d’abord la prorogation, puis la conversion en SRI, comme mentionné plus haut. Les SRI de l’Alberta et de la N.-É. peuvent suivre une procédure de prorogation simplifiée.
La province d’origine de la société doit autoriser la prorogation vers une autre province. Par exemple, la N.-É. n’autorise pas la prorogation (exportation) d’une SRI vers l’Alberta ou l’Î.-P.-É., car cela porterait préjudice aux actionnaires en raison du régime de responsabilité des actionnaires plus étendu en Alberta. Dans le cas d’une prorogation vers une autre province, une résolution extraordinaire des membres est requise, et le registraire doit être convaincu que la prorogation proposée ne portera pas préjudice aux créanciers ou aux membres de la SRI prorogée.
Les avis aux actionnaires et au public concernant la responsabilité illimitée
L’une des caractéristique commune dans l’ensemble des provinces canadiennes consiste à informer les actionnaires actuels et futurs, ainsi que le public, sur la nature des SRI. En C.-B., à l’Î.-P.-É. et en Alberta, le nom d’une SRI doit se terminer par la désignation « société à responsabilité illimitée » (unlimited liability company en C.-B. ou unlimited liability corporation à l’Î.-P.-É. et en Alberta) ou « SRI » (ULC). De plus, aucune autre personne ne peut exercer ses activités dans ces provinces avec une dénomination sociale, une raison sociale ou un nom commercial contenant ces désignations. De son côté, la N.-É. autorise d’autres désignations de sociétés ou leurs équivalents français (à savoir « société à responsabilité illimitée / unlimited liability company », « SRI / ULC », « Société / Corporation; Company » ou « Corp.; Co. »).
De même, en C.-B., à l’Î.-P.-É. et en Alberta, les actes constitutifs d’une SRI doivent contenir une déclaration indiquant que les actionnaires sont solidairement responsables. Le libellé exact est prescrit par la loi sur les sociétés applicable et est ajouté dans le cours normal dans le cadre du processus de constitution en société, de fusion, de prorogation ou de conversion formant une SRI dans chacune de ces trois provinces.
Par mesure de précaution supplémentaire, la C.-B., l’Alberta et l’Î.-P.-É. exigent que les avis concernant la responsabilité illimitée des actionnaires figurent bien en vue sur les certificats d’actions émis par une SRI. La N.-É. n’a pas adopté de telles mesures de protection à l’endroit des actionnaires.
Les coûts d’établissement et de maintien en activité d’une SRI
Les frais d’enregistrement des registraires d’entreprises pour l’établissement d’une SRI (que ce soit par constitution en société, par conversion, par fusion ou par prorogation) varient considérablement d’une province à l’autre. Au moment de la rédaction du présent bulletin, les frais les plus bas étaient ceux de l’Î.-P.-É., suivie de l’Alberta et de la C.-B., et se situaient entre un peu plus de 200 $ et 1 000 $. Les coûts annuels de maintien en activité et les autres frais d’enregistrement sont comparables dans les trois provinces et sont bien inférieurs à 100 $.
Seule la N.-É. impose une taxe particulière aux SRI, à payer au moment d’établir la société, puis chaque année lors du renouvellement de l’enregistrement. Compte tenu du montant d’environ 1 145 $ par enregistrement en 2024, il est de loin plus coûteux d’établir et de maintenir en activité une SRI en N.-É.
Les incidences fiscales aux États-Unis liées à l’utilisation de SRI
Le cadre de classification des entités aux États-Unis
Sous le système fiscal américain, la classification des entités non américaines (dites « étrangères ») est régie par des critères précis figurant dans les règlements du département du Trésor. Le principal facteur qui détermine cette classification est la question de savoir si l’entité offre une responsabilité limitée à ses propriétaires. Selon l’article 301.7701-3 du règlement du département du Trésor, une entité admissible étrangère est classée comme suit :
- elle est une société de personnes (partnership) si elle compte au moins deux associés et qu’au moins l’un d’entre eux n’a pas de responsabilité limitée;
- elle est une association (imposable comme une société) si tous les membres ont une responsabilité limitée;
- elle est une entité transparente (disregarded entity), c’est-à-dire qu’elle est considérée comme une entité indissociable de son propriétaire si elle a un seul propriétaire et que celui-ci ne dispose pas d’une responsabilité limitée.
