L’étendue et la portée des tarifs américains applicables au Canada (et au reste du monde) changent continuellement. Les entreprises canadiennes qui doivent composer avec cette période de turbulences s’attellent à l’évaluation de leurs obligations actuelles et futures et cherchent la meilleure façon de maintenir de bonnes bases[1].
Compte tenu des circonstances, le pouvoir discrétionnaire de nature contractuelle suscite des préoccupations : les tarifs peuvent inciter les parties à se demander si, et comment, elles peuvent modifier leurs engagements contractuels. De nombreux contrats prévoient un pouvoir discrétionnaire sur la manière dont une obligation doit être satisfaite, ou sur la question de savoir si une partie peut en modifier les modalités. Ils peuvent également permettre à une partie de demander certaines modifications, et accorder à l’autre partie le droit de les refuser.
Une partie disposant d’un tel pouvoir discrétionnaire pourrait être portée à croire qu’elle est libre de l’exercer comme bon lui semble. Or, un tel exercice risque d’engager sa responsabilité. Un pouvoir discrétionnaire de nature contractuelle doit être exercé de bonne foi, et les parties ne peuvent en aucun cas se soustraire à cette obligation.
L’obligation de bonne foi, dans la pratique, varie selon le contexte et peut soulever des questions complexes. Par conséquent, les parties qui se demandent si – et comment – elles doivent exercer ce pouvoir discrétionnaire pour faire face aux tarifs devraient obtenir l’avis d’avocats-conseils qui connaissent bien la gestion des risques applicables.
Les contrats sont assujettis à des obligations de bonne foi, et les parties ne peuvent pas s’y soustraire
Tous les contrats canadiens qui relèvent de la common law doivent respecter le principe fondamental de la bonne foi. Ce principe se traduit par des obligations particulières. La liste des obligations de bonne foi évolue et continue de s’allonger. L’Ontario, par exemple, reconnaît quatre principes :
- l’obligation de coopération entre les parties afin d’atteindre les objectifs du contrat;
- l’obligation d’exercer un pouvoir discrétionnaire de nature contractuelle de bonne foi;
- l’obligation de ne pas se soustraire à ses obligations contractuelles en faisant preuve de mauvaise foi;
- l’obligation d’exécution honnête.
Les parties doivent donc garder ces obligations en tête lorsqu’elles évaluent leurs obligations et leurs droits contractuels, y compris en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire de nature contractuelle.
La Cour suprême du Canada a clairement établi que les parties ne peuvent en aucun cas se soustraire à leurs obligations de bonne foi en matière contractuelle. Il convient également de souligner que cette interdiction peut empêcher les parties d’exclure ou de limiter leurs responsabilités à cet égard au moyen de clauses exhaustives de limitation de la responsabilité[2]. Par conséquent, les parties qui ont prévu ce genre de clauses ne sont peut-être pas aussi bien protégées qu’elles le croient.
Bien que ce domaine du droit évolue, il est également probable que ces obligations de bonne foi ne s’appliquent pas aux négociations précontractuelles[3].
L’une de ces obligations de « bonne foi » exige que le pouvoir discrétionnaire de nature contractuelle soit exercé de façon raisonnable
Les clauses discrétionnaires sont courantes dans les contrats commerciaux :
- Une partie peut disposer d’un pouvoir discrétionnaire quant à la façon dont une obligation doit être satisfaite;
- Une partie peut disposer du pouvoir discrétionnaire de modifier un contrat unilatéralement;
- Une partie peut disposer du pouvoir discrétionnaire de refuser les modifications proposées par l’autre partie.
Une partie disposant d’un pouvoir discrétionnaire pourrait croire qu’elle est libre de l’exercer comme bon lui semble. Toutefois, un tel pouvoir doit toujours être exercé de bonne foi et de façon raisonnable. Il est impossible de se soustraire à cette obligation, même lorsque le contrat ne limite pas expressément les pouvoirs discrétionnaires.
La Cour suprême du Canada explique ce principe comme suit :
- Les parties doivent exercer leur pouvoir discrétionnaire d’une manière qui respecte les fins pour lesquelles il a été accordé;
- Lorsque le contrat ne précise pas les fins pour lesquelles le pouvoir discrétionnaire a été accordé, celles-ci seront déterminées à la suite de l’interprétation du contrat dans son ensemble;
- Les parties ne peuvent pas exercer leur pouvoir discrétionnaire de façon arbitraire ou abusive.
Par conséquent, lorsque les parties se demandent s’il faut – et comment – exercer leur pouvoir discrétionnaire de nature contractuelle, elles doivent au moins réfléchir à la question de savoir si l’exercice de ce pouvoir concorde avec les fins pour lesquelles il a été accordé.
Demandez des conseils juridiques avant d’exercer votre pouvoir discrétionnaire de nature contractuelle
Le contexte joue un rôle déterminant dans la question de savoir si un pouvoir discrétionnaire de nature contractuelle a été exercé de bonne foi. L’évolution du paysage tarifaire risque de compliquer les choses dans ce domaine, car il est possible que les parties n’aient pas réfléchi à la question lors des négociations. Comme les risques peuvent être considérables, les parties doivent prendre le temps de bien analyser leur position. Attention si l’exercice du pouvoir discrétionnaire a pour effet de changer la nature du contrat ou de modifier les obligations des parties : si c’est le cas, les parties devraient obtenir des conseils juridiques expressément axés sur ce type de risques.
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