Considérant ce qui précède, une entité étrangère ayant au moins un propriétaire disposant d’une responsabilité illimitée peut être classée comme une société de personnes ou une entité transparente, à moins qu’elle ne soit considérée comme une société per se (« en soi ») au sens du paragraphe 301.7701-2b)8). Par exemple, une « société » (corporation ou company) constituée au Canada est une société per se, c’est-à-dire qu’elle est automatiquement classée comme une société au sens des règles fiscales américaines (une société à responsabilité illimitée, toutefois, n’est pas une société per se).
Si une entité étrangère n’est pas classée comme une société per se au sens du paragraphe 301.7701-2b)8), elle a la possibilité de faire un choix quant à sa classification. Autrement dit, elle peut choisir d’être traitée comme une société, une société de personnes ou une entité transparente aux fins du calcul de l’impôt fédéral, en fonction de sa structure de propriété et du statut de responsabilité de ses actionnaires.
Comme mentionné précédemment, les SRI sont un type d’entité étrangère dont les propriétaires ont une responsabilité illimitée. Dans un contexte américain, ces entités ne sont pas automatiquement classées comme des sociétés (per se). Il s’agit plutôt d’« entités admissibles » qui peuvent choisir leur classification. Par exemple, une société ayant un seul propriétaire peut choisir d’être traitée comme une entité transparente ou une association (société), tandis qu’une société ayant plusieurs propriétaires peut choisir d’être traitée comme une société de personnes ou une association. Le système fiscal fédéral des États-Unis permet aux entités commerciales admissibles de choisir leur classification. On parle de la méthode des cases à cocher (check-the-box, ou « CTB »). Pour effectuer ce choix, une entité commerciale doit déposer le formulaire 8832, « Entity Classification Election », auprès de l’Internal Revenue Service (l’« IRS »). Ce formulaire permet à l’entité de décider de sa classification aux fins du calcul de l’impôt fédéral : une société, une société de personnes ou une entité transparente. Le choix peut être effectif jusqu’à 75 jours avant la date de dépôt du formulaire ou jusqu’à 12 mois après cette date. Il offre une grande souplesse en matière de planification fiscale; il permet aux entités de choisir le traitement fiscal le plus avantageux aux fins du calcul de l’impôt fédéral des États-Unis sans devoir modifier leur structure juridique.
La responsabilité des actionnaires américains d’une SRI
Comme indiqué plus haut, la responsabilité des actionnaires d’une SRI canadienne varie d’une province à l’autre. Ainsi, un actionnaire américain qui détiendrait par ailleurs directement les actions d’une SRI pourrait réduire le risque de responsabilité illimitée en utilisant une filiale américaine entre la société mère américaine et la SRI (c.-à-d. une « entité bloqueuse » américaine). La société mère américaine serait ainsi protégée de la responsabilité illimitée qui serait autrement associée au contrôle direct d’une participation dans la SRI. Sa responsabilité serait limitée à son investissement dans l’entité bloqueuse et non jusqu’à la totalité du passif de la SRI.
En règle générale, l’entité bloqueuse américaine est traitée comme une société distincte aux fins du calcul de l’impôt des États-Unis (à moins qu’elle ne choisisse par ailleurs de produire une déclaration consolidée avec une société mère américaine). Le revenu et les gains de la SRI sont donc d’abord imposés au niveau de l’entité bloqueuse avant que toute distribution ne soit faite à ses actionnaires. La distribution de dividendes à une société américaine actionnaire qui détient plus de 80 % des actions de l’entité bloqueuse américaine peut être admissible à une déduction de 100 % des dividendes reçus.
La structuration fiscale avec une SRI
La structure des investissements sortants sous forme de succursale a été un outil de planification commun déployé par les contribuables. Or, les modifications aux règles de récupération des succursales étrangères imposées dans le cadre de la Tax Cuts and Jobs Act (la « TCJA ») ont ajouté des règles plus strictes pour empêcher l’abus perçu d’utilisation des succursales dans le but de générer des pertes pour compenser le revenu gagné aux États-Unis. Généralement, la conduite des affaires par l’intermédiaire d’une succursale offre une flexibilité au groupe américain pour utiliser les pertes subies au cours de la phase initiale de cet investissement sortant contre le revenu généré par le groupe américain plus large. Au moment où les activités à l’étranger deviennent rentables, le groupe américain peut choisir de constituer la succursale en société par actions afin de reporter éventuellement les sommes à inclure dans le revenu. Toutefois, l’article 904 et l’article 91 (ci-après la « TCJA » ) de l’Internal Revenue Code (l’« IRC ») imposent certaines exigences de récupération des pertes à la disposition de l’actif d’une succursale. Un actionnaire américain est considéré comme ayant disposé de l’actif de la succursale à la juste valeur marchande (la « JVM ») lorsqu’il constitue une succursale étrangère. Il serait tenu de récupérer les pertes constatées antérieurement à l’égard de ce commerce ou de cette entreprise.
Une SRI canadienne qui exploite activement un commerce ou une entreprise au Canada peut être considérée comme une succursale de l’actionnaire américain. Une succursale est d’abord imposée par le territoire de compétence où elle exerce ses activités, ce qui permet à l’actionnaire américain d’inclure tout revenu ou toute perte de la succursale simultanément et de potentiellement compenser l’impôt sur le revenu fédéral des États-Unis par l’impôt canadien payé par la succursale au moyen d’un mécanisme de crédit pour impôt étranger.
Par exemple, une société américaine qui détient en propriété exclusive une SRI classée comme une entité transparente peut choisir plus tard de la constituer en société avec la méthode CTB une fois que la SRI devient rentable. Dans ce scénario, la société américaine est réputée avoir transféré la quasi-totalité de l’actif de la succursale étrangère à la nouvelle SRI, à la JVM. Par conséquent, au cours de l’année du transfert, la société américaine doit constater les pertes nettes subies par la succursale étrangère sur le revenu imposable de celle-ci, et tout gain constaté sur le transfert réputé, à la JVM. Ces règles visent essentiellement à refléter la situation fiscale de l’actionnaire américain comme si l’entreprise étrangère avait toujours été exploitée comme une société.
Les modifications découlant de la TCJA augmentent considérablement le potentiel de récupération des revenus lors de la constitution d’une succursale. Une SRI peut néanmoins offrir la souplesse nécessaire aux groupes américains qui sondent le terrain vers une expansion éventuelle à l’extérieur des États-Unis, ainsi que des avantages potentiels découlant de la valeur temps du montant d’impôt à payer reporté à une année ultérieure.
S’il est choisi avec la méthode CTB que la SRI sera traitée comme une société (une entité imposable), la succursale constituée devrait généralement être traitée comme une société étrangère aux fins du calcul de l’impôt fédéral américain. Au sens de l’article 957, une société étrangère entièrement détenue est considérée comme une société étrangère contrôlée (une « SEC ») pour l’actionnaire américain. Selon la nature de l’activité, l’actionnaire américain d’une SEC peut être tenu de constater un revenu au cours de l’année d’activité, sans égard aux distributions réelles, en vertu des règles sur le revenu de la sous-partie F ou sur le revenu mondial à faible taux d’imposition tiré de biens incorporels (« GILTI ») (c.-à-d. des règles fiscales anti-report).
Au moment de décider comment détenir ses investissements étrangers, un groupe américain modélise habituellement le traitement fiscal et les avantages liés à la propriété d’un tel investissement par l’intermédiaire d’une société étrangère par rapport à une SRI classée comme une succursale. Notamment, une société américaine actionnaire d’une société traitée comme une SEC peut demander une déduction de 50 % (réduite à 37,5 % pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2025) sur les sommes incluses en vertu des règles GILTI et utiliser les crédits pour impôt étranger réputé payé, ce qui réduit considérablement le taux d’imposition effectif sur les bénéfices étrangers. En outre, la société américaine actionnaire peut bénéficier d’une déduction de 100 % sur la part de source étrangère des dividendes reçus de la SEC, ce qui optimise davantage sa situation fiscale. Compte tenu de ces différences importantes relativement au traitement et aux avantages fiscaux, il est essentiel de procéder à une analyse approfondie afin de déterminer l’entité appropriée pour la détention ou le choix de classification de l’entité pour les investissements étrangers.
L’utilisation d’une SRI dans le cadre d’une opération de fusion et acquisition
Souvent, dans le cadre d’une opération de fusion et acquisition impliquant un acquéreur américain, celui-ci peut vouloir structurer l’acquisition de manière à augmenter la valeur fiscale de l’actif acquis (c.-à-d. traiter l’achat d’actions comme une acquisition d’actif aux fins du calcul de l’impôt fédéral des États-Unis). Il existe des choix fiscaux, pourvu que certaines exigences soient respectées, qu’une société acquéreuse américaine (ou une société acquéreuse canadienne qu’une société acquéreuse américaine forme) peut être autorisée à utiliser afin de traiter l’achat des actions d’une société comme une acquisition d’actif aux fins du calcul de l’impôt fédéral des États-Unis. Pour qu’un choix de vente réputée d’un actif soit possible, l’acquisition doit généralement être un achat ou une disposition d’actions admissible, ce qui, dans l’un ou l’autre des cas, exige l’acquisition d’au moins 80 % des droits de vote et de la valeur des actions de la société dans le cadre d’une opération imposable. Dans de nombreux cas, cette condition peut ne pas être remplie, ce qui, en l’absence d’une stratégie de rechange, signifierait que l’acquéreur américain ne pourrait pas obtenir une augmentation de la valeur fiscale de l’actif visé lors de l’acquisition des actions.
Une stratégie courante pour remédier au problème potentiel ci-dessus, ou, dans certains cas, une stratégie de rechange privilégiée, est l’utilisation d’une SRI, en raison de sa nature hybride en matière de fiscalité aux États-Unis. Elle donne à l’acquéreur américain la possibilité de structurer l’acquisition comme la vente d’un actif aux fins du calcul de l’impôt fédéral américain pendant qu’il acquiert légalement les actions d’une société canadienne. Selon les faits, l’acquéreur américain peut demander au vendeur de convertir la société canadienne visée en SRI avant la clôture de l’opération. Bien que l’opération soit traitée de la même façon aux fins du calcul de l’impôt au Canada (c.-à-d. comme une vente des actions de la société), elle peut être traitée comme une acquisition de l’actif de la société pour l’acquéreur américain aux fins de l’impôt fédéral aux États-Unis.
Dans le cas d’une conversion en SRI avant la clôture de l’opération, l’acquéreur américain est traité comme un acquéreur d’actif à la clôture et peut augmenter la valeur de l’actif de la SRI jusqu’à la JVM du prix d’achat. Dans la mesure où la valeur est attribuée à un actif amortissable, l’acquéreur américain bénéficierait des avantages de l’amortissement après la clôture. Toute valeur excédentaire par rapport à l’actif de la SRI serait considérée comme un écart d’acquisition, qui peut également être amorti sur 15 ans aux fins du calcul de l’impôt américain. En fin de compte, cela crée des déductions aux États-Unis si l’acquéreur est une personne résidant aux États-Unis. Par ailleurs, si un acquéreur canadien est constitué par la personne résidant aux États-Unis, les déductions supplémentaires réduisent généralement les sommes à inclure dans le revenu de cette personne en vertu des règles GILTI. De plus, les bénéfices et les profits, le cas échéant, accumulés par la société canadienne seraient éliminés au moment de sa conversion en SRI du point de vue fiscal aux États-Unis.
Bien que cet aspect puisse être intéressant, il faut tenir compte de l’alinéa §901(m), dont l’application pourrait priver l’actionnaire américain de certaines parties de l’impôt étranger payé au Canada. Plus précisément, la société américaine acquiert la SRI dans un contexte où la valeur de l’actif acquis est augmentée pour usage fiscal aux États-Unis, mais pas au Canada, ce qui entraîne un écart de valeur. L’impôt étranger payé sur le revenu tiré de cet actif peut être partiellement ou entièrement refusé comme crédit pour impôt étranger dans la mesure de cet écart.
Les SRI offrent également une certaine souplesse dans le cadre de certaines opérations de fusion et acquisition. Elles facilitent les transferts à imposition différée d’actions d’une société pour un vendeur américain et des actionnaires canadiens existants. Par exemple, un vendeur américain ne peut pas transférer des actions d’une entité classée comme une société à une société canadienne avec report d’impôt à moins qu’il ne détienne de manière générale, avec d’autres cédants (p. ex. des actionnaires canadiens existants qui injectent des fonds), au moins 80 % des droits de vote et de la valeur de toutes les catégories d’actions (après le transfert). Autrement dit, si les actionnaires existants n’apportent pas de liquidités ou de biens à la société mère canadienne, le transfert d’un bien à valeur accrue par une personne résidant aux États-Unis à une société canadienne constituera probablement une opération imposable. Toutefois, la formation d’une entité « regroupeuse » traitée comme une société de personnes ou une entité intermédiaire (p. ex. une SRI) pour un usage fiscal américain pourrait faciliter la transaction avec un report d’impôt. En règle générale, l’apport d’un bien à valeur accrue par une personne résidant aux États-Unis à une société de personnes est une contribution à imposition différée et n’est pas immédiatement imposable pour le cédant. De plus, les actionnaires canadiens existants peuvent échanger leurs actions de la société canadienne visée contre des actions de la SRI (également une entité canadienne) avec report d’impôt. Bien que le sujet déborde du cadre du présent bulletin, il est intéressant de savoir que la SRI « regroupeuse » peut également être en mesure de faciliter l’application de programmes d’incitatifs avantageux sur le plan fiscal pour les participants américains en émettant des participations pour son bénéfice à l’avenir. Somme toute, la nature hybride de la SRI offre une grande souplesse aux investisseurs et aux vendeurs américains pour structurer leurs investissements de manière avantageuse sur le plan fiscal.
Conclusion
En résumé, les contribuables américains utilisent souvent une SRI dans le cadre d’une structuration intéressante sur le plan fiscal, afin de profiter de certains avantages fiscaux. Elle constitue un outil que les fiscalistes doivent bien connaître. Cette structure d’entreprise offre aux personnes résidant aux États-Unis une certaine souplesse dans la classification de leur entité aux fins du calcul de l’impôt américain (c.-à-d. une entité admissible au choix par la méthode CTB), ce qui n’est pas le cas pour les sociétés canadiennes. Néanmoins, cette souplesse peut s’accompagner de considérations et de compromis qui doivent être soigneusement analysés avant l’établissement d’une SRI. Nous sommes là pour vous aider à vous y retrouver dans ces aspects complexes, et à obtenir les résultats fiscaux les plus avantageux.
Le présent bulletin a été rédigé en collaboration avec Christopher Piskorz (associé, Deloitte), Vidhur Sharma (directeur principal, Deloitte) et Jennifer Shih (associée, Deloitte).
Au sujet de Deloitte Canada
Pour en apprendre plus sur Deloitte Canada, veuillez nous suivre sur LinkedIn, X, Instagram ou Facebook. Pour obtenir une description détaillée de la structure juridique de Deloitte Touche Tohmatsu Limited et de ses filiales, veuillez
consulter www.deloitte.com/ca/apropos.
La présente publication ne contient que des renseignements généraux, et Deloitte n’y fournit aucun conseil ou service professionnel dans les domaines de la comptabilité, des affaires, des finances, du placement, du droit ou de la fiscalité, ni aucun autre type de service ou conseil. Elle ne remplace donc pas les services ou conseils professionnels et ne devrait pas être utilisée pour prendre des décisions ou des mesures susceptibles d’avoir une incidence sur votre entreprise. Avant de prendre de telles décisions ou mesures, vous devriez consulter un conseiller professionnel compétent. Deloitte n’est aucunement responsable de toute perte que subirait une personne parce qu’elle se serait fiée à la présente publication